Le mouvement de protestation Infidjart des étudiants des Beaux-Arts d’Alger a repris hier son blocus, faute de satisfaction de ses revendications. Une performance a été organisée à 10h30 à l’ESBA.
Dimanche à 10h30 à l’École supérieure des beaux-arts d’Alger (ESBA), les étudiants de cet établissement, en grève depuis le 15 mars dernier, reprennent leur blocus et présentent une performance artistique exprimant le deuil, en brandissant notamment différents slogans (par exemple “Quand l’injustice devient une règle, la rébellion devient un devoir”). Un deuil pour non-satisfaction de leurs revendications et, notamment, celle relative à l’installation d’un nouveau directeur, qui devait avoir lieu “le 21 avril dernier”, selon Meriem Derridj, étudiante en 2e année spécialité sculpture, et chargée de communication du mouvement de protestation Infidjart des étudiants des Beaux-Arts d’Alger. “Nous avons tenu une AG le lendemain, soit mercredi 22 avril et nous avons décidé qu’il fallait refaire quelque chose. Car avec toute la bonne volonté des étudiants, nous n’arrivions pas à sortir de l’impasse : l’administration, le staff, la reconnaissance de notre diplôme, la refonte de notre programme…”, soutient notre interlocutrice. “On nous a carrément mis de côté. Il y a eu des rencontres, des personnes qui nous ont soutenus, et puis nous sommes arrivés au point que ça stagnait, on voyait qu’on ne s’en sortait pas sans une réelle aide, une réelle volonté du ministère”, signale Meriem Derridj, qui a rappelé, tout de même, que “la première fois où la ministre de la Culture est venue, elle nous a dit que ce qu’on demandait était légitime. On sentait qu’il y avait de la bonne foi derrière mais on sentait aussi que la décision ne lui revenait pas totalement”.
En tout cas, deux réunions avec la ministre de la Culture ont eu lieu, ainsi qu’une troisième avec le secrétaire général du ministère, mais pour le moment les principales revendications ne sont pas encore satisfaites, même si “l’ancien directeur a démissionné au bout d’une semaine du début de notre mouvement de protestation”, appuie-t-elle. Athmane Kaddour a été installé comme directeur par intérim, mais “on avait convenu entre nous qu’il ne pouvait y avoir de suite avec lui, qu’on ne pouvait pas aller de l’avant, qu’il n’allait pas y avoir un vrai changement. Il y a eu une autre discussion avec MM. Ghobrini et Kaddour qui devaient faire les médiateurs entre nous et le SG du ministère de la Culture, et ils nous ont transmis que le mardi
21 avril la ministre viendrait pour élire définitivement un directeur. On a donc levé le blocus en attendant le 21 avril mais on n’a jamais interrompu la grève”, rappelle encore Meriem Derridj. Le blocus a repris hier, donc, et les étudiants poursuivent leurs activités créatives inscrites dans le cadre de Infidjart, un “mouvement spontané, poursuit notre interlocutrice. On est arrivé le 15 mars à l’École et tout le monde a décidé de ne pas entrer”. Pour elle, c’est une sorte de “déclic et d’éveil collectifs” suscités, toutefois, par “quelques incidents déclencheurs”. Outre l’installation d’un nouveau directeur, le mouvement de protestation Infidjart des étudiants des Beaux-Arts d’Alger demande une “refonte du programme pédagogique”. “Je parlais récemment à un ancien étudiant qui me disait qu’il trouvait aberrant que ce qui lui a été enseigné il y a 30 ans nous soit encore enseigné. Le monde de l’art ne cesse d’évoluer, il y a des logiciels qui apparaissent chaque jour, c’est un monde de découverte et de créativité. À titre d’exemple, on n’a pas de cours d’anatomie, on n’a pas de réseau wifi, il n’y a pas non plus de cours pratique, il y a au maximum, de la pratique une à deux fois par an”, déplore-t-elle. Les étudiants demandent également “la reconnaissance du diplôme par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, l’autre tutelle de l’ESBA – nous avons envoyé deux courriers mais pour le moment nous ne traitons qu’avec le ministère de la Culture”. Pleinement conscients des risques encourus – une année blanche –, les étudiants espèrent une issue qui puisse leur permettre de reprendre les cours et de ne pas perdre une année. “Il n’est pas encore trop tard”, pour la chargée de communication d’Infidjart, cette possibilité d’année blanche n’est pas encore envisageable. Il y a lieu de signaler, enfin, que Infidjart est un mouvement où s’expriment à la fois la “solidarité” et la “créativité”, puisque les étudiants bénéficient et organisent des workshops, des performances, des ateliers, etc., et “tous les espaces ont été exploités”. Pour Meriem Derridj, Infidjart favorise “les échanges et le partage. Avant, nous ne savions pas ce que voulait dire le monde de l’art à l’extérieur ; nous étions formés à être techniciens de l’art”.