Plus de deux semaines après l’attentat terroriste contre le complexe gazier de Tiguentourine, même si la vie commence à reprendre progressivement ses droits tant dans la base de vie que sur l’usine de production elle-même, les deux sont sous haute surveillance de l’armée.
De notre envoyée spéciale Lynda Naili Bourebrab
Il n’en demeure pas moins que les dizaines de travailleurs qui s’y trouvent sont encore sous le choc. Malgré cela, ils sont tous déterminer à travailler d’arrache-pied pour remettre «l’usine sur les rails dans les meilleurs délais». Ainsi, outre le tollé médiatique, à tort ou à raison, qui s’en est suivi dont l’effet s’estompe petit à petit, la dimension humaine de ce drame demeure encore chez les travailleurs, ex-otages du groupe terroriste, ou plutôt de la multinationale terroriste. Casque blanc sur la tête, vêtus de leurs combinaisons bleues, lunettes noires, les quelque 120 techniciens et ouvriers de Sonatrach s’attellent à inspecter méticuleusement l’usine, à la recherche des impacts de balles sur les tuyaux et les citernes et autres installations de l’usine à l’arrêt depuis l’attaque terroriste. Lors d’une visite guidée au profit de moins de 150 journalistes nationaux et étrangers organisée conjointement jeudi dernier par le ministère de la Communication et Sonatrach, éventrés par les tirs d’obus, des murs de certains bâtiments de la base de vie, grêlés d’impacts de balles portent encore les stigmates de cette attaque meurtrière. Les chalets des expatriés, le restaurant et le foyer sont toujours fermés. Sitôt arrivés, journalistes, photographes et caméraman se ruent sur le centre de la placette où se trouve une fontaine. C’est là que Lotfi Benadouda, directeur général de l’association «Sonatrach/BP/Statoil» a choisi pour faire le récit de l’attaque, de la prise d’otages, il en était un, racontant ainsi au détail près le vécu des travailleurs pris en otages durant plus de 24 heures d’enfer.
Sur le site de l’usine qui s’étend sur plusieurs hectares, le climat est lourd. De loin, les traces des violences étaient toujours visibles. On pouvait voir une partie couverte de fumée noire sur un compartiment de l’usine. «C’est l’endroit où les terroristes se sont réfugiés avec des otages, et où il y a eu l’explosion», nous dira un technicien de Sonatrach. En effet, l’usine composée de trois trains de production, seul un train a été totalement endommagé et le 2e l’était à 10%.

D’importants travaux sont nécessaires pour réparer les dégâts après expertises faites préalablement. Ce qui prendra «2 à 3 mois», selon Lotfi Benadouda. Poursuivant que «35% de la production totale, qui était estimée à 24 millions de m3 de gaz/jour, dont le condensat et GPL, sera mise en ligne dans les plus bref délais». Dans ce contexte, il expliquera que l’une des trois unités de production de gaz similaires, endommagée lors cette attaque, «est en train d’être supervisée en vue de son redémarrage incessamment car elle n’a pas subi beaucoup de dommages». Ceci non sans souligner que le redémarrage partiel de cette unité «sera assuré entièrement par des travailleurs algériens en attendant le retour des travailleurs étrangers de l’association «Sonatrach/BP/Statoil»». A ce propos, il précisera que Sonatrach et ses partenaires, Statoil et BP, «se sont mis d’accord pour que les expatriés ne reprennent leur travail que dans trois mois» et qu’aucun autre travailleur ne se trouve sur le site à part les experts algériens. D’autre part, M. Benadouda a fait savoir que l’évaluation des pertes financières causées par l’agression terroriste n’a pas été encore faite. Il est rappelé que le site gazier de Tiguentourine, théâtre d’une prise d’otages s’étant soldée par la mort d’au moins 37 étrangers et d’un Algérien, est géré par un contrat de type partage de production relatif au développement et l’exploitation du condensat, des GPL et du gaz naturel issus des gisements de la région d’In Aménas a été conclu entre Sonatrach et la compagnie britannique BP en date du 29 juin 1998, et entré en vigueur le 13 août 1999. Pour sa part, la compagnie norvégienne Statoil a rejoint l’association «Sonatrach/BP» opérant dans le périmètre In Amenas, suite à la signature le 3 avril 2004 d’un avenant au contrat d’association, ayant pour objet la cession par BP à Statoil de 50% de ses droits et obligations dans ce contrat.
Le périmètre contractuel d’In Aménas est situé à 1 300 km d’Alger, au niveau du bassin d’Illizi, et comprend quatre gisements, dont un en phase d’exploitation à Tiguentourine et trois autres en phase de développement au niveau de Hassi Farida, Hassi Ouan Abéchou et Ouan Tardert.
L. N. B.
Impressions
Tsutomu Ishhiai du The Asahi Shimbun (*)
Chef de bureau pour l’Afrique et le Moyen Orient du The Asahi Shimbun, journal japonais.
«On a trouvé un endroit très paisible, et très calme. C’est difficile pour nous d’imaginer ce qui s’est passé ce jour-là. Et je suis désolé, et je prie pour l’âme de tous ceux qui sont morts durant cet attentat.
Maintenant, pour expliquer la position du Japon et les propos violents de son Premier ministre suite au décès de dix de nos compatriotes, je répondrai que d’habitude, au Japon, quant il y a prise d’otages, on essaie de négocier. Négocier, ne veut pas dire pour nous accepter et répondre aux demandes des assaillants. Les Japonais n’encouragent pas l’idée de négocier. C’est juste le fait de gagner du temps et de trouver une opportunité pour les attaquer. C’est une stratégie pour libérer les otages.»
Roar Christiansen, du Bergens Tidende (*)
«C’était bien de voir les lieux et les témoins oculaires. On a pu mieux comprendre, vu que cela a été raconté par des témoins directs. Il est vrai que nous avons eu beaucoup de réponses à nos questions, mais il reste encore de nombreuses interrogations qui persistent notamment concernant les raisons réelles de cet attentat.»
Le Bergens Tidende est un journal quotidien régional norvégien qui paraît dans la ville de Bergen, au sud-ouest du pays.
L. N. B.