Rester dans le cadre constitutionnel ou faire table rase des symboles du pouvoir…

Rester dans le cadre constitutionnel ou faire table rase des symboles du pouvoir…

NAZIM BRAHIMI

Du paysage politique national au lendemain du départ du président Abdelaziz Bouteflika se dégagent deux tendances lourdes quant à la suite à donner au mouvement populaire qui aborde désormais sa huitième semaine.

En termes de voies de sortie de crise, la polarisation semble manifestement s’installer dans le débat public entre les partisans d’une solution par la voie constitutionnelle et ceux qui militent pour faire table rase, qui scellera l’extinction des institutions en place et le renvoi de tout le personnel qui a exercé durant le règne de Bouteflika.

Le respect de la légalité constitutionnelle convainc davantage les constitutionnalistes et autres professionnels du droit, fortement sollicités en cette période de crise politique. C’est le cas de la constitutionnaliste Fatiha Benabbou, qui a clairement plaidé la solution constitutionnelle « qui permet la préservation de la stabilité du pays et l’unité nationale».

Pour sa part, Walid Laggoune, juriste, s’appuyer sur la loi fondamentale en pareille circonstances constitue un point positif. Chez des partis politiques de divers horizons, l’option de la légalité constitutionnelle est également défendue, notamment par ceux qui se projettent dans la joute présidentielle qui achèvera la période de transition. Sauf que cette voie semble difficile à défendre quand on constate les critiques qu’essuient le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, deuxième homme de l’Etat et qui devrait être déclaré chef de l’Etat par intérim. L’homme est considéré, en effet, pour un des symboles des années Bouteflika. En plus d’appartenir au Rassemblement national démocratique (RND), seconde formation du pouvoir après le FLN, M. Bensalah préside la chambre haute du Parlement depuis 17 ans.

Pour les animateurs du mouvement populaire, l’option de la légalité constitutionnelle n’est plus la bienvenue dès lors qu’elle propulserait une des figures du règne de Bouteflika à la tête de l’Etat, même à titre intérimaire.

L’autre tendance suggérant d’effacer tout et de faire table rase, et visiblement légitimée par la capacité de mobilisation citoyenne depuis le 22 février dernier, est plus présente chez les acteurs politiques qui accompagnent le mouvement populaire depuis son début et pour qui, une période de transition doit être menée par des personnes issues de la mobilisation citoyenne et non des institutions du régime. Mais cette voie reste, cependant, en attente des modalités pratiques et des mécanismes de son exécution.

Du côté des partis politiques, partisans du changement, il n’est point question que la transition soit menée par des organes apparentés au pouvoir. Pour Soufiane Djilali de la formation de Jil Jadid, la priorité dans la conjoncture actuelle consiste à passer à « une période de transition, conduite par des personnalités de consensus, chargées de la mission principale de la préparation d’une élection présidentielle transparente et régulière ». « Cette période ne doit pas dépasser une année », a-t-il estimé, soulignant que « la sortie de crise qui secoue le pays ne saurait être sans l’organisation d’élections régulières ».

Le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) estime, quant à lui, que l’Algérie nouvelle « se construira par la mise en place d’organes de transition, issus de la société civile mobilisée à travers les différentes corporations qui portent les revendications essentielles d’un Etat de droit, une justice indépendante et une armée républicaine qui se consacre à ses seules missions constitutionnelles sous une autorité civile». De son côté, le Front des forces socialistes (FFS) a réitéré son option pour la solution politique qui passe par sa «constante» favorable à l’élection au suffrage universel d’une Assemblée Constituante qui « est l’unique source de légitimité ».

Pour le plus vieux parti de l’opposition, il appartiendrait à cette Assemblée constituante de doter le pays d’une Constitution qui garantisse l’avènement de la 2e République, « pour rompre avec la récurrence des révisions constitutionnelles qui vise à maintenir les rapports de force au sein du système et perpétuer le statu quo politique et l’instabilité des institutions». L’ancien chef de gouvernement, Ali Benflis, président de Talaie El Hourriyet, s’est dit hier « ne pas être d’accord à 100% avec la Constitution, mais sans la rejeter non plus», plaidant pour « une issue acceptée par le peuple algérien et qui ne démolit pas l’Etat national ».