Révision constitutionnelle – Algérie – Baya Si Hassen-Benhassine : « L’article 51, ce coup de massue ! »

Révision constitutionnelle – Algérie – Baya Si Hassen-Benhassine : « L’article 51, ce coup de massue ! »

L’article 51 de la nouvelle Constitution interdit aux binationaux d’accéder à de hautes responsabilités. Mais ceux-ci, à l’image de Baya Si Hassen-Benhassine, ne s’en laissent pas conter.

Au lendemain de l’adoption de la révision de la Constitution, les opposants à l’article 51 broient du noir. « J’espérais que cette polémique allait donner un résultat », confie, désabusée, au Point Afrique Baya Si Hassen-Benhassine, dont le texte Algérienne, binationale, résidente à l’étranger… et future citoyenne de seconde zone , largement repris dans les médias, a allumé l’étincelle de la contestation. « Mais ce vote est un nouveau coup de massue », témoigne cette médecin née en Algérie et résidente aux États-Unis, qui raconte avoir pris la plume pour crier sa colère et son indignation après avoir pris connaissance de l’article 51. « Au départ, c’était une simple discussion, puis j’ai voulu aller plus loin en vérifiant si cette règle était la norme dans les autres pays », retrace-t-elle.

Un détail bien trop gros

À l’aide du site Constitute Project rassemblant les Constitutions des pays du monde entier, Baya Benhassine se livre à un minutieux travail de comparaison et en arrive à la conclusion qu’« avec cet article 51, l’Algérie rejoint non seulement cette minorité de 10 % des pays de la planète excluant les binationaux des postes ministériels, mais aussi les 1 % des pays qui excluent les binationaux des hautes fonctions de l’État ». « Soudain, avec cette nouvelle grille, ce détail d’un détail dans le projet de révision de la Constitution prenait une autre dimension », commente Baya Benhassine. « C’est ainsi que j’ai décidé d’envoyer le texte aux médias et de créer la page Facebook « Citoyens algériens égaux devant la Constitution » destinée à fédérer tous ceux et celles qui, à l’étranger et en Algérie, étaient contre cette disposition ». Les réactions sont immédiates. « Il y a d’abord eu beaucoup de like, puis les commentaires sont arrivés, partagés : d’un côté, il y avait ceux qui saluaient l’initiative en écrivant : Bravo, battez-vous ! et de l’autre, ceux qui estimaient qu’on ne pouvait être qu’à l’écart en étant binationaux et à l’étranger », retrace Baya Benhassine. « On espérait que ça fasse boule de neige et que ça ait un impact sur le vote », livre celle qui ne décolère pas de « cette mise à l’écart honteuse et douloureuse ».

Des assurances sans provisions

Si la mobilisation contre l’article 51 n’a pas abouti au résultat voulu par les contestataires, à savoir son abrogation, elle a cependant gêné les autorités algériennes qui ont été contraintes de se justifier face à l’ampleur du mouvement. Une instruction du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, est ainsi venue préciser qu’« une loi déterminera la liste des hautes fonctions de l’État auxquelles les Algériens ayant une double nationalité peuvent accéder ». « L’article 51 du projet de révision constitutionnelle concerne exclusivement les fonctions supérieures et sensibles de l’État, à l’instar de la sécurité de la nation et la sécurité financière du pays », a de nouveau clarifié, quelques jours avant le vote, le Premier ministre Abdelmalek Sellal, ajoutant que des « textes de loi viendront expliciter l’article 51 […] après adoption du projet de révision de la Constitution » et que « ce texte ne vise aucunement nos frères à l’étranger ». Des déclarations qui n’ont pas tranquillisé Baya Benhassine. « Je reste sceptique, c’est comme si on avait signé un chèque en blanc. »

Absence de relais entre le débat et les décideurs

Le constat d’une déconnexion entre le débat public et le débat au niveau du vote et des représentants du peuple désole aussi Baya Benhassine. « Finalement, les questions et contradictions soulevées n’ont pas été reprises par ceux qui nous représentent », pointe-t-elle à l’heure du bilan. « Il y a eu un débat, mais il s’est arrêté et on reste sur une frustration », conclut Baya Benhassine. Non sans relever l’impact négatif sur les générations futures. « Quelle image laisse-t-on à nos enfants ? Celle d’un pays qui leur dit qu’ils sont à demi algériens ?! »