Révoltes arabes,Un printemps qui fait couler du sang

Révoltes arabes,Un printemps qui fait couler du sang

Le jasmin du «printemps» se fane en…hiver

Il y a, comme aurait dit Shakespeare, «quelque chose de pourri…» dans le printemps arabe.

Incapables de faire de la politique, certains de nos partis se contentent d’un simple bricolage aux alentours de la «boulitique», certains chefs de ces partis prennent place carrément sur le seuil du ridicule, alors que d’autres squattent la ligne à cheval entre l’absurde et l’aberrant.

A défaut de projet de société cohérent, de vision claire et motivante pour le pays ou d’une stratégie rigoureuse de développement, des leaders de partis, tels des marchands de souks, tentent de nous convaincre, à la criée, de l’efficacité des remèdes qu’ils proposent et qui sont obtenus par une infusion de l’illusion, du mensonge et du charlatanisme. De la provocation? Ils y versent de temps en temps, ne serait-ce que pour donner l’impression d’être sérieux.

Certains chefs de partis, parce qu’incapables de faire la part des choses, se focalisent sur des questions secondaires qui, même si elles venaient à être résolues, ne permettent pas de résoudre les problèmes du pays. Et parce qu’ils sont incapables d’avancer des propositions dignes de ce nom, ils se contentent de reprendre des slogans d’autrui et d’ailleurs. Tous contents d’imiter les autres, l’index tendu et les yeux gros, ils se mettent à scander jusqu’à l’étouffement des «Dégage» dont ils n’ont pas encore saisi la véritable portée. Pour ceux qui n’ont pas encore bien ouvert les yeux, c’est justement ce «Dégage» qui a entraîné nos voisins et frères tunisiens dans un dédale dont, chaque jour que Dieu fait, ils émettent le souhait,ô combien légitime, de sortir au plus vite. C’est aussi ce «Dégage» qui a plongé l’Egypte dans une situation des plus instables et des plus dangereuses de son existence et à laquelle les Egyptiens voudraient bien s’extirper au plus vite.

Et c’est ce même «Dégage» qui a tiré la Libye vers les marécages puants de la guerre civile et l’a enfoncée dans un état de peur et d’insécurité duquel les Libyens aspirent à sortir aujourd’hui avant demain. «Dégage» a été un leitmotiv d’une certaine catégorie de gens qui, disons-le, n’ont pas beaucoup de choses à avoir avec les aspirations des peuples dans ces trois pays. Nous ne prétendons pas qu’ils ne sont pas des citoyens comme les autres, nous insinuons simplement qu’il s’agit de gens qui, surfant sur des aspirations dont ils ne saisissent ni le sens, ni la portée ni, encore moins l’importance, se sont imposés au final comme les représentants du peuple et les porte-étendards de ses revendications.

Quand ça pue l’opportunisme

Tous ceux qui ont hurlé «Dégage», du Caire à Tunis en passant par Benghazi, n’avaient certainement pas l’intention de détruire leur pays sauf qu’à l’arrivée, les mieux intentionnés, les plus sincères des manifestants, c’est-à-dire ceux qui voulaient améliorer la situation en Egypte, en Tunisie et en Libye, ont été écartés et tenus loin de la suite des choses. Ceci fait que, maintenant, lorsqu’on regarde qui est où et qui fait quoi, on se rend compte que le slogan utilisé pour destituer les gouvernants a été détourné de son véritable sens.

Les Egyptiens n’en pouvant plus d’un régime qui pourrissait à vue d’oeil et dont la corruption, telle une excroissance incontrôlable, leur rongeait la vie et les vouait à une misère insupportable, s’étaient soulevés pour améliorer leurs conditions de vie. Ils n’imaginaient pas qu’il puisse y avoir pire que la période de Moubarak et ses fils. Les jeunes Tunisiens, suffoquant sous le régime à la main de fer imperturbable de Ben Ali et des Trabelsi, se sont courageusement soulevés pour améliorer eux aussi, leurs conditions d’existence. Et les Libyens, poussés, d’un côté par le besoin d’imitation et, d’un autre, par les renseignements occidentaux dont ceux de Sarkozy ne seraient pas les moindres, ont vite basculé dans la guerre civile sans trop avoir eu le temps de comprendre ce qu’ils réclamaient.

Ben Ali s’est sauvé, Moubarak se laisse transporter sur une civière de prison en prison et d’hôpital en hôpital, alors que El Gueddafi est lâchement assassiné. Les trois gouvernants auxquels le slogan «Dégage» a été chanté dans la rue sont partis et dans les trois pays, la gestion des affaires de l’Etat a été confiée à des partis, des mouvements ou des personnes d’une certaine obédience. Une seule. La même partout. Dans la foulée, le Maroc a connu quelques jours au rythme du fameux «Dégage» et a aussi vu l’arrivée de la même tendance politique à la direction des affaires du pays.

Chez nous, il est tout de même assez étonnant que ce soient des partis de la même obédience, des partis islamistes, qui aient chanté le fameux «Dégage». Bouguerra Soltani et quelques-uns de ses confrères d’une alliance, aux senteurs incroyables d’opportunisme, se frottaient les mains et n’hésitaient pas à fêter publiquement la victoire de leurs acolytes en Egypte. La victoire qu’ils bénissaient dans un bonheur incommensurable! Normal, car ils attendaient leur tour d’accéder au pouvoir en Algérie. Ne restait alors, entre eux et le trône, que Bouteflika. Aussitôt s’étaient-ils mis à reprendre les chants d’ailleurs pour entonner leur «Dégage».

Dans tous les cas de figure que nous avons évoqués jusque-là, et tel un mot d’ordre venu d’ailleurs, ce slogan sentait une pourriture que ni les appellations charmeuses de «printemps arabe», ni le prix Nobel généreusement accordé à une «Arabe du Yémen» (qui fait figure d’un cas à part dont nous aurons un jour à traiter), n’ont pu cacher. Il y a, comme aurait dit Shakespeare, quelque chose de pourri… dans le «printemps arabe».

Les islamistes sont-ils au pouvoir?

Un printemps qui, au lieu de faire pousser beaucoup d’espoirs, fait couler beaucoup de sang. Enormément de sang. Pourquoi, donc, est-ce que, dans tous les pays qui ont connu un soulèvement populaire contre leurs gouvernants, ce sont les partis et mouvements, voire des personnalités islamistes qui ont pris les commandes? Ennahda et Ghanouchi en Tunisie, ont remplacé Ben Ali, les Frères musulmans et Morsi en Egypte ont succédé à Moubarak alors qu’Ali Zeidane en Libye émerge après la chute et la mort d’El Gueddafi. A cela, il conviendrait d’ajouter les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD) que mène Abdelilah Benkirane au Maroc.

Est-ce que ces pays avaient un problème avec la religion? Autrement dit, est-ce que les pratiques religieuses et même les convictions souffraient, dans ces pays, de quelconques empêchements sous les gouvernants précédents? Non, car au contraire, tout indique que la religion a toujours été bien respectée dans ces pays, à part en Tunisie où dans certains cas, aussi bien Ben Ali que Bourguiba, ne lui accordaient pas la même importance que leurs voisins.

Sinon, la pratique religieuse n’a, apparemment, jamais fait objet de contraintes ni au Maroc, ni en Egypte, ni en Libye. Qu’est-ce qui fait donc que ce soient les islamistes qui arrivent au pouvoir dans tous ces pays? Est-ce une montée en puissance qui les aurait élus à cette percée? Rien n’est moins sûr. Est-ce une vengeance des peuples? Très possible. Il n’y a qu’à rappeler qu’en Algérie, aux premières élections libres, le peuple avait commis un vote-sanction contre le FLN et donné sa voix à l’ex-FIS dissous. Mais au-delà de toutes ces considérations, la probabilité est malheureusement grande que tous ces partis et tous ces mouvements ou individus de la même tendance et de la même couleur n’ont pu accéder au pouvoir qu’avec un généreux coup de pouce venu d’ailleurs. Un coup de pouce des Occidentaux dont les objectifs stratégiques demeurent jusque-là difficiles à connaître, mais que le temps révèlera peut-être un jour.

En attendant, si au lieu de remplacer les amulettes par des slogans, certains se penchaient sur un projet de société ou, pour le moins, sur des propositions responsables et citoyennes, ce serait plus intéressant pour eux et pour le pays car ce serait travailler réellement pour un vrai… printemps arabe, pas celui dont le design a été fait dans des officines lugubres émargeant ailleurs que les peuples poussés à sortir.