Une vue de Annaba
Chaque année, les particuliers n’hésitent pas à s’impliquer dans l’élan de solidarité ramadhanesque.
Une pratique qui n’est pas étrangère aux Annabis, qui, habitués à venir en aide à leur prochain, ont fait des restaurants de la Rahma, une tradition ramadhanesque. Cet élan de solidarité est motivé par l’application de la parole du prophète Mohamed (Qsssl): «Celui qui donne à manger aux jeûneurs bénéficiera de la même récompense que Dieu réserve aux jeûneurs…» Conformément à ce hadith, les Annabis ont adopté une action de solidarité et l’ont développée pour devenir au fil des ans, une tradition incontournable du mois sacré.
Des années durant, le mois de Ramadhan s’est imprégné d’un élan de solidarité, impliquant tous les concernés par l’aide sociale: la direction des affaires sociales (DAS), associations caritatives, le Croissant-Rouge et la direction des affaires religieuses, mais surtout les opérateurs économiques et autres âmes charitables.
Bien plus distingué, cette année, le mois sacré de Ramadhan a vu le nombre des restaurants de la Rahma s’élever à 20 pour les nécessiteux et autres, comparativement à l’année écoulée où il avait été enregistré 18 espaces de solidarité. «20 restaurants de la Rahma sont opérationnels depuis le premier jour du mois de Ramadhan, à Annaba, Berrahal, El Bouni, Aïn El Berda et El Hadjar entre autres, permettant aux personnes sans domicile fixe (SDF) et nécessiteuses ainsi qu’aux passagers de bénéficier du f’tour.» C’est ce qu’a révélé un responsable de la direction du Croissant-Rouge de la wilaya de Annaba, précisant que ces restaurants de la Rahma répondent aux conditions d’hygiène et de propreté.
Quelque 38.400 familles nécessiteuses reparties à travers les 12 communes de la wilaya, sont répertoriées par les services de la DAS, devant recevoir le couffin de Ramadhan comprenant un ensemble de produits alimentaires de première nécessité. Ces opérations de solidarité qui ne sont pas étrangères aux Annabis, sont aussi l’oeuvre d’institutions (communes, wilaya, directions de l’action sociale et de la solidarité et des affaires religieuses et waqfs) ainsi que des opérateurs économiques et autres bienfaiteurs.
Dans une virée effectuée au siège du Croissant-Rouge algérien (CRA), le constat est émouvant. Sans ressources et sans plan d’action, le CRA use des moyens dont il dispose, pour venir en aide à une large frange de nécessiteux et autres. Une situation qui, notons-le, est due au décès subit de son président, survenue deux jours avant le mois sacré. Un décès qui n’a pas découragé le personnel de cette organisation non gouvernementale. En effet, de par cette dernière qualité, le Croissant-Rouge algérien, ce parent pauvre des associations, est parvenu quand même à distribuer, depuis le premier jour du mois de Ramadhan 1 539 repas.
Quant à la consommation à table, 494 repas sont servis chaque jour, par un personnel bénévole, qui n’a d’intérêt que celui de venir en aide aux personnes dans le besoin. Ces chiffres pourraient augmenter si ce n’est la pudeur qui bloque souvent des personnes ou des familles préférant cacher leur misère derrière les murs de leurs habitations.
On voit défiler, chaque soir, une population démunie, en détresse, en rupture de société, venir chercher un repas, préparé par des cuisiniers et cuisinières, qui se sont dévoués à cette oeuvre de charité, au détriment de leur vie de famille, notamment en ce mois sacré.
Ce sont des hommes et des femmes qui viennent rompre le jeûne, dans les divers restaurants de la Rahma implantés à Annaba. La plupart de ces personnes sont au chômage ou n’ayant qu’un emploi précaire ne permettant pas de faire face aux dépenses de ce mois.
Il y a des SDF hommes, femmes et enfants, des familles démunies répertoriées et non répertoriées par les services de la DAS. Mais il y a encore les migrants qui, eux aussi, se tournent vers cette tradition de solidarité qui ne tient pas compte des origines ni des religions. Cette année plus que les autres, on retrouve des Libyens, Maliens et des réfugiés syriens, qui en famille viennent rompre le jeûne alors qu’en temps normal, ils survivent souvent de la solidarité des Annabis, de la mendicité ou de quelques travaux qu’ils peuvent effectuer au noir. Seulement, il existe toujours quelques opportunistes qui viennent prendre des repas, à emporter, car là encore, la règle veut que l’on ne vérifie pas l’état des «demandeurs».
Les restaurants de la Rahma fonctionnent un peu à l’image de la société et de l’état du monde qui nous entoure. Et là, c’est juste un petit soulagement le temps d’un mois. Ce dernier conçu pour la pitié et la piété, deux principes religieux ignorés par les uns, mais mis en valeur par les autres. Ces derniers ne sont autres que des opérateurs économiques.
Conscients de l’importance de la charité vis-à-vis de son prochain, contribuent, voire prennent en charge tout l’approvisionnement des opérations de solidarité, notamment pour le Croissant-Rouge algérien. Amor Benamor, Fertial et Arcelor (groupe Sider), sont entre autres partenaires, le maillon fort de l’élan de solidarité à Annaba.