A se fier aux assertions récurrentes relatives à la prochaine révision de la Constitution, il serait question de l’institution d’un poste de viceprésident de la République. Cependant, à ce sujet, les commentaires sont plutôt rares, voire totalement inexistants. Comment, en fait, apprécier cette nouvelle institution ?
En attendant que les constitutionnalistes livrent leurs avis sur la répercussion de l’institution du poste de vice-président de la République sur les équilibres des pouvoirs, et donc s’il faudra soumettre la nouvelle Constitution au référendum populaire ou s’accommoder de son vote par les deux Chambres du Parlement réunies, il y a lieu de relever que l’institution ainsi projetée ne répond à aucune demande politique ou sociale.
Il ne nous souvient pas qu’un parti politique ait formulé une telle doléance. Y compris au moment des consultations autour de la Constitution menées par le Premier ministre, Abdelamalek Sellal.
On peut, dès lors, conclure que l’idée est du seul chef de l’Etat. Elle serait antérieure à son accident vasculaire qui, depuis le 27 avril dernier, l’oblige à une longue et éprouvante convalescence, après près de 3 mois de soins dans deux hôpitaux français, le Val-de-Grâce et les Invalides. Antérieure même à la révision partielle de la Constitution en novembre 2008.
Bouteflika, qui avait juste besoin de faire sauter le verrou qui l’empêchait alors de postuler à sa propre succession, avertissait déjà qu’il allait ultérieurement revoir en profondeur la loi fondamentale. Toutefois, il se garda de trahir la conception qu’il se faisait de son projet. Mais pourquoi l’institution d’un poste de vice-président de la République, une architecture qui, de par le monde, relève plutôt de l’exception que de la règle ?
Ce n’est pas sûr que ce soit le souci de renforcer l’assise institutionnelle qui a dicté l’enfourchement d’une telle option, Bouteflika n’ayant jamais fait montre d’un respect pour les institutions. Ce projet-ci de Bouteflika participerait, sans nul doute, des mêmes considérants qui lui inspirèrent en 2008 de réviser la Constitution pour se permettre un troisième mandat d’affilée : garder le pouvoir.
D’ailleurs, à se fier à ce que les médias ont rapporté ces derniers jours, Bouteflika a dans le projet de revenir à la limitation des mandats présidentiels, comme ce fut le cas dans la Constitution d’avant 2008. Ce qui, s’il advient, autorise à la sentence définitive que la révision partielle de la Constitution n’intégrait aucune vision de l’Etat mais obéissait à l’intérêt politique propre de Bouteflika.
L’institution du poste de vice-président de la République n’échapperait pas à cet intérêt égoïste. Bouteflika voudrait organiser la continuité de son pouvoir, en mettant en place le mécanisme institutionnel qui éviterait l’inconnu de l’après intérim exercé par le président du Sénat en cas d’empêchement, de démission ou de décès du président.
L’institution du vice-président éviterait cette transition incertaine. Il reste maintenant à savoir de quelle façon le poste sera pourvu. Aux États-Unis, le vice-président est colistier du candidat à la Maison Blanche. Sa promotion obéit aux mêmes tests de sélection qui valent pour le candidat.
Il mène campagne électorale aux côtés de ce dernier. Bouteflika, semble-t-il, ne prévoirait pas un tel schéma. Il aurait retenu de pourvoir au poste de viceprésident par désignation, c’est-à-dire par choix régalien du président en exercice, dans le cas présent luimême. Ce qu’il aurait à l’idée de faire dès que la nouvelle Constitution est adoptée. Il choisira alors qui il veut, y compris son propre frère.
Du coup, il réglera deux problèmes qui se posent à lui : déléguer sa campagne électorale pour les présidentielles de 2014 à son vice-président, tant est que l’on insiste à dire qu’il ambitionne de rempiler, et prévoir la succession au cas où il ne viendrait pas à terminer son prochain mandat.
S. A. I.