République démocratique du Congo, La guerre des urnes

République démocratique du Congo, La guerre des urnes

Chaos de l’Etat, déchirements ethniques : les élections présidentielle et législative en République démocratique du Congo reflètent les maux endémiques dont souffre ce géant en proie à la violence et à la misère.

Hier, les Congolais ont voté pour un scrutin présidentiel et législatif, les électeurs congolais ont glissé leurs bulletins imprimés en Afrique du Sud dans des urnes made in China rapporte le journal L’Express.

Des accrochages ont émaillé la précampagne au Katanga, turbulente province du Sud richement dotée en cuivre. Au Kivu, à l’extrême est, les milices rivales et l’armée dite régulière sèment la terreur parmi les civils, femmes et adolescentes en tête et ce, en dépit des efforts des Casques bleus de la Monusco, la mission onusienne. Quant à l’opposant historique Etienne Tshisekedi, 79 ans, enclin à se proclamer d’ores et déjà chef de l’Etat, il recourt à une rhétorique belliqueuse, menaçant de libérer par la force ses fidèles emprisonnés.

Un fauteuil pour quatre

Quatre des 11 candidats qui se disputeront la magistrature suprême sortent du lot.

Joseph Kabila (40 ans), le sortant. Propulsé au pouvoir en 2001 au lendemain de l’assassinat de son père, Laurent-Désiré, il devance en 2006 Jean-Pierre Bemba au second tour.

Etienne Tshisekedi (79 ans), le vétéran. Premier ministre puis ennemi juré du dictateur Mobutu, ce natif du Kasaï oriental, leader messianique de l’Union pour le développement et le progrès social (UDPS), avait boycotté le scrutin de 2006.

Vital Kamerhe (52 ans), le transfuge. Directeur de campagne de « Joseph » voilà cinq ans, cet enfant du Sud-Kivu mise sur les voix des provinces de l’Est, peuplées de déçus du kabilisme.

Léon Kengo wa Dondo (76 ans), l’ex-baron mobutiste. Originaire de l’Equateur, le président du Sénat pâtit de la fragilité de son assise électorale.

L’issue de la présidentielle à un seul tour – on n’est jamais trop prudent – ne fait guère de doute. Même s’il a perdu l’essentiel de sa clientèle au Nord et au Sud-Kivu, même s’il n’a tenu aucune des promesses de paix et de développement formulées à l’orée du quinquennat finissant, le sortant Joseph Kabila devrait l’emporter. D’autant que le contrôle de l’argent public et de l’appareil sécuritaire garantit une écrasante suprématie à ce personnage énigmatique sans doute guetté par l’autisme.

L’entêtement suicidaire de ses rivaux, aveuglés par leur ego, ne vaut guère mieux. Bien sûr, les consignes données depuis sa cellule de La Haye, siège de la Cour pénale internationale, par Jean-Pierre Bemba, finaliste malheureux en 2006, pèseront.

Les pièges de la cohabitation

Un autre fléau, récurrent en Afrique subsaharienne, assombrit le ciel : la polarisation ethnique. « Jamais un Nande de l’Est ne votera pour Tshisekedi, originaire du Kasaï, note un universitaire. Les procureurs de Kabila voient en lui un Rwandais otage de Kigali ou lui reprochent son clanisme pro-Katanga. Quant aux tensions entre Kasaïens et Katangais, elles résultent de rancoeurs ancestrales. »

L’alchimie électorale congolaise risque d’aboutir à une cohabitation paralysante : le sortant maître du palais, face à un parlement fragmenté, dominé par l’opposition. Combinaison idéale pour prolonger la léthargie du Congo-Kinshasa, géant couché sur un pactole minéral phénoménal, mais ravagé par la misère. Et repousser aux calendes zaïroises cet impératif absolu : la création d’une armée nationale d’une police fiable et d’une magistrature digne de ce nom.

Par : R. I.