Surpris par la décision radicale du bureau d’Alger du RND qui a gelé son adhésion et demandé son départ de la tête du parti, Ahmed Ouyahia a été contraint de réagir, hier, de la manière la plus forte. Détenteur du pouvoir de décision, il a riposté par trois mesures touchant le meneur de la contestation, qui n’est autre que son désormais ex-bras droit, Seddik Chihab.
Karim Aimeur – Alger (Le Soir) – «Nous demandons au secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, de quitter immédiatement son poste de secrétaire général du parti». La demande, exprimée dans un communiqué sanctionnant une réunion du bureau d’Alger du parti, tenue la veille, a tout d’une balle assassine tirée contre l’ancien Premier ministre par l’un de ses plus fidèles lieutenants de cette dernière décennie, Seddik Chihab, porte-parole du parti.
Député d’Alger, ce dernier a présidé une réunion du bureau de wilaya, avec la participation des maires du parti et des secrétaires des bureaux communaux.
Autre décision non moins importante prise à l’encontre d’Ouyahia : son adhésion au bureau d’Alger du RND est gelée ! Autant dire, une exclusion en bonne et due forme.
La réaction d’Ouyahia ne s’est pas fait attendre. Elle était à la mesure de la gravité des décisions à son encontre.
Il a présidé une réunion du Bureau national suite «à la désobéissance» conduite par Seddik Chihab au niveau des structures du parti à Alger.
Ce dernier a été touché par trois mesures aussi radicales que celles qu’il a prises la veille contre son chef.
Il est ainsi décidé de mettre fin aux fonctions du député d’Alger en tant que porte-parole du parti, en attendant la désignant d’un successeur. Mohamed Guidji, ancien chef du groupe parlementaire du parti, est pressenti pour occuper ce poste.
Seddik Chihab perd aussi sa qualité de membre du Bureau national du RND comme il est mis fin à ses fonctions en qualité de secrétaire du conseil de la wilaya d’Alger.
Ces décisions et contre-décisions ouvrent la page d’une nouvelle crise organique au sein du RND qui est, au même titre que le FLN, décrié par le peuple dans les manifestations contre le système politique.
Les mesures prises à l’encontre de Seddik Chihab ne signifient pas que la partie est finie. Dans son communiqué d’avant-hier, du bureau de la wilaya d’Alger, M. Ouyahia est appelé à «assumer ses responsabilités morales envers le parti». Le bureau d’Alger a appelé, en outre, les militants à adhérer à la démarche de redressement du parti.
La démarche du bureau d’Alger du RND, qui s’est abstenu d’appeler le président du Sénat, Abdelkader Bensalah à répondre aux exigences du peuple, suscite beaucoup d’interrogations.
Seddik Chihab est resté en toutes circonstances fidèle à Ouyahia, y compris lors du mouvement de redressement de 2012 qui avait poussé le patron du parti à démissionner.
Certains estiment que le député d’Alger est chargé d’une mission bien précise, à savoir celle de redonner au RND une nouvelle virginité qui lui permettra de jouer un rôle dans le processus de transition qui s’annonce en le débarrassant d’Ouyahia, l’homme contesté par la rue.
Ce qui est considéré comme une manœuvre du système politique qui veut se régénérer en mettant en avant de nouveaux visages et contourner ainsi la revendication principale du tsunami humain qui se déverse sur les villes algériennes chaque vendredi, et ce, depuis le 22 février dernier. Seddik Chihab était, en effet, le premier responsable du cercle présidentiel à parler des forces non constitutionnelles qui dirigent le pays depuis des années, dans le sillage du mouvement populaire contre le système politique. Quelques jours plus tard, le ministère de la Défense nationale a évoqué ces «entités non constitutionnelles», affirmant qu’il ne reconnaîtra aucune décision émanant de ces forces.
Mais, il semble qu’Ouyahia qui a cédé, en 2013, à un mouvement de redressement sans consistance, en démissionnant sous le motif de préserver le parti et l’unité de ses rangs, ne va pas se laisser faire cette fois-ci.
En 2016, lorsqu’il est revenu de nouveau à la tête du parti, il était ciblé par un nouveau mouvement de redressement. Ouyahia, appuyé par le même Chihab, avait juré de ne plus céder à «la dictature des minorités».
K. A.