Retour sur la crise du vieux parti: La fausse mort du FLN

Retour sur la crise du vieux parti: La fausse mort du FLN

Après les derniers remous qui l’ont secoué, il aurait pu en garder quelque aigreur, mais, apparemment, pas du tout. En effet, les géants ne meurent jamais d’un rhume. Le FLN ne règle de comptes avec personne.

Selon Djamel Ould Abbès, le parti n’a qu’un seul objectif: construire et poursuivre l’oeuvre de réconciliation initiée par le président de la République Abdelaziz Bouteflika. Le nouveau secrétaire général du FLN estime que plusieurs chantiers de rénovation, aussi bien sur le plan national que sur le plan régional et international ont été ouverts dans une conjoncture qui appelle au rassemblement des rangs, à la maîtrise pour saisir les opportunités et à l’adaptation efficace aux nouvelles règles dictées par la mondialisation.

Dans cette perspective, le FLN tend la main à ses anciens cadres et à la commission des sages qui représente le garant de la fiabilité du parti. Désormais, le FLN a la tête tournée vers l’avenir, vers de nouvelles conquêtes.

Dans la décennie 1980, le Front de Libération nationale, parti qui a lancé le mouvement insurrectionnel contre la colonisation, en 1954 en dépit des réticences du mouvement nationaliste, était à la croisée des chemins. Son influence réelle, vingt ans après l’indépendance du pays, s’était nettement affaiblie, tant sur le plan politique que syndical et son identité se réduisait de plus en plus à sa dimension téléologique, que les réformes de Chadli Bendjedid vont progressivement remettre en cause à partir d’octobre 1989.

A partir de cette date, le FLN tentait de maintenir sa dimension sociétale en menant des combats d’arrière-garde dans des secteurs économiques en crise. L’effondrement du système soviétique allait le frapper de plein fouet. Ce choc allait le contraindre à partir des années 1990 à réapprécier quelle partie de son héritage organisationnel, communautaire, utopique ou syndical pouvait être utile à sa survie, voire à la reconquête d’une place au sein d’un système politique qu’il a lui-même enfanté.

En 1990, le parti indépendantiste qui a forcé l’admiration de tous les partis ouvriéristes et révolutionnaires de la terre, est nettement défait au premier tour des élections générales. Pour la première fois, le FLN perd le contrôle des leviers du pays. Immédiatement, des voix s’élèvent au sein du parti pour pointer les responsabilités de cet échec. Certains ont parlé même de renvoyer ce parti au musée de l’Histoire, jugeant que sa mission est désormais terminée le 19 mars 1962. Classiquement, les critiques les plus vives sont adressées à Boualem Benhamouda et Abdelhamid Mehri.

La résurrection du FLN

L’organisation de la campagne électorale est également montrée du doigt: inefficacité ou bien encore rapports trop distants entre la direction et la base sont notamment mis en avant pour expliquer l’échec. De manière plus inattendue, l’organisation du parti est elle aussi mise en cause…Ces jugements fréquents invitent à s’interroger sur ce parti, tant ils en sous-entendent la spécificité.

Il y aurait donc un «problème au» FLN, un «problème du» FLN: façonné pour conquérir le pouvoir à l’échelon national, ce parti à présent honni ne serait plus capable même de l’exercer au niveau local…Plus qu’une gifle, c’est l’histoire qui veut se venger, qui veut l’humilier…

Incidemment, les éléments communément admis pour expliquer les échecs renvoient à ce qu’est ce parti. Tout semble se passer comme si, y compris pour ses membres, le FLN était lui-même à la source des maux qui le frappent de manière récurrente…

Durant la décennie noire, le FLN a presque cessé d’exister. Cependant, la Concorde civile et la réconciliation prônées par Abdelaziz Bouteflika dès son retour aux plus hautes destinées du pays, à la fin des années 1990, le projettent à nouveau au-devant des scènes nationale et internationale. Bouteflika offre une seconde vie au «parti unique.» Après une longue toilette, le FLN s’est complètement «relooké».

Sur le plan organisationnel, le parti se veut un réseau d´interventions citoyennes en adoptant un fonctionnement interne démocratique. Les sympathisants sont ainsi complètement intégrés à la vie du parti. L´analyse des programmes montre combien le FLN est proche du courant altermondialiste.

Il est favorable à une croissance économique douce, mais dans le cadre d’un capitalisme «dompté», tenant compte des impératifs d’une mondialisation aux défis imprévisibles et des changements écologiques à multiples risques… La rupture avec le libéralisme sauvage passe par une juste répartition des richesses, une division internationale du travail, l’acceptation de l’immigration… Le projet implique une réforme radicale de la société, même si le FLN diffère sur l’ampleur des transformations à opérer.

La refondation identitaire du FLN

Dans la paix contre le terrorisme, pour laquelle il a joué un rôle majeur, il impose un consensus autour du féminisme, la séparation des pouvoirs sans provoquer le moindre choc institutionnel, des valeurs universelles, de la démocratisation – multiplication des procédures de démocratie directe, ouverture aux nouveaux mouvements sociaux et réseaux de citoyens -, du pacifisme et du désarmement nucléaire, de l’anti-impérialisme et du soutien aux pays en développement, de l’opposition (fondamentale ou critique) à la férocité de la mondialisation et aux multinationales, de la défense du service public et des acquis de l’État social. Critiqué pour sa «gestion du capitalisme», le FLN est cependant considéré comme un partenaire naturel et légitime dans le cadre de coalitions en faveur «une position unie autour de l’Opec» et des mouvements de décolonisation…

Cette confiance retrouvée a pu être effectuée au prix d´une mutation idéologique, impliquant l´abandon de la vision autoritariste. Le parti «reformé» fonctionne comme une structure hétérogène où coexistent différents courants. Les «felenistes» réformés font plus ou moins bon ménage avec des islamistes, des écologistes de gauche, des anti-impérialistes, des socialistes modérés en provenance d’autres partis se disant laïcs, des féministes, des jeunes «révolutionnaires» libertaires, des syndicalistes… Le nouveau FLN, de ce point de vue, est emblématique d’une «Algérie très bigarrée qui vient juste d’en finir avec une guerre civile qui aura duré plus d’une dizaine d’années».

Lors des élections générales de 2012, c’est tout naturellement que le FLN s’est adjugé la part du lion au sein des deux chambres. Un des aspects de sa réussite et de sa refondation identitaire, dans le cadre des actes fondateurs de l’Etat algérien, la Proclamation du 1er Novembre 1954 et la charte du Congrès de la Soummam, fut une nouvelle conception de l´internationalisme des années 1970 et 80. Changer de méthodes sans changer de vision. L´idéal reste volontariste: les choses peuvent et doivent changer, parce que la guerre, l´exploitation, le racisme, la pauvreté, le nouvel ordre mondial avec ses exigences toujours douloureuses pour les pays émergents ou en voie de développement et la catastrophe écologique à venir imposent de s´engager. Cette «lutte finale» contre la mondialisation qui broie tout sur son chemin doit être, pour se voir couronnée de succès, le résultat d´une «alliance marchante» avec toutes les forces critiques du capitalisme. Pour ce faire, il faut penser le «socialisme démocratique» dans son cadre actuel, la société d´information et de communication. La dialectique réformiste se veut une réponse à l´individualisme dominant et une méthode de radicalisation des individus contre le système, sans avoir recours à un parti omniprésent et à une armée de révolutionnaires professionnels. Maintenant, il reste à savoir si le FLN qui a traversé une courte période de convalescence durant l’été 2016 fera le plein lors des élections générales de 2017. D’autant plus, que le président qui l’a remorqué promet des élections libres, propres et honnêtes.