Liberté d’expression, d’association et de réunion, lutte contre le terrorisme, discrimination et violence à l’égard des femmes, disparitions forcées, liberté de culte, peine de mort et droits des migrants, le rapport annuel 2011 dressé par Amnesty International et publié vendredi 13 mai épingle les autorités algériennes. Compte rendu du rapport.
Liberté d’expression, d’association et de réunion
Les autorités ont interdit certains rassemblements et manifestations organisés par des défenseurs des droits humains, des journalistes et des proches de victimes de disparition forcée, rapporte Amnesty international (AI) qui fête ses 50 ans d’existence.
Des journalistes et des défenseurs des droits humains ont été inculpés de « diffamation », entre autres, infractions pénales, « selon toute apparence parce qu’ils avaient critiqué des agents de l’État ou des institutions, ou dénoncé la corruption », selon le rapport d’Amnesty.
Ce dernier cite le cas de Belhamideche Belkacem, directeur du quotidien Réflexion, « condamné le 13 mai en même temps que deux autres hommes à six mois d’emprisonnement et celui de Djilali Hadjadj, un journaliste et militant anticorruption, qui a été arrêté le 5 septembre à l’aéroport de Constantine au « motif qu’il avait précédemment été condamné par défaut pour falsification ». « Rejugé le 13 septembre à Alger, il a été déclaré coupable et condamné à une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis assortie d’une amende, puis remis en liberté », constate le rapport de l’ONG.
Lutte contre le terrorisme : « torture et sévices »
Dans son rapport 2011, l’ONG s’inquiète que des agents du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), « continuaient d’arrêter des personnes soupçonnées d’infractions liées à la sécurité et de les placer en garde à vue, parfois au-delà de la durée maximale de 12 jours prévue par la loi, dans des centres de détention non reconnus où elles risquaient d’être torturées ou autrement maltraitées ».
Pour Anmesty International, « l’impunité était toujours bien établie pour les actes de torture et autres sévices infligés à des personnes soupçonnées d’infractions liées à la sécurité »
Evoquant les cas de violations, AI soutient que « des personnes soupçonnées d’actes de terrorisme ont été jugées au cours de procès ne respectant pas les normes d’équité ». « Certaines, dont des accusés condamnés à mort par des tribunaux militaires, ont été déclarées coupables sur la base d’« aveux » obtenus, selon leurs déclarations, sous la torture ou la contrainte », accuse le rapport pour qui des « détenus n’ont pas été autorisés à consulter l’avocat de leur choix. D’autres suspects incarcérés pour des infractions liées à la sécurité attendaient toujours d’être jugés ».
AI cite, entre autres, le procès de Malik Medjnoun et Abdelhakim Chenoui qui n’avait pas repris à la fin de l’année. « Accusés du meurtre du célèbre chanteur kabyle Lounès Matoub et d’infractions liées au terrorisme, ces deux hommes étaient incarcérés sans jugement depuis plus de 10 ans. Ils avaient été arrêtés en 1999 et torturés durant la longue période de détention au secret qui a suivi », fustige AI.
Discrimination et violences à l’égard des femmes
Et dépit de la visite en Algérie en novembre de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la violence contre les femmes, Amnesty International souligne que « les autorités n’avaient toujours pas érigé en infraction les violences au sein de la famille, notamment le viol conjugal, et les auteurs de violences liées au genre n’étaient pas traduits en justice.»
A ce titre, l’ONG met l’accent sur l’affaire de l’agression en mars et avril 2010 contre des femmes vivant seules à Hassi Messaoud, dans le sud Algérien. « Les plaintes ont entraîné un renforcement de la sécurité autour des zones visées, mais aucune poursuite n’a été engagée contre les responsables présumés de ces agissements », inquiète AI.
Impunité et disparitions forcées
Voila un sujet qui embarrasse Alger et continue de susciter des reproches et autres suspicions internationales. « Les autorités n’ont pris aucune mesure pour enquêter sur les milliers de disparitions forcées et autres violations graves des droits humains qui ont eu lieu au cours du conflit interne des années 1990 », déplore Amnesty Internatnational dans son document.
Cette organisation critique vivement la Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui accorde « l’impunité aux forces de sécurité », rend passibles de poursuites les personnes qui « critiquent le comportement de ces forces et octroie l’amnistie aux membres de groupes armés responsables d’atteintes flagrantes aux droits humains. »
Selon Alger, 6 240 familles de disparus avaient accepté une indemnisation de l’État et que seules 12 familles ayant fait l’objet de « manipulations par des ONG et des parties étrangères » avaient refusé.
Malgré les protestations hebdomadaires des familles de disparus qui réclament la vérité et la justice, le président de la CNCPPDH a déclaré en août que les demandes de vérité et de justice des familles n’étaient pas réalistes en raison de l’absence de témoignages et de l’impossibilité d’identifier les responsables des disparitions, rappelle encore Amnesty.
En outre, le rapport évoque l’injonction en juillet faite par le Comité des droits de l’homme [ONU] aux autorités afin d’ouvrir une enquête sur la disparition de Douia Benaziza, « arrêtée en juin 1996 par les forces de sécurité, et accorder à sa famille une réparation appropriée ». « Le Comité a conclu que les autorités avaient enfreint le droit à la liberté et à la sécurité de cette femme ainsi que son droit de ne pas être torturée ni maltraitée », estime Amnesty.
Si le gouvernement a annoncé qu’il avait invité sept représentants spéciaux des Nations unies à se rendre en Algérie, aucune invitation n’a toutefois été adressée au rapporteur spécial sur la torture ni au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, qui sollicitaient pourtant de longue date l’autorisation d’effectuer des recherches dans le pays, déplore encore l’ONG.
« Attaques » contre la liberté de culte
Les attaques contre les temples protestants se sont poursuivies et des chrétiens, parmi lesquels des convertis, ont fait l’objet de poursuites pénales pour « exercice des cultes sans autorisation », aux termes de l’Ordonnance n° 06-03 qui règlemente les croyances autres que l’islam, déplore Anmesty International qui rappelle que « la Constitution garantit la liberté de religion mais fait de l’islam la religion d’État »
Dans l’affaire des personnes inculpées « aux termes de l’article 144 bis 2 du Code pénal pour avoir rompu le jeûne durant le mois de ramadan », le rapport d’AI note que « les tribunaux ont fait preuve d’incohérence dans leurs condamnations : certains prévenus ont bénéficié d’un abandon des poursuites tandis que d’autres étaient condamnés à des peines d’emprisonnement et à des amendes .»
Peine de mort
Plus de 130 personnes ont été condamnées à mort, dans de nombreux cas par contumace, essentiellement pour des infractions liées au terrorisme, estime l’ONG. Alors que l’Algérie a coparrainé la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire mondial sur les exécutions et elle a maintenu le moratoire de facto en vigueur depuis 1993, note le même rapport.
« Inquiétudes » sur le Droit des migrants
Citant des statistiques fournies par la police, AI souligne que 34 étrangers ont été expulsés et 5 232 reconduits à la frontière entre janvier et juin. La loi n° 08-11, qui règlemente les conditions d’entrée, de séjour et de circulation des étrangers en Algérie, permet aux walis (préfets) d’ordonner la reconduite à la frontière des étrangers entrés « illégalement » en Algérie ou qui se trouvent en séjour irrégulier sur le territoire, sans garantir leur droit d’interjeter appel de cette décision, selon Amnesty.
En mai, le Comité sur les travailleurs migrants [ONU] s’est déclaré préoccupé par le fait que les travailleurs migrants en situation irrégulière peuvent être détenus indéfiniment et il a regretté que les autorités n’aient pas mené d’enquête sur les informations faisant état d’expulsions collectives, conclut Amnesty International.