Scepticisme et pessimisme dominent les commentaires de la presse algérienne au lendemain de la présentation de l’avant-projet de loi de révision de la Constitution par le directeur de cabinet à la présidence, Ahmed Ouyahia.
« La douche froide », « Le changement n’a pas eu lieu », « Bouteflika ne lâche rien », les Unes des médias algériens ce matin étaient sans équivoque. La mouture finale du texte de révision de la Constitution, dévoilée mardi 5 janvier lors d’une conférence de presse à Alger a largement déçu. Seuls les médias publics se félicitent du projet présenté à l’image du quotidien francophone El Moudjahid qui voit dans cette révision constitutionnelle un « tournant » et « la consécration de toutes les libertés ». Pour le reste des journaux privés le ton est plutôt à la déception. « Quatre ans après la promesse de réformes politiques « profondes » […] le résultat n’a pas été à la hauteur de la longue attente », écrit ainsi Outoudert Abrous dans l’édito du quotidien francophone Liberté. « Ce qui était espéré est bien en deçà des promesses […] d’un Etat civil et d’un partage équitable des pouvoirs », poursuit l’éditorialiste.
Pas de changement de la nature du régime
Le texte de l’avant-projet ne cite pas le concept « d’État civil » et le Président de la République préserve toutes ces prérogatives souligne le même journal : ni régime parlementaire, ni semi-présidentiel ne sont instaurés. « Le projet de révision constitutionnelle ne mentionne pas la création d’un poste de vice-Président, idée qui avait fait son chemin au tout début du lancement des consultations en 2011 », relève aussi le journal Liberté. « Pour le mandat qu’il exerce, Bouteflika ne lâche rien », commente dans la même lignée Mohamed Saadoune sur le journal électronique Huffington Post Algérie. « C’est lui qui désignera le Premier ministre, la seule concession de pure forme est qu’il consultera la « majorité parlementaire », souligne le chroniqueur. Autre illustration du maintien d’un régime présidentialiste fort selon Mohamed Saadoune : « Abdelaziz Bouteflika créé une « haute instance indépendante de surveillance des élections » mais il garde la main ». Le projet de loi institue en effet une commission où tous les membres (magistrats et membres issus de la société civile) seront désignés par le président de la république tandis que l’opposition réclamait une commission indépendante de surveillance des élections.
Tamazight, langue officielle, principale satisfaction
« Seule petite avancée » saluée par les médias : l’officialisation de tamazigh hissée au rang de langue officielle après être devenue langue nationale en 2002. « Sans l’officialisation de Tamazight, le projet de révision constitutionnelle serait non-événement absolu », tranche Mohamed Saadoune dans les colonnes du Huffington Post Algérie. « Car, hormis l’officialisation de Tamazight, on reste dans le même moule […] » poursuit le chroniqueur. Finalement, « après deux rounds de consultations et une série d’examens en conseils restreints, l’avant-projet de révision de la constitution se décline plus comme une charte politique ou un programme électoral qu’une proposition d’amendements constitutionnels » conclut, amer, le journal Liberté.
La question du référendum en suspens
Reste la question, non encore tranchée, de la validation du projet, relève Faysal Métaoui dans l’édito du quotidien francophone El Watan. « Le Parlement qui souffre d’un manque de crédibilité et de représentativité populaire et politique […] n’a, en théorie, aucune légitimité pour se prononcer au nom des Algériens », commente l’éditorialiste estimant, que dans ces conditions, « le référendum populaire paraît plus que nécessaire ». « La consultation populaire lui donnerait de la force en cas de « oui » majoritaire », poursuit le journaliste. Sauf qu’en ces temps de crise pétrolière et difficultés financières, la prise en charge d’une opération électorale d’ampleur nationale demeure une décision délicate à prendre. Tout dépendra du choix stratégique, conclut l’éditorialiste.