En 1999, à peine élu à la magistrature suprême, Abdelaziz Bouteflika s’était déplacé à Constantine. Nous sommes exactement le 6 juillet 1999.
Ce jour-là, le président de la République allait étonner son auditoire de par certaines déclarations, lors d’un discours prononcé au stade Hamlaoui à l’occasion de la double commémoration du 2500e anniversaire de la création de Cirta et du 37e anniversaire de l’indépendance, le tout sur fond de campagne en faveur de son projet de réconciliation nationale.
« Les habitants juifs de la ville ont, pour leur part, joué un rôle positif dans la préservation du patrimoine commun : coutumes, vêtements, art culinaire et vie artistique. C’est ainsi que Constantine donna naissance à de grands musiciens et chanteurs juifs dans le domaine de la musique classique algérienne », avait-il alors avancé.
Un vibrant hommage que Bouteflika avait « osé » rendre à la communauté juive originaire de l’antique Cirta.
Bien évidemment, tenter de briser un sujet tabou de cette ampleur n’était pas une sinécure, d’autant plus que le front anti-juif demeurait puissamment aux aguets.
Et comme le successeur de Zeroual était resté fidèle à son caractère bien trempé, il allait défier, une fois encore, la vieille garde en serrant, quelques jours après, le 25 juillet 1999 plus exactement, la main d’Ehud Barak, alors Premier ministre israélien, et ce, en marge des obsèques du défunt roi du Maroc, Hassan II.
Un geste de trop pour ses détracteurs, notamment, le très conservateur Abdelaziz Belkhadem qui avait manifesté son irritation.
Une année après, on sentait que les agitations des tenants du statu quo avaient réussi à tempérer les ardeurs du chef de l’Etat, à la faveur du voyage entrepris par un groupe de journalistes et d’universitaires algériens à Tel-Aviv. Nous sommes en juin 2000.
La présidence de la République avait dénoncé, dans un communiqué rendu public, ce déplacement en usant de propos virulents à l’encontre des membres de cette délégation comme : « outrage », « trahison des Libanais », « coup de poignard des Syriens » et « mépris des Palestiniens ».
En somme le pouvoir, qui avait jusque-là montré des signes d’ouverture, retrouvera ses réflexes. Abdelaziz Bouteflika ne réagira pas non plus lorsque les intégristes et les milieux conservateurs se ligueront pour s’opposer à l’invitation faite au chanteur français Enrico Macias de venir en Algérie.
L’entreprise de réconciliation et de décrispation menée par le chef de l’Etat subira un revers sérieux et comme le pouvoir en place excelle dans l’art du déroutement, le chef d’orchestre du front anti-Macias, Abdelaziz Belkhadem en l’occurrence, sera même intronisé successivement chef de la diplomatie, Premier ministre et représentant personnel du président de la République !
Mais si le chef de l’Etat a modéré son enthousiasme et sa volonté d’ouverture à la communauté juive d’Algérie, force est de constater, toutefois, que des gestes – comme sa rencontre évoquée en septembre 2005 avec le Premier ministre israélien de l’époque, Shimon Pérès – et des actions comme les nombreuses visites de groupes de touristes juifs en Algérie ou encore l’agrément accordé à la représentation juive en Algérie, dirigée par Roger Saïd, témoignent d’un désir d’aller de l’avant.
L’information, rapportée par le quotidien El Khabar, est on ne peut plus événementielle et traduit visiblement la volonté de l’Etat d’encadrer et respecter le culte juif.
Ce geste a été salué par les chancelleries occidentales, mais néanmoins dénoncé par des partis islamistes, dont le mouvement Ennahda notamment.
Au demeurant, de 1999 à 2009, le président de la République aura marqué de son empreinte le dossier des relations difficiles entre l’Algérie et sa communauté juive. Une décrispation à petits pas, hésitante et souvent opaque mais qui renseigne sur la capacité de résistance des opposants à cette démarche, lesquels gravitent autour du Président.
Cela étant, Bouteflika désire-t-il finalement vraiment aboutir à cette décrispation ?