Si la carte sécuritaire n’a pas payé au Sahel, c’est justement parce que c’est son aspect diversion malsain et malhonnête qui a posé problème aux observateurs.
D’aucuns ont déjà dénoncé le fait que le Sahel constitue une richesse que l’Occident doit acquérir quel que soit le prix à payer. Le Sahel, c’est l’uranium, c’est le pétrole et c’est aussi un point géostratégique que beaucoup de soupirants revendiquent. Mais un autre point inquiète. La destruction que les entreprises, AREVA en tête, sont en passe de programmer. M. Roland Desbordes, ingénieur en énergie nucléaire et président du Centre de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIAD), nous en parle.
Le Jeune Indépendant : Où sont les points d’implantation d’AREVA dans la région ?
Roland Desbordes : Areva est présente au Niger où elle s’est implantée dans la foulée de l’indépendance (cela figurait d’ailleurs dans les engagements du Niger pour accéder à son indépendance !!). Elle exploite deux filons (Aarlit et Akokan, l’un souterrain et l’autre à ciel ouvert) et a obtenu un permis d’exploitation pour Imouraren qui devrait –dans deux ans – être la première mine d’U au monde par la taille ! Elle a aussi des visés sur le Tchad… comme les Chinois qui arrivent en force dans la région. Les prix payés aux Nigériens ont toujours été bien plus bas que le cours mondial (accords privilégiés) mais ils ont tendance à s’en rapprocher, les Nigériens faisant jouer la concurrence.
Le sommet de Copenhague n’a pas été ferme concernant les dénonciations des déchets d’uranium….
Le lobby nucléaire a tenté au sommet de Copenhague de faire avaliser la thèse selon laquelle le nucléaire était une énergie «propre» – sans CO2 et sans déchets. Cela n’a pas marché!
Comment évaluez-vous les dégâts ?
Les dégâts pour l’environnement dus à l’exploitation de la mine d’U sont très importants car jusqu’à ce jour, cela a produit plus de 30 millions de tonnes de déchets radioactifs accumulés en pleine nature – à quelques kilomètres de Aarlit. Cela a fait baisser le niveau de la nappe d’eau – qui sert aux puits pour les nomades – et l’a polluée. Or cette nappe est non renouvelable ! Pour extraire cet uranium, on a aussi besoin de beaucoup de courant électrique. On exploite donc une mine de charbon – très sale – en plein désert.
Où se situe la gravité de la pollution au Sahel ?
La pollution est a priori assez localisée à la région d’Agadez. Mais, avec le gisement d’Imouraren, cela va remonter vers le nord à la limite avec l’Algérie.
Le nucléaire est aussi un enjeu, ces derniers temps, en Allemagne qui a repoussé l’exploitation de ses centrales nucléaires jusqu’en 2014. Pourquoi, selon vous ?
La décision de prolonger la durée de vie des centrales en Allemagne est politique, et n’a rien à voir avec un enjeu industriel ou économique ou humain. Tous les discours sont du vent !
Vous avez, nous semble-t-il, des projets avec l’Algérie ?
Oui, beaucoup. J’y serai dans un mois pour étudier la faisabilité de certains projets très importants.
Entretien réalisé à Paris par Samir Méhalla