Pas encore définitivement débarrassée de la horde terroriste, en témoigne la recrudescence des attentats, l’Algérie opère un incompréhensible retour d’islamisation de la société.
Des hommes politiques ne cachent pas leur accointance avec les islamistes. Ils assument pleinement un rapprochement avec les anciens du FIS dissous et adoptent un accoutrement à l’afghane.
Lorsque Abdelaziz Belkhadem, numéro un du FLN et non moins représentant personnel du chef de l’Etat, se déguise en «cheikh» pour donner une conférence sur le dialogue interreligieux et que ce même Belkhadem est soupçonné par des militants du FLN de vouloir se présenter à la prochaine élection présidentielle en faisant des appels du pied aux sympathisants du courant islamiste, le ton est donné.
C’est dans ce climat que Ali Benhadjar a choisi d’annoncer le retour du FIS sur la scène politique, que Djaballah qui annonçait il y a quelques semaines la naissance d’un nouveau parti qui, pense-t-il, absorbera les sympathisants du courant islamiste, et que Ghenouchi a droit à un accueil royal. Pendant ce temps, le terrorisme, nourri par le discours islamiste, continue de frapper.
Nawal Imès
Le retour annoncé du FIS
Le dossier du FIS dissous ne serait finalement pas définitivement clos. Ali Benhadjar, ancien numéro un de la Ligue islamique pour la daâwa et le djihad, en est convaincu.
Le retour du FIS dissous n’est pour lui qu’une question de temps. Dans un entretien qu’il accordait à la mi-août à un site d’information, il estimait que «les grands partis politiques ne disparaissent pas sous l’effet d’une décision arbitraire et d’un coup de crayon. Le parti reste souverain et ne peut être dissous. Son renouveau dépend de sa direction, de ses cadres.
Seul un congrès général peut décider de son avenir et c’est ce que nous souhaitons». Il annonçait que «des préparatifs sont en cours avec d’anciens responsables de l’ex-FIS pour la tenue d’un congrès constitutif pour le retour du parti dissous» confiant que lors de cette rencontre, les anciens responsables du FIS dissous décideront de la voie à suivre pour le retour du Front sur la scène politique, et confirmant l’existence de contacts avec les ex–numéros 1 et 2 du FIS. Avec lesquels, dit-il, «nous entretenons de bonnes relations». N’affichant ni regret ni compassion, Ali Benhadjar affirme même que «ceux qui ont déposé les armes l’ont fait pour le bien du pays et non par repentance. Ceux qu’on nomme aujourd’hui repentis ont pris les armes par légitime défense». Le ton est donné. Les années de terrorisme, les milliers de morts n’ont pas ébranlé les convictions de l’homme qui espère reprendre du service sur la scène politique, pensant pouvoir profiter d’une conjoncture que les islamistes doivent certainement juger plus que favorable…
N. I.
L’électorat islamiste intéresse Belkhadem
Le Front de libération nationale (FLN) continuant de traverser une zone de turbulence, son secrétaire général n’en oublie pas pour autant ses ambitions personnelles.
Ses plus farouches adversaires le soupçonnent même de vouloir récupérer les voix des partis islamistes lors des prochaines échéances électorales. Abdelkrim Abada est formel : il affirme que Belkhadem profitera du soutien de la base du FIS dissous pour la prochaine présidentielle. Les membres du Mouvement de redressement et l’authenticité n’hésitent pas à parler de «déviation idéologique et politique» du FLN. Une déviation qu’ils expliquaient alors par les ambitions présidentielles du SG du parti qui espère ratisser large en prévision de la présidentielle de 2014 en s’assurant du soutien de l’électorat islamiste. Un changement de cap qui date, selon ces mêmes adversaires, d’avant le 9e congrès lorsque Belkhadem copiait fidèlement le slogan du parti au pouvoir soudanais. Ces accointances avec les islamistes, Belkadem ne s’en cache pas.
Il réplique à une question d’un journaliste que «si l’islamiste est l’islam, alors je suis un islamiste !» et confirme sa rencontre avec Sahnouni, l’un des membres fondateurs de l’ex-FIS avec lequel il a parlé d’une éventuelle, libération de quelque 7 000 détenus pour faits de terrorisme. Au moment où son parti traverse une crise, il organise une conférence-débat sur «l’impact des cultures et des religions sur les relations internationales». Conférence à laquelle il s’est évidemment présenté avec l’accoutrement de circonstance…
N. I.
Djaballah affiche ses ambitions
Evincé d’Ennahda puis d’El Islah, Abdellah Djaballah revient sur la scène politique avec un nouveau parti : le Front pour la justice et le développement (FJD), Djaballah affiche clairement ses ambitions. Il compte ratisser large auprès de l’électorat islamiste. «Je ferai le maximum de concessions, sans poser de conditions, pour unir les rangs de cette mouvance et j’y crois», disait-il en annonçant la création d’un parti «qui militera pour une Algérie démocratique et sociale qui s’inspire du Coran, des hadiths et des expériences réussies des autres pays».
Djaballah qui n’espère ni plus ni moins faire oublier le score ridiculisant qu’il avait récolté en tant que malheureux candidat à la présidentielle, n’a pas résisté à la tentation de faire un appel du pied à ses anciens compagnons pour, dit-il, contribuer à la construction du nouveau projet. Pour les rassurer, il leur dira que le temps de la légitimité historique est révolu et qu’il ne reste que la légitimité qu’octroient les militants à leurs leaders. Il demandera à ceux «qui ont la conviction que le pays a besoin d’une réforme profonde, globale et rapide» de le rejoindre, affirmant que le Front pour la justice et le développement «ne constitue un danger pour personne ni pour aucun parti».
Il a pu constater néanmoins qu’il n’était pas le seul à vouloir se placer en rassembleur. Ses anciens compagnons de route auxquels il a pourtant lancé un appel du pied n’étaient pas présents lors de l’annonce de la création de son parti. La concurrence au sein du mouvement islamiste est rude. Plusieurs partis se disputent la place de leader pour tenter de rafler des voix lors des prochaines échéances électorales au sein d’un courant de plus en plus divisé.
N. I.
Les terroristes redoublent d’activité
Nourris par un discours aux relents islamistes et par la perspective d’un retour des anciens du FIS dissous, les groupes terroristes ont redoublé d’activité. La région Est d’Alger vit toujours sous la menace terroriste. Tizi-Ouzou a enregistré cinq attaques terroristes en l’espace d’une seule semaine.
Jeudi à Maâtkas, une incursion terroriste a fait trois morts. Le jour même, la ville d’Azeffoun a été secouée par l’explosion d’une bombe artisanale. La cible n’était autre qu’un officier des gardescôtes. Tizi Ouzou avait été auparavant la cible d’un attentat qui, n’ayant pas fait de victimes, a été spectaculaire, causant d’énormes dégâts matériels. Le 16 juillet dernier, un double attentat-suicide a visé le commissariat de police de Bordj Menaïel. Bilan : deux morts, dont un civil, et une dizaine de blessés. Neuf jours plus tard, à Thénia, un véhicule est intercepté à un barrage routier. À son bord, trois kamikazes, parmi lesquels le fils de Benhadj. Le chauffeur a refusé de s’arrêter pour un contrôle.
Il fonce. L’un des gendarmes dégaine et tire. Le véhicule explose. La violence de la déflagration est telle qu’il est maintenant quasi certain que les trois terroristes transportaient plusieurs centaines de kilogrammes d’explosifs et planifiaient un attentat à Alger. Auparavant, un double attentat suicide contre le commissariat de Bordj Menaïel faisait deux morts et une quinzaine de blessés. Al-Qaïda au Maghreb islamique avait revendiqué l’attentat. Mercredi 13 et jeudi 14 juillet, deux militaires ont également été tués dans un double attentat à la bombe à Baghlia, à l’est de Boumerdès. Deux autres militaires, touchés lors d’un autre attentat à la bombe visant une patrouille, le 19 juillet à Ouled Benfodhil, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Bouira ont succombé. L’été aura été particulièrement meurtrier.
N. I.
Les honneurs pour Rached El Ghenouchi
Le leader d’Ennahda, parti islamiste tunisien, était à Alger pour rendre un hommage à Cheikh Chibane. Il a été reçu par Abdelaziz Belkhadem. Rached El Ghenouchi, qui est rentré en Tunisie après un long exil à Londres, est l’incarnation du courant islamiste en Tunisie. Il se pose en alternative et croit en ses chances aux prochaines élections.
Le chef du parti tunisien évoque ses accointances avec le FIS dissous. Il estime même que les positions de ce dernier étaient «modérées». ouchi affirme même que les membres fondateurs n’avaient «jamais soutenu la violence». Il commente la loi sur la réconciliation, se permettant de la trouver insuffisante car, dit-il, elle ne règle les problèmes qu’à moitié. Ghenouchi, qui ne s’est jamais illustré en condamnant le terrorisme, s’apitoie sur le sort des repentis qui, dit-il, n’arrivent pas à jouir de tous leurs droits.
Dans les nombreuses interventions qu’il a faites dans les médias algériens à l’occasion de son séjour, il n’oublie pas la générosité de l’Algérie qui l’avait accueilli à bras ouvert, refusant de le livrer au régime tunisien qui le réclamait et se projetant déjà dans l’avenir : sa formation ne compte pas interdire les partis de gauche en Tunisie. Un discours qui rappelle étrangement celui que les Algériens ont dû subir au début des années 1990…
N. I.