Les partis d’extrême droite et les intellectuels qui lui sont affiliés trouveront certainement dans cet horrible attentat les arguments pour alimenter leur islamophobie primaire.
C’est une France qui découvre, consternée, toute l’horreur du terrorisme sur son sol : l’attaque meurtrière qui a décimé hier l’hebdomadaire Charlie Hebdo, connu pour ses satires, révèle encore une fois que le terrorisme est une menace sérieuse sur les libertés et la paix mondiale. Quelles que soient les motivations des tueurs, rien ne justifie cette attaque d’une rare violence qui a visé le journal et ses employés
parmi les journalistes et les caricaturistes.
À l’évidence, d’aucuns y verront quelques liens avec les satires de l’hebdomadaire, notamment après la reprise des 12 caricatures du prophète publiées par le quotidien danois Jylland-Posten en 2006 qui avaient provoqué des manifestations dans plusieurs pays musulmans. “Il y a des menaces constantes depuis la publication des caricatures de Mahomet”, a expliqué l’avocat de Charlie Hebdo, Richard Malka, hier, sur la radio RTL et repris par l’AFP. “Ça fait huit ans qu’on vit sous la menace, qu’il y a des protections, mais il n’y a rien à faire contre des barbares qui viennent avec des kalachnikovs.” “C’est un journal qui ne fait que défendre la liberté d’expression, la liberté tout court, notre liberté à tous, et aujourd’hui, des journalistes, des dessinateurs, de simples dessinateurs ont payé le prix fort pour ça”, a-t-il souligné.
Même si aucune organisation n’a encore revendiqué l’attaque, il reste que la piste islamiste demeure la plus privilégiée, selon un témoin, si l’on se fie aux déclarations de l’un des terroristes après la tuerie. “Nous avons vengé le prophète.” “Allah Akbar.” Parce que entretenu sciemment par certains cercles, que l’amalgame entre islam et terrorisme risque inévitablement d’avoir des conséquences sur la situation des musulmans de France, déjà cibles depuis quelques mois d’attaques islamophobes, après cet attentat meurtrier. Bien entendu, rien n’indique qu’il y ait un lien direct entre le discours développé par ces milieux contre les musulmans et la réaction des extrémistes, auteurs de l’attentat d’hier. Mais dans une conjoncture économique difficile, les stigmatisations récurrentes développées par certains milieux extrémistes contre l’immigration risquent de faire désormais des musulmans de France des boucs émissaires tout désignés. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que le Conseil français du culte musulman (CFCM), instance représentative des musulmans de France, a promptement réagi en condamnant “un acte barbare”. “Cet acte barbare d’une extrême gravité est aussi une attaque contre la démocratie et la liberté de la presse”, a affirmé le CFCM. “Dans un contexte politique international de tensions alimenté par les délires de groupes terroristes se prévalant injustement de l’islam, nous appelons tous ceux qui sont attachés aux valeurs de la République et de la démocratie à éviter les provocations qui ne servent qu’à jeter de l’huile sur le feu”, ajoute l’instance qui a exprimé sa solidarité avec les familles des victimes.
D’autres intellectuels ont déjà appelé, dans un passé tout récent, à éviter tout amalgame qui risque d’être préjudiciable à la République. C’est le cas d’Edwy Plenel, journaliste et président du journal en ligne Mediapart, qui expliquait les raisons de la publication de son livre Pour les musulmans. “J’envisage mon livre comme un cri, un appel à rompre avec la désignation de l’islam comme un bouc émissaire répandue dans le système médiatique et par certains intellectuels.” En tout cas, le débat sur le conflit civilisationnel risque de repartir de plus belle.
K. K.