Alors que la classe politique, dans sa majorité, demeure rivée aux conclusions de la commission installée à cet effet pour se déterminer par rapport à la substance de la révision constitutionnelle, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) formule d’ores et déjà des propositions pour une Constitution pérenne. Le parti, dont le conseil national a débattu hier d’un projet de Constitution, élaboré par une commission interne, prône, outre la séparation véritable des pouvoirs, la limitation des mandats présidentiels, une restructuration politique et administrative de l’Etat.
Le parti de Mohcine Belabbas innove dans sa démarche, en refusant de s’enfermer dans «la critique ou le commentaire de la manœuvre en cours». Car, pour lui, telle que configurée, la perspective de la révision constitutionnelle reste lourdement soumise à la volonté et la prérogative régalienne du chef de l’Etat. La commission, installée récemment pour mettre en forme le projet de la nouvelle Constitution, est dépourvue de prérogatives. «Confiés à une commission sans prérogatives, les amendements restent confidentiels et leur substitution dépendra exclusivement du bon vouloir du chef de l’Etat. Mais au-delà de cette procédure, toujours dominée par l’opacité et les luttes de clans, cette opération interpelle autant la classe politique que l’ensemble des citoyens algériens car elle dévoile, une fois de plus, un dossier essentiel à la renaissance algérienne», mentionne le préambule aux propositions du RCD pour une Constitution pérenne. Une renaissance que le RCD entrevoit à travers, entre autres, une nouvelle architecture institutionnelle et administrative, déclinée dans le concept fort novateur d’Etat unitaire régionalisé (EUR).Les propositions du RCD ne peuvent donc qu’être en phase avec ce concept qui donne aux régions le plein exercice de leurs pouvoirs. Le RCD propose l’érection d’un édifice institutionnel à trois étages : communal, wilaya et régional. Traduite en schéma politico-administratif, cette architecture suppose des institutions proches des citoyens. «La conception d’institutions de renouveau proches des citoyens passe nécessairement par la consécration de l’Etat unitaire régionalisé (EUR) qui aura à relier une quinzaine de capitales régionales constitutives de pôles de décision et de régulation œuvrant au plus près des intérêts locaux et régionaux. Chacune des capitales sera dotée d’un pouvoir exécutif issu de la légitimité populaire et d’une assemblée législative pourvue de larges prérogatives pour mener la politique de développement de la région avec une administration disposant d’une capacité de décision et d’une assise financière et économique propres.»
Un gouvernement responsable devant le Parlement
Considérant que l’omnipotence et l’hégémonie de la fonction présidentielle au détriment des autres pouvoirs est la cause essentielle du dysfonctionnement institutionnel, le RCD propose une réelle séparation des pouvoirs. Une séparation qui fera que la justice et le Parlement ne soient pas subordonnés au pouvoir exécutif. Et qui fera aussi que le président de la République soit un organe parmi tant d’autre et non un organe auquel tout le reste est assujetti. Le RCD définit un Parlement avec des prérogatives élargies au contrôle de l’action du gouvernement et évalue les politiques publiques. Pratiquement, le RCD préconise la mise en place au sein du Parlement d’un système de contrôle et d’évaluation. Et pour que cette mission de contrôle ait un sens, il faudrait que le gouvernement, dont le chef est issu de la majorité parlementaire, soit responsable devant le Parlement. Le gouvernement soumet son programme à l’approbation du Parlement dont le vote négatif conduit à une démission de jure du chef du gouvernement. Le dépôt d’une motion de censure entraîne derechef la démission du gouvernement. Le RCD propose aussi la redéfinition des prérogatives du Sénat ainsi que sa configuration. «Le RCD propose des prérogatives plus affirmées de la Chambre haute qui verra sa composante réduite et qui doit être soumise au vote des élus locaux représentatifs des diverses régions du pays auxquelles il faut ajouter des représentants de catégories professionnelles et ordinales. La Constitution doit introduire un système de navette et la procédure d’examen des textes de loi afin de rationaliser le fonctionnement de chacune des deux chambres.» S’agissant des mandats présidentiels, le RCD propose un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois. Le parti introduit la possibilité pour le Parlement de convoquer le président de la République pour une session extraordinaire afin de débattre de la politique étrangère. «La Constitution doit permettre d’ouvrir un débat parlementaire sur la politique extérieure du président de la République et de le clôturer, le cas échéant, par une résolution exprimant l’opinion de la majorité sur la ligne qu’il aura suivie.» Le RCD propose d’extraire le Conseil supérieur de la magistrature à la présidence du chef de l’Etat. Il propose également que le ministre de la Justice n’y siège pas. Ceci pour asseoir l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le RCD propose aussi que le Conseil constitutionnel soit revu dans sa composante, ses prérogatives, ses attributions et son fonctionnement : une composante équitablement répartie entre le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire et un président élu par ses pairs. Outre le rôle classique, le Conseil constitutionnel aura aussi à veiller sur la constitutionnalité des textes et actes adoptés par les entités régionales, ceci en sus d’un rôle d’arbitrage entre les régions. Le RCD propose également la séparation du politique et du religieux, la laïcité, et le respect des droits de l’Homme, des libertés publiques et individuelles.
S. A. I.