Bien que le projet en question ne soit pas encore publié dans son intégralité, les quelques axes communiqués par la présidence à l’issue des travaux du Conseil des ministres, tenu dimanche et lundi, ont suscité des réactions au sein de la corporation. Les avis des professionnels divergent et convergent. Mais, hormis ceux qui se veulent prudents, la plupart estiment que «les textes devraient être élaborés par les professionnels eux-mêmes et non par le gouvernement». Certains qualifient ce projet de loi de positif et d’autres estiment qu’il a «un caractère scélérat».
Le Conseil des ministres a approuvé le projet de loi organique relative à l’information. Ce texte, qui amende celui de 1990, consacre la fin de l’agrément de nouvelles publications par le procureur de la République. Désormais, l’agrément se fera par une autorité de régulation de la presse écrite dont la moitié des membres sera nommée par le chef de l’État et le Parlement, tandis que l’autre moitié le sera par les journalistes. Une autre autorité de régulation aura la charge de l’audiovisuel.
Le projet de loi évoque également la déontologie et l’éthique de la presse et prévoit la mise en place, sans en préciser les conditions, d’une instance nationale. Celle-ci devrait être élue par les professionnels. Le nouveau texte propose une assise juridique à l’octroi de l’aide de l’État à la presse et conforte les journalistes dans la sauvegarde de leurs droits sociaux et professionnels. Au su de ces textes, la plupart se demandent s’il n’y a pas intention de poser des «lignes rouges à ne pas franchir» ou s’il n’y a pas de «réelle volonté de restructurer et organiser cette profession».
Bachir Cherif Hachemi, directeur de publication du quotidien la Tribune :
«J’ESTIME QUE CETTE LOI EST POSITIVE»
«J’estime que cette loi est positive et résulte d’une réelle volonté politique et constitue un espace important de définition de l’expression.» Sur la question de la création d’une autorité de régulation de la presse écrite dont la moitié des membres sera nommée par le chef de l’État et le Parlement, tandis que l’autre moitié le sera par les journalistes,
le directeur de publication de la Tribune a expliqué que «cette structure aura un rôle de régulateur dans un cadre administratif et le traitement de toutes les questions nous permettra de dire qui est qui.» A propos de déontologie et d’éthique professionnelle, Bachir Cherif a affirmé que «l’ancienne commission de déontologie et d’éthique a failli à sa mission et a basculé au profit d’un candidat», finissant par dire «c’est à la corporation de constituer cette commission».
Abdelkrim Ghezali, directeur de la rédaction au quotidien la Tribune :
«LE PROBLÈME DE FOND RÉSIDE DANS LA STRUCTURATION DES JOURNALISTES»
« Je pense que le problème de fond réside dans la structuration des journalistes et que la structure de régulation aura pour principale mission de surveillance et de contrôle de la fonction. Pour le reste, je pense que la loi est positive.»
Hocine Adriene, journaliste au quotidien Le Jeune Indépendant :
«LE MINISTÈRE N’A PAS PRIS EN CONSIDÉRATION LES PROPOSITIONS DE LA PRESSE»
«Un projet de loi ne peut contenir des dispositions contraignantes contre un journaliste. C’est une loi cadre qui devrait définir le cadre d’application du journalisme, uniquement. Je pense que le code de l’information n’est pas fait pour protéger l’Etat contre les journalistes, quand il s’agit de sécurité nationale.
Mais sur ce volet, il y a des structures pénales qui ont pour mission de traiter toute forme de dérapage. Après les consultations avec la presse, je pense que le ministère n’a pas pris en considération les propositions et suggestions émises par les représentants de la presse, notamment les articles relatifs à l’emprisonnement des journalistes.»
Fouad Boughanem, directeur de publication du quotidien Le Soir d’Algérie :
«IL EST PLUS SAGE D’ATTENDRE LA PUBLICATION DES TEXTES»
«Il est plus sage d’attendre la publication des textes pour pouvoir se prononcer sur leurs teneurs. On ne peut pas se prononcer sur la base d’un communiqué de la présidence faisant état des axes importants. Il est judicieux d’attendre le moment opportun, de prendre connaissance des textes dans leur fond pour, ensuite, analyser ou commenter ces derniers.»
Hacen Ouali, journaliste au quotidien El Watan :
«JE NE ME FAIS PAS D’ILLUSION SUR L’OUVERTURE DU CHAMP AUDIOVISUEL»
«Moi, je ne me fais pas d’illusion sur la loi relative à l’ouverture du champ médiatique audiovisuel, dès lors que nous œuvrons dans un système politique totalement fermé. Les déclarations concernant cette loi ne sont pas le fait d’une conviction, mais relève plutôt de la tactique tenant compte de l’environnement. Quand le gouvernement parle d’ouverture médiatique c’est pour mieux verrouiller. Autrement dit, le gouvernement veux s’offrir un champ médiatique sur mesure, privé soit-il.
Le nombre (clonage de l’unique chaîne de télévision) ne veut pas dire forcement pluralisme et diversité. Le droit à l’information concerne toute la société et le journalisme ne doit pas être l’affaire d’un conseil de ministres. S’il y a une réelle conviction des décideurs d’ouvrir le champ médiatique qu’ils commencent par l’ENTV qui, ouvertement ne joue pas son rôle de chaîne publique.»
Par D. Mentouri