Le gel par le gouvernement “des projets non engagés” veut dire gel des dépenses publiques qui portent la croissance économique du pays. Des milliers d’entreprises n’auront plus de “plans de charge” pour pouvoir survivre et, par ricochet, des dizaines, voire des centaines de milliers de travailleurs risquent le chômage d’ici peu.
Rien ne va plus depuis que le baril du pétrole a entamé sa chute, il y a près de dix mois. Une chute qui s’installe dans la durée, et face à laquelle, l’Algérie, petit producteur d’hydrocarbures qu’elle est, ne peut rien. C’est que les membres de l’Organisation des pays exportateurs du pétrole (Opep) n’ont pas su projeter l’avenir en réduisant les quantités mises sur le marché pour maintenir les prix à un niveau élevé. Ils ont surtout sous-estimé la capacité d’innovation des économies développées.
Parce que les prix élevés du pétrole ont permis non seulement l’essor de l’exploitation des schistes dont le coût de production était assez élevé, mais également le développement de technologies réduisant les coûts et les délais de forage des puits de schiste, ainsi que le développement d’énergies renouvelables qui occupent, désormais, une place importante dans le mix énergétique de la plupart des pays importateurs d’hydrocarbures. Même le plus grand producteur de l’Opep, l’Arabie saoudite, ne peut plus rien face à l’abondance de l’offre. Le pétrole risque même de connaître, plus tôt que prévu, le sort du charbon, abandonné au profit du pétrole justement, au milieu du siècle dernier.
Néanmoins et au-delà des projections du marché du pétrole, c’est le modèle économique de ces pays, dont l’Algérie, qui aura vécu. Et ce ne sont pas les appels à la diversification de l’économie nationale qui ont manqué durant les années d’opulence.
L’Algérie a raté un tournant historique pour réussir sa transition d’un pays mono-exportateur à un pays émergent. Le réveil tardif du gouvernement algérien, avec ce lot de coupes budgétaires et d’annulations de projets d’infrastructures censées mettre le pays sur le chemin du développement, décidées dans la foulée de la chute des prix du pétrole, est symptomatique de la faillite d’une gouvernance et révélateur du manque de vision stratégique chez ce gouvernement.
L’on se dirige ainsi vers un cataclysme social. Les milliards injectés dans le circuit économique, à la faveur de plans quinquennaux dotés de centaines de milliards de dollars, n’ont pas aidé à l’émergence d’entreprises capables de porter la croissance économique du pays et à maintenir le flot d’argent qui devrait financer le développement. Faute de dépenses publiques, ce sont des milliers d’entreprises qui n’auront plus qu’à compresser leurs effectifs. Et, à court terme, le gouvernement va être obligé d’annuler les subventions et autres transferts sociaux parce que l’État ne peut plus continuer à supporter l’effort de solidarité qu’il s’est imposé durant les années fastes du pétrole à plus de 100 dollars/baril.
Parce que la fiscalité ordinaire couvre à peine deux tiers du budget de fonctionnement, et ce que l’État peut engranger en fiscalité pétrolière couvre à peine ce déficit. Comble de l’indécence, le gouvernement n’a pas trouvé mieux que de dévaluer le dinar afin de combler le déficit budgétaire. Une dévaluation de l’ordre de 30% face au dollar et de près de 20% face à l’euro. Ce qui se traduirait, à coup sûr, par une inflation écrasant les couches défavorisées dans peu de temps. Dès que les stocks achetés à un dinar un peu plus fort s’épuiseront.
L. H