Une réforme constitutionnelle est en chantier en Algérie où l’opposition veut revenir à une limitation du nombre de mandats présidentiels, mais Abdelaziz Bouteflika devrait de toutes façons pouvoir briguer un quatrième mandat en 2014, selon des analyses.
Bouteflika prépare son quatrième mandat.
Lundi une commission chargée de la révision de la Constitution, composée de cinq juristes – dont certains ont déjà collaboré avec les autorités -, a été installée et chargée de remettre son rapport dans « les plus brefs délais ». Pour le politologue Rachid Tlemçani, il ne s’agit que d’ »un faire-valoir pour justifier des décisions déjà prises » tout en n’écartant pas de « probables amendements à la Constitution pour revenir à deux mandats, évidemment après l’élection de 2014 ». Lundi, le Premier ministre Abdelmalek Sellal a, en revanche, indiqué que M. Bouteflika n’avait posé « aucune limite préalable » à la mission de la commission. Une déclaration difficile à croire quand on sait combien le président tient à « sa » Constitution. Pas seulement, car il ne peut laisser une commission, aussi proche de ses thèses qu’elle puisse être, décider de cette révision sans lui indiquer à l’article près les amendements.
Au pouvoir depuis 1999, M. Bouteflika avait promis des réformes politiques en 2011 après une vague de protestations (5 morts, plus de 800 blessés) lancées dans la foulée du Printemps arabe. Ces réformes ont été menées et devaient s’achever par la révision de la Loi fondamentale, après l’adoption d’une loi censée libéraliser l’audiovisuel et la publicité. Mais, souligne l’éditorial du quotidien francophone El Watan, jusqu’à présent, l’adoption de six lois de réformes ont eu « l’effet d’un pétard mouillé ».
Aujourd’hui, l’opposition veut une limitation du nombre de mandats présidentiels: cette disposition avait été supprimée en 2008 pour permettre à M. Bouteflika d’accéder en avril 2009 à son troisième quinquennat. Pour 2014, ce dernier n’a pas encore annoncé ses intentions. « Même si la réforme réintroduisait la limitation des mandats, il ne sera pas concerné, car la loi n’est pas rétroactive », juge le politologue Rachid Grim. M. Grim, tout comme son collègue Rachid Tlemçani, a la certitude « qu’on prépare un quatrième mandat » et en veut pour preuve une récente banderole appelant à sa réélection lors d’un match de foot tout à fait officiel à Alger ou encore des personnalités du pouvoir appelant à sa réélection.
Seul frein au scénario: « la santé du président », aujourd’hui âgé de 76 ans et fragile, un sujet débattu par la presse qui l’a affirmé mourant à plusieurs reprises. Reste qu’un des enjeux fondamentaux de la réforme est « la mise en place d’un vice-président », estime M. Tlemçani. Peut-être un chef du gouvernement plutôt qu’un Premier ministre et un vice-président « appelé à prendre la relève au cas où », parie M. Grim.
Le président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) Nourredine Benissad avoue aussi ignorer « le contenu de la feuille de route ». « Vers quel régime politique allons-nous ? Régime présidentiel ? Régime semi-présidentiel ou régime parlementaire ? », s’interroge-t-il. De même, le pouvoir va-t-il accorder son indépendance à la justice, s’inquiète ce défenseur des droits de l’Homme.
Certains pensent que « le match est vendu », il n’y a plus rien à débattre puisque tout se décident à la présidence, oeuvre d’un cercle restreint de fidèles du président. Le reste, tout le reste n’est qu’écran de fumée pour faire croire que le texte de la constitution a été débattu. Pourtant, de nombreuses personnalités réclament un débat public sur la question fondamentale de la nature du futur régime algérien. Sans réponse pour l’instant. « L’impression prédominante est que la mouture de cet avant-projet serait prête (…) qu’en somme, l’affaire est déjà « ficelée » », souligne un commentateur du Quotidien d’Oran.
La révision constitutionnelle doit être approuvée par les deux chambres du Parlement puis soumise à référendum, au plus tard 50 jours après son adoption. Mais en cas de non modification des équilibres fondamentaux des pouvoirs, le Président peut promulguer la Loi fondamentale sans consulter le peuple. Le Président « a toujours dit que cette Constitution ne l’arrangeait pas car elle n’est ni présidentielle à fond, ni parlementaire à fond. Il veut un régime présidentiel puissant. Il veut assurer sa succession pour défendre les intérêts du clan », analyse M. Grim.
R.N./AFP