Retard dans les livraisons, complicité et ventes douteuses, Des concessionnaires automobiles arnaquent les Algériens

Retard dans les livraisons, complicité et ventes douteuses, Des concessionnaires automobiles arnaquent les Algériens

«Votre véhicule sera livré dans huit mois ou tout au plus une année», telle est la réponse faite par certains concessionnaires automobiles établis en Algérie à chaque procédure d’achat d’un véhicule neuf par un particulier.

Cependant, d’autres personnes privilégiées sont traitées autrement, comme ce fut le cas de trois frères qui ont commandé 150 véhicules à un concessionnaire situé dans la banlieue algéroise. Leur commande a été satisfaite quelques jours après, alors que d’autres sont appelés à attendre des mois pour voir leur «rêve» se réaliser. Mieux, le concessionnaire a accordé des «options» aux trois frères qui vendront l’ensemble des véhicules à des «intermédiaires», avant même que les voitures ne sortent de la maison.

C’est là un simple exemple de privilège accordé par certains concessionnaires. Selon plusieurs sources sécuritaires généralement bien informées, aujourd’hui des réseaux de trafic de véhicules ont investi dans ce nouveau créneau. Jouissant de la complicité de certains concessionnaires, ils arrivent sans difficultés à obtenir des véhicules neufs en grandes quantités et dans des délais très courts. Selon les mêmes sources, certains concessionnaires n’hésitent pas à livrer de grosses commandes à des personnes physiques alors que seules les personnes «morales», c’est-à-dire les entreprises, peuvent faire ce genre de commande dans le cadre d’achats groupés. Revenons aux trois frères. Il y a quelques mois, ils se sont présentés chez un concessionnaire français pour commander 150 véhicules. Non seulement cette commande a été acceptée alors qu’il s’agit d’un particulier, mais le plus grave dans cette affaire est que le concessionnaire a présenté une remise de «show-room» de 6%. Il est très important de rappeler que ce genre de remise (show-room) est destiné uniquement aux entreprises qui établissent de grosses commandes de véhicules. Mieux, la personne physique ayant bénéficié de cette remise se voit offrir un autre avantage, celui de ne verser au départ que 10% du montant total de l’achat des véhicules. L’astuce est simple. Les frères bénéficiaires, avant même d’avoir versé la totalité de la somme, ont déjà vendu tous les véhicules avant leur sortie de l’usine. Il s’agit là de complicité. Autre détail important, la carte jaune délivrée par le concessionnaire (un document remis avant la carte grise), est émise au nom des acheteurs de seconde main, ce qui ne peut pas se faire sans la complicité des concessionnaires.

50 millions de centimes de «bénéfice» pour chaque vente de véhicule de type 4X4

Toujours selon des sources concordantes, la complicité de certains concessionnaires avec des réseaux de trafic existe bel et bien, d’autant que plusieurs «intermédiaires» ont tiré des profits importants de ces ventes «illégales». Les personnes physiques, auteurs des commandes et qui servent ainsi d’«intermédiaires», gagnent entre 10 et 50 millions de centimes par voiture, selon la marque et le prix. Prenons par exemple les voitures de type 4X4 dont le coût avoisine les 500 millions de centimes. Elles rapportent à l’«intermédiaire» 50 millions de centimes par unité. Il est important de souligner que pour les intermédiaires la livraison des voitures commandées se fait rapidement, contrairement aux autres acheteurs, souvent des particuliers, obligés d’attendre jusqu’à une année pour être livrés. Selon des informations parvenues aux services de sécurité, des réseaux bien structurés sont derrière les commandes les plus importantes. Pire, chaque réseau de trafic de véhicules détient le monopole d’une marque automobile. C’est pour cette seule raison que les particuliers se voient contraints d’attendre de longs mois. «Certains concessionnaires, complices des réseaux de trafic de voitures, tirent des profits en bénéficiant d’une part du gâteau». Cette révélation a été faite lors d’investigations menées par les forces de sécurité. D’autre part, la Cellule de traitement du renseignement financier (CRTF), chargée de la lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme, n’a jamais été informée des grosses «transactions» exécutées par certains concessionnaires avec des personnes physiques. Il s’agit là d’une grave atteinte aux lois algériennes, dans la mesure où il est fort possible qu’il s’agit de personnes ayant des liens avec des groupes terroristes ou des réseaux de trafic de véhicules. La CTRF doit être informée par les concessionnaires, mais ce n’est pas le cas.

Par Sofiane Abi