Selon un document officiel en possession de Liberté (voir fac-similé), le directeur de l’urbanisme de la wilaya de Ghardaïa a écrit noir sur blanc, sous le sceau de la République, et à l’adresse du P/APC de Guerrara, de ne pas délivrer le permis de lotir au projet 600 logements LSP, avant de “trancher définitivement le quota réservé à la ‘faction malékite’ conformément à la décision de l’exécutif de la wilaya, présidé par le wali en date du 3 mars 2006, au siège de la daïra de Guerrara”.
Cette correspondance est à l’origine des affrontements intercommunautaires survenus vendredi et qui se sont prolongés tard dans la soirée, faisant des dizaines de blessés.Les faits remontent à jeudi. Des sources locales affirment que des citoyens du quartier chaâmbi dit Ouled Si M’hamed ont pris d’assaut, dans la soirée, le site des 600-Logements LSP de la daïra de Guerrara, à 120 km au nord-est du chef-lieu de wilaya. Les acquéreurs mozabites ont décidé, cette fois-ci, de défendre le site. Il y a eu un affrontement, mais qui n’a pas duré longtemps, selon toujours nos sources.
Le lendemain, soit le vendredi après la prière hebdomadaire, le quartier chaâmbi Ouled Si M’hamed entre dans de terribles affrontements avec le quartier mozabite Cheikh Hadi El-Mouden. Les violences ont duré jusque tard dans la soirée et nos sources parlent de dizaines de blessés.
D’importants renforts sécuritaires ont été dépêchés dans cette localité située à 120 km au nord-est du chef-lieu de wilaya de Ghardaïa. Contacté, le promoteur du projet, et néanmoins président du Conseil de l’Ordre des architectes à Ghardaïa, Kacem Eldjoun, affirme qu’il y a eu d’abord des appels sur les réseaux sociaux pour passer à l’acte après la prière du vendredi. “Nous nous attendions à cette attaque contre le projet car il y avait eu, quelque temps auparavant, des appels lancés sur facebook. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les citoyens du quartier Ouled Si M’hamed agressent les ouvriers du chantier et saccagent les lieux. Mais cette fois-ci, les acquéreurs mozabites, qui attendent la réception de leurs logements depuis 2008, ont décidé de ne pas se laisser faire.”
L’administration mise à l’index !
Interrogé sur les raisons à l’origine du conflit, Kacem Eldjoun s’explique : “Le terrain appartient à l’État et il m’a été cédé dans le cadre d’un projet LSP. Au début, les Chaâmbis d’Ouled Si M’hamed se sont ligués contre le projet au motif qu’un de leurs marabouts y serait enterré. Ensuite, ils ont dit qu’ils étaient les premiers à introduire une demande pour faire de cette surface un cimetière. Aujourd’hui, ils soutiennent que le terrain est une extension de leur quartier.”
Contacté à son tour, un citoyen du quartier Ouled Si M’hamed, qui a requis l’anonymat, explique que eux aussi veulent avoir leurs quotas de logements : “Le projet appartient avant tout à l’État et nous y ouvrons droit. Le terrain est d’autant plus une extension de notre quartier.” Le promoteur de la cité 600-Logements LSP, dite Aghrem, qui veut dire cité urbaine en mozabite, jure qu’à ce jour, il n’a reçu aucun dossier ni aucune demande allant dans ce sens. “Je suis promoteur et tous les dossiers de demande d’acquisition d’un logement LSP, je les transfère à la CNL. Je ne fais pas de différence.” Mais ce dernier pense que le problème est plutôt ailleurs et qu’il peut s’avérer compromettant. Il accuse l’administration. “Il y a quatre individus du quartier Ouled Si M’hamed, connus de tous, qui attisent le feu de la haine et poussent à chaque fois à la violence. J’ai même déposé une plainte contre eux. Mais plus grave encore, c’est qu’ils sont incités par le directeur de l’urbanisme de la wilaya de Ghardaïa et le chef de daïra de Guerrara. Ces deux responsables veulent à tout prix saboter le projet.” Mais pourquoi le saboter ? Kacem Eldjoun livre des détails : “J’ai entamé le projet en 2008, et ce n’est qu’en mars 2015 que j’ai réussi à obtenir le permis de lotir. Depuis que je l’ai obtenu, le directeur de l’urbanisme de la wilaya de Ghardaïa et le chef de daïra n’ont pas cessé d’adresser des correspondances au P/APC de Guerrara pour annuler le permis de lotir qui m’a été délivré.” Et pour faire le lien avec les violences récurrentes, il affirme : “Quelques jours après chacune de ces correspondances, il y a eu une prise d’assaut de la cité toujours en cours de construction.” Il est enfin à signaler qu’une copie d’une correspondance du directeur de l’urbanisme de la wilaya de Ghardaïa adressée le 5 avril 2015 au P/APC de Guerrara est en possession de Liberté.
Dans cette correspondance, le responsable en question rappelle une autre correspondance du chef de daïra de Guerrara, datée du 11 novembre 2014, et dans laquelle, il est demandé au P/APC de revoir, en effet, la décision de délivrer le permis de lotir, mais aussi la question du quota réservé aux malékites (Chaâmbis). Il est ainsi écrit noir sur blanc, dans un document officiel, et sous le sceau de la République : “Trancher définitivement le quota réservé à la ‘faction malékite’ conformément à la décision de l’exécutif de la wilaya, présidé par le wali en date du 3 mars 2006, au siège de la daïra de Guerrara.” Hier, dans la vallée du M’zab, on craignait que les violences ne se propagent dans les autres localités.
M.M.