Riposte de Nacer Boudiaf : Ben Bella était «l’adjudant choisi par de Gaulle à la tête de l’Algérie»

Riposte de Nacer Boudiaf : Ben Bella était «l’adjudant choisi par de Gaulle à la tête de l’Algérie»

Comme il fallait s’y attendre, la sortie médiatique de Ben Bella dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, dans laquelle il avait proféré certaines accusations contre quelques personnalités historiques du pays, n’a pas manqué de susciter une première réaction. Celle du fils de l’ancien président Mohamed Boudiaf, dont les performances militaires ont été qualifiées de nulles.

«Vous, l’adjudant choisi par de Gaulle à la tête de l’Algérie», tel est le titre par lequel le président de la Fondation qui veut perpétuer la mémoire de son père, Nacer Boudiaf, a choisi de répliquer à Ben Bella. «Si vous insinuez que s’il était un peu plus rusé sur ce plan, il ne serait pas lâchement assassiné, les militaires algériens apprécieront. Quant à son algérianité, vous n’en parlez pas pour la simple raison qu’elle est irréprochable, contrairement à la vôtre». Se référant à des arguments puisés de quelques écrits d’auteurs, le fils de Boudiaf a mis en avant les passages remettant en cause l’algérianité et l’esprit nationaliste du premier président de l’Algérie indépendante. «Est-ce votre incomplète algérianité qui vous a permis de tenter de vendre l’Algérie à l’Egypte ?» Et de citer Ferhat Abbas qui, dans son ouvrage l’Indépendance confisquée, fera savoir que Ben Bella avait répondu favorablement à la proposition de Djamel Abdenasser de fusionner l’Algérie à la République arabe unie (RAU). Citant toujours le même auteur, Nacer Boudiaf lui fait rappeler également cette information : «C’est Ben Bella qui dénonça en 1950 notre Organisation spéciale (OS). Du moment qu’il était arrêté, rien ne devait subsister après lui. C’est un ambitieux sans courage. Pour parvenir à ses fins, il passera sur le corps de tous ses amis. Il est sans scrupule.» Ce qui fera dire au fils Boudiaf : «C’est à cause de cela que vous avez été très loin de la réunion des 22, donc du déclenchement de la révolution du 1er Novembre 1954 et que votre présence au Congrès de la Soummam n’était pas souhaitée par les grands de la Révolution qui ont eu vent de votre piètre prestation devant la police française en 1950.» Se référant à l’ouvrage de Lounis Aggoun, la Colonie française en Algérie, il choisit d’acculer Ben Bella sur son refus de s’évader de la prison : «Ben Bella aurait pu se retrouver très tranquillement en Allemagne et prendre ses responsabilités politiques.

Mais j’ai l’impression que, là aussi, le principal intéressé ne l’a pas voulu… Au dernier moment, Ben Bella a refusé de monter dans la voiture… Les captifs de rang élevé qui ne se sont pas décidés à sortir avaient sans doute de bonnes raisons de rester tranquilles là où ils étaient [en prison]», écrit Aggoun, citant Roger Rey.Boudiaf nous renvoie également à Benyoucef Benkhedda, lorsque, dans son livre Abane–Ben M’hidi, il attire l’attention du lecteur sur le fait que «le colonel Fethi Dib, l’un des patrons des services spéciaux du raïs (Nasser), manœuvre dans ses rapports avec les représentants du FLN au Caire, et tente de faire de Ben Bella son interlocuteur privilégié.

En réalité, son but visait à l’imposer comme seul maître de la délégation extérieure, l’estimant, sans doute, plus malléable que ses autres collègues». Ne se contentant pas de ces détails, Nacer Boudiaf poursuit : «D’emblée de jeu, la France vous choisit pour faire de vous une image et manipule les médias et les foules pour faire oublier les hommes comme Abane, Boudiaf, Aït Ahmed, Khider, Krim et bien d’autres. Plus tard, le général de Gaulle ne souhaitait pas, pour des raisons évidentes, avoir en face de lui, dans une Algérie indépendante, un Ferhat Abbas, un Boudiaf, un Aït Ahmed. Très fin manipulateur, de Gaulle enchaîne plusieurs manœuvres afin d’écarter deux pharmaciens (Abbas et Benkhedda) et réussit à placer à la tête de l’Algérie un adjudant décoré par l’armée française». Boudiaf lui reproche, par ailleurs, d’avoir «écarté de son chemin de président des Algériens dignes de ce nom», lui rappelant qu’il avait arrêté son père ainsi que Ferhat Abbas.

«Vous resterez seul parce que, au moment où quelqu’un a fait de vous ‘‘le sage des sages de l’Afrique’’, vous n’hésitez pas à vous immiscer dans sa vie privée que vous étalez en public. Vous resterez seul parce que, au moment où l’Algérie est en proie à toutes les manœuvres de déstabilisation, vous qualifiez un homme d’envergure tel qu’Aït Ahmed de ‘‘kabyle plus qu’Algérien’’». Et de conclure par cette réflexion lourde de sens : «Le peuple n’est pas dupe et il ne tombera pas dans le piège de diviser pour régner.

Le peuple ne vous pardonnera pas de sortir le 8 mai 2011, donc 66 ans après les événements du 8 mai 1945, pour essayer de le plonger dans une dangereuse incertitude. Pour cela, le peuple ne vous accordera pas une place au cimetière d’El Alia, pour ne pas côtoyer Boudiaf, Abbas, Ben M’hidi, Ben Boulaïd, Khider, Fatma N’soumer et bien d’autres hommes et femmes cent pour cent algériens». A rappeler, enfin, que, dans son intervention sur le mensuel Jeune Afrique, Ben Bella avait notamment reproché à l’actuel locataire d’El Mouradia son célibat endurci et accusé Aït Ahmed d’être «plus kabyle qu’algérien». Il fera savoir à l’envoyé spécial du magazine qu’il ne souhaitait pas voir l’Algérie ébranlée par le vent de la révolution qui a soufflé sur le monde arabe.

M. C