Révision de la loi sur la lutte contre la corruption, »Nous voulons du concret »

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Effet d’annonce ou réelle volonté de réviser la loi de 2006?

Avis du Mouvement citoyen pour les libertés et le développement (Mcld), Ali Brahimi et du président de l’association Transparency International Algérie, Djilali Hadjadj.

Le ministre de la Justice, Mohamed Charfi, a indiqué, avant-hier à Alger, qu’un avant-projet de loi amendant la loi portant prévention et lutte contre la corruption promulguée en 2006, était en cours d’élaboration par son département.

Devant les députés, au terme de l’adoption de la loi portant organisation de la profession d’avocat, le ministre a précisé que l’avant-projet de loi en question vise à «consolider les règles juridiques qui permettent de lutter contre les actes portant préjudice à la communauté nationale, récupérer les deniers dilapidés et protéger les témoins et les dénonciateurs».

LG Algérie

Il a indiqué que la loi en vigueur prévoyait des sanctions à l’encontre des personnes qui dénoncent les cas de corruption alors qu’elle devrait «les protéger au même titre que le juge qui enquête sur les cas de corruption».

Effet d’annonce ou réelle volonté de réviser la loi de 2006?

Avis du porte-parole du Mouvement citoyen pour les libertés et le développement (Mcld), Ali Brahimi et du président de l’association Transparency International Algérie, Djilali Hadjadj.

Tardif mais bienvenu

«Si ce projet introduit de véritables mécanismes de récupération des deniers publics dilapidés et de protection des témoins et juges, il est le bienvenu, car ces deux situations sont les failles de la loi de 2006», a déclaré l’ancien député, Ali Brahimi, joint, hier, au téléphone.

Le porte-parole du Mcld, dont la lutte contre la corruption incluant la sanction des auteurs et la récupération par l’Etat des biens détournés est l’une des principales revendications, a demandé, en juin 2010, alors qu’il était député, une commission d’enquête sur la corruption, rejetée par l’APN.

«Lorsque j’ai déposé ma demande devant l’APN, j’ai revendiqué ce type de dispositions», a-t-il dit, estimant que «l’amendement annoncé par le ministre est tardif, mais bienvenu». La loi de 2006 protège, pour rappel, les témoins et dénonciateurs. Son article 45 punit «d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de 50.000 DA à 500.000 DA, toute personne qui recourt à la vengeance, l’intimidation ou la menace, sous quelque forme que ce soit et de quelque manière que ce soit, contre la personne des témoins, experts, dénonciateurs ou victimes ou leurs parents ou autres personnes qui leur sont proches».

L’article 46 qui traite de la dénonciation abusive stipule: «Est puni d’un emprisonnement de six (6) mois à cinq (5) ans et d’une amende de 50.000 DA à 500.000 DA, quiconque aura, sciemment, et par quelque moyen que ce soit, fait une dénonciation abusive sur les infractions prévues par la présente loi, aux autorités compétentes, contre une ou plusieurs personnes».

Ces deux articles ne protègent-ils pas suffisamment les témoins, experts, dénonciateurs ou victimes?

En tout cas, Ali Brahimi souligne que la lutte contre la corruption possède déjà suffisamment de textes de loi pour être menée.

«En la matière, il s’agit de l’affirmation d’une volonté politique de combattre le phénomène», a-t-il soutenu, estimant que «cette volonté n’est pas au rendez-vous pour le moment».

Du reste, plusieurs articles de la loi de 2006 ne sont pas respectés. Le plus significatif est celui qui fait obligation aux agents publics de faire une déclaration de patrimoine auprès du premier président de la Cour suprême.

Il faut du concret

Pour sa part, le président de l’association Transparency International Algérie, Djilali Hadjadj, ne prend pas au sérieux les déclarations du ministre de la Justice.

«Ce n’est pas la première fois que le ministre de la Justice annonce de telles modifications (sur la loi portant prévention et lutte contre la corruption). Il a fait la même déclaration le mois de décembre 2012. Fera-t-il donc la même déclaration en 2014?», a lancé M.Hadjadj, joint au téléphone.

«Nous voulons des actes concrets», a-t-il ajouté.

Pour notre interlocuteur qui plaide pour une justice indépendante pour lutter efficacement contre la corruption, la loi de 2006 est très insuffisante.

Il relève les contradictions dans les déclarations des ministres, comme celle du ministre de la Justice qui affirme que 90% des personnes impliquées dans l’affaire Sonatrach II sont identifiées alors que l’instruction judiciaire suit toujours son cours.

Djilali Hadjadj a appelé le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, pour mettre un peu d’ordre dans les déclarations de ses ministres.

Le président de Transparency International Algérie se demande, en outre, pourquoi le ministre de la Justice n’a pas évoqué l’affaire Sonelgaz. «J’appelle le Premier ministre à mettre fin aux fonctions du P-DG de Sonelgaz, Noureddine Bouterfa, qui est placé sous contrôle judiciaire», a encore lancé M.Hadjadj, appelant également le ministère des Finances à publier la liste noire des entreprises étrangères impliquées dans des affaires de corruption en Algérie et qui sont interdites de traiter avec les entreprises en Algérie.