Réserves D’hydrocarbures : La POLÉMIQUE

Réserves D’hydrocarbures : La POLÉMIQUE

Dangereuse tangente

La gestion du secteur de l’énergie est en train de prendre une dangereuse tangente. En clair, le ministre de l’Énergie, Youcef Yousfi, vient d’annoncer que l’Algérie vise l’exportation de 85 milliards de mètres cubes/an de gaz et la production de 2 millions de barils/jour de pétrole. Soit le même objectif que poursuivait son prédécesseur, objet d’un mandat d’arrêt international, selon la justice algérienne. À l’opposé, donc, des suggestions d’éminents experts nationaux qui préconisent un niveau d’exportations d’hydrocarbures compatible avec nos besoins de financement de l’économie nationale, soit environ 60 milliards de mètres cubes/an de gaz et un niveau d’extraction entre 1,2 et 1,5 million de barils/jour ainsi que la nécessaire préservation des réserves de pétrole et de gaz pour les générations futures. À l’encontre également du principe développé depuis les années 70, la priorité dans l’allocation des réserves doit aller à la couverture moyen et long terme de la demande domestique en produits énergétiques.

Peut-on bâtir, également, une stratégie énergétique sur des incertitudes ? soutient un spécialiste pétrolier ? Or, le ministre de l’Énergie table sur les ressources non conventionnelles pour inverser la tendance baissière en matière de production et d’exportation de pétrole et de gaz.

Première incertitude : si l’Algérie dispose d’un potentiel énorme en gaz de schiste, les coûts d’extraction, beaucoup plus élevés que le gaz conventionnel, constituent un frein à leur confirmation et développement à court terme, voire à moyen terme. De surcroît, les appréhensions sur les problèmes environnementaux que pose l’exploitation du gaz de schiste et le coût de l’énorme logistique à mettre en place pour extraire ces quantités d’hydrocarbures non conventionnels ne sont pas levées.

Seconde incertitude : l’optimisme des autorités repose sur les importantes ressources en tight oil, ou pétrole compact que recèle l’Algérie. Là aussi, leur exploitation est plus chère. La question est de savoir également si Sonatrach a les capacités technologiques et de management de projets de manière à développer ces quantités importantes enfouies sous le sous-sol dans un délai beaucoup plus rapide et à un niveau de rentabilité économique commercialement acceptable.

Troisième incertitude : sommes-nous capables de mobiliser les ressources humaines et le potentiel managerial de manière à relever de tels défis ?

Il convient de noter qu’avec l’hémorragie de cadres et de responsables qu’a connue le secteur, nous ne sommes plus dans le dynamisme d’antan.

Toutes ces incertitudes ne sont pas portées à la connaissance du large public. S’il faut clamer tout haut que l’Algérie a encore d’importantes richesses en pétrole et en gaz face aux informations diffusées à l’étranger sur la baisse de nos réserves de pétrole et de gaz, il convient de ne pas oublier de mentionner qu’il reste un énorme travail à effectuer pour mettre au jour ces richesses de pétrole et de gaz beaucoup plus difficiles à extraire.

Nous sommes, en l’occurrence, en retard dans l’amélioration des taux de récupération des quantités de pétrole conventionnel emmagasinées dans les anciens gisements. Augmenter le taux de récupération de 10% du gisement de Hassi-Messaoud procurera à l’Algérie des réserves récupérables de 5 milliards de barils, soit plus de 40% de nos réserves actuelles de brut. Or, tout un silence est observé sur la volonté algérienne de pousser vers le haut les taux de récupération dans les champs anciens.

Enfin, si l’après-pétrole de l’Algérie est encore dans le pétrole, en un mot, dans ces chantiers destinés à augmenter substantiellement nos réserves pour couvrir les besoins énergétiques de la population à moyen et long terme et dégager un niveau d’exportation compatible avec nos besoins de développement du pays. Au moins, pendant encore une décennie. Il ne faut pas oublier que cette rente doit servir en priorité pour sortir de la dépendance à l’égard des hydrocarbures et pour que s’affirme une industrie de substitution à la considérable facture des importations. Dans l’offre énergétique, le renouvelable devrait également constituer une priorité dans notre politique énergétique, tout comme un modèle de consommation beaucoup plus économe en énergie.

K. R.