En quittant l’Alliance présidentielle tout en se maintenant dans le gouvernement issu de cette même alliance, le Mouvement pour la société de la paix (MSP) ne pouvait que s’engluer dans la contradiction et endurer l’inconfort d’une telle position. Cela s’est ressenti à peine une semaine après que son madjliss échoura, instance délibérante du parti, eut validé cette option. Entreprise ardue que cette tentative d’Aboudjerra Soltani de convaincre du contraire.
S’il a le sourire large et sert, une fois n’est pas coutume, l’anecdote à profusion, le président du Mouvement pour la société pour la paix ne déborde pour autant pas de sérénité. Les commentaires que le retrait du parti de l’Alliance présidentielle tout en restant dans le gouvernement a suscités dans la presse et dans les chaumières l’ont assurément sevré de sommeil apaisé. C’est que la contradiction dans cette position est tellement saillante qu’aucun vernissage discursif ne peut la dissimuler.
Mais, faute de mieux, Aboudjerra Soltani rejoue la rengaine. Avec méthode, cette fois-ci. Devant la presse à laquelle il a donné rendez-vous hier au niveau du siège central du parti, l’ancien ministre d’Etat sans portefeuille a troqué le prêche politique contre un effort de démonstration. Exercice difficile. Aboudjerra Soltani, qui a dû soigneusement préparer sa prestation médiatique du jour, devait d’abord justifier la décision de son parti de quitter l’Alliance présidentielle et, ensuite, expliquer de quoi il procède- t-il que les ministres MSP gardent leurs fonctions au gouvernement. il a sérié un petit chapelet de critiques retenues contre ce montage tripartisan qu’était l’Alliance présidentielle : immobilisme, refus des deux alliés du parti, RND et FLN, d’aller vers un partenariat politique, faiblesse de la coordination, notamment par rapport aux réformes politiques et, morceau inédit, l’absence d’alternance autour de la chefferie du gouvernement. Soltani nourrissait, donc, ce rêve fou de trôner un jour à la tête du gouvernement du fait du mécanisme d’alternance au poste entre les trois partis de l’Alliance présidentielle. Mais alors pourquoi le MSP n’est-il pas allé jusqu’à quitter le gouvernement ? Aboudjerra Soltani a mis en avant deux arguments : le souci de la stabilité et, autre morceau inédit, l’alliance a été contractée non pas avec le RND et le FLN mais avec le président de la République.
Ouyahia n’est qu’un simple coordinateur
Après le ministre de la Santé qui a contesté l’autorité du Premier ministre Ahmed Ouyahia sur le gouvernement, c’est au tour d’Aboudjerra Soltani de le faire. «Le Premier ministre n’est qu’un simple coordinateur. La preuve, c’est que, devant le Parlement, il n’a pas présenté un programme politique mais un plan d’exécution du programme présidentiel.»
S’il a arrosé de la sorte Ahmed Ouyahia qui, durant dix ans, a été son partenaire dans l’Alliance présidentielle, Soltani a pris le minutieux soin d’épargner son autre ex-partenaire, en l’occurrence le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem. On peut, peut-être, le comprendre. Belkhadem, contrairement à Ouyahia, n’a pas été jusqu’à titiller l’une des fibres sensibles du MSP. La veille, Ouyahia avait décoché une fléchette à l’endroit d’Erdogan le Turc en l’accusant de marchander avec le sang des Algériens. Ce qui, forcément, a déplu à Soltani dont la formation file toujours sa lune de miel avec le parti islamiste turc au pouvoir. «C’est une déclaration du secrétaire général du RND et non celle du Premier ministre», a commenté, cependant, Soltani qui a ajouté que «ce serait extrêmement grave si cette déclaration exprimait une position officielle de l’Etat algérien.»
Le président du MSP n’a, par ailleurs, pas manqué l’occasion de réitérer sa demande de renvoi du gouvernement Ouyahia et la nomination d’un gouvernement de technocrates qui organisera les législatives prochaines. «On a constaté, depuis 1997, que c’est toujours le parti du chef du gouvernement qui gagne les élections.» Alliance avec des partis de la mouvance islamiste ? Soltani esquive la question. «Les discussions sont ouvertes avec tout le monde indistinctement des obédiences. » Rien de précis. Son pronostic pour les prochaines législatives ? Même attitude. «Personne n’est en mesure de pronostiquer quoi que ce soit.» Comment le président Bouteflika a-t-il réagi au retrait du MSP de l’Alliance présidentielle ? Silence.
S. A. I.