Yacef Saâdi, héros légendaire de la bataille d’Alger et chef historique de la zone autonome d’Alger (ZAA), au moment de la Révolution armée, vient de fêter ses 86 ans d’une façon explosive. Il vient de publier un opuscule d’une quarantaine de pages au contenu sulfureux dans lequel il fait exploser une véritable bombe.
« Mémorandum sur la zone historique autonome d’Alger » est le titre de ce livre dans lequel l’auteur revient sur des événements majeurs comme la bataille d’Alger, la grève des huit jours, la fuite des membres du Comité de coordination et d’exécution (CCE).
Yacef Saâdi justifie l’écriture de ce livre par le souci de dire « la vérité » et la « lutte contre les mensonges ». Précisément, il s’en prend à une autre légende vivante, Zohra Drif qu’il accuse tout simplement d’avoir dénoncé aux parachutistes du général Marcel Bigeard le martyr Ali la pointe !
Yacef Saâdi va plus loin dans son réquisitoire contre l’épouse de feu Rabah Bitat, un autre père fondateur de la Révolution en révélant qu’elle avait écrit une lettre à la martyre Hassiba Benbouali, dans laquelle elle lui demandait tout simplement de se rendre et de laisser tomber ses compagnons Ali la Pointe, Petit Omar et Mourad retranchés dans un appartement de la Casbah.
Comment Zohra Drif avait-elle pu contacter Hassiba Benbouali, n’était-ce la bienveillance des services français, se demande Yacef Saâdi en basant son témoignage sur une lettre d’archive récupérée en France. Tout en mettant en avant « l’esprit de sacrifice « de Hassiba Benbouali, Yacef Saâdi assène une autre vérité : Zohra Drif n’a jamais été condamnée à mort, selon sa version des faits.
La question que tout le monde se pose est pourquoi ce livre et pourquoi maintenant qui accable Zohra Drif. Nous croyons savoir que le héros de la « Bataille d’Alger » a réagi aux mémoires de Zohra Drif « mémoire d’une combattante dans les rangs de l’ALN » dans lesquelles elle a minimisé son rôle, alors qu’il s’est toujours proclamé chef incontesté de la célébre ZAA.
Dans ces mémoires, Zohra Drif utilise « Si l’kho » pour nommer Saâdi. « Mon nom est Yacef Saâdi et c’est moi qui l’avait sauvé de la mort » a réagi le concerné en recevant mardi chez lui à Alger des directeurs de journaux, à l’occasion de la publication de ce livre au parfum de scandale.
Ce livre a eu un véritable effet de bombe, selon certains échos qui nous sont parvenus hier du Conseil de la Nation, dont Zohra Drif est vice–présidente. C’est d’autant plus incompréhensible que les deux figures légendaires de la ZAA sont liées par une profonde amitié. Que s’est –il passé ? Mystère et boule de gomme.
Il faut dire que les mémoires de Zohra Drif sont également contestées par celle qui est qualifiée d’ « icône de la Révolution algérienne Djamila Bouhired » qui reproche à sa compagne d’ “avoir trahi la vérité”. A l’occasion d’une vente dédicace à la dernière foire d’Alger et à laquelle assistait Khalida Toumi, Djamila Bouhired s’était invitée sur les lieux, habillée tout en blanc comme une mariée pour ravir la vedette à Zohra Drif dont la vente dédicace avait tourné au fiasco.
En fait, ce n’est pas la première fois que les héros d’hier se déchirent aujourd’hui. On se souvient des vagues suscitées par les mémoires d’Ali Kafi après son témoignage sur Abane Ramdane et le colonel Amirouche. On sait que la Révolution algérienne n’était pas au dessus des bavures. C’était l’œuvre d’hommes et de femmes avec leur forces et leur faiblesses. Mais ce qui comptait, c’était le triomphe final, l’indépendance de l’Algérie qui a donné à cette Révolution une dimension épique.
Mais avec un tel linge sale lavé en public , qui plus est œuvre des héros de cette épopée, c’est un coup portée à cette Révolution qui représente aux yeux des algériens une valeur sacrée, une valeur absolue. Nom de Dieu, que vont penser les jeunes face à de tels déchirements ?
Finalement, Mohand Arab Bessaoud, n’avait-il pas raison d’avoir dit un jour « heureux les martyrs qui n’ont rien vu !».