Reprise des manifestations en Tunisie, Manipulation de tous bords

Reprise des manifestations en Tunisie, Manipulation de tous bords

Après une accalmie observée depuis le début du Ramadhan, le mouvement de contestation et de dérapage reprend de plus belle en Tunisie. Les “salafistes” sont encore au-devant de la scène pour faire parler d’eux.

Ils font presque la loi par leurs exactions d’un autre temps, souvent sous les yeux complices des services de sécurité. Ils se croient tout permis et être dans la voie du Juste. Or, les derniers évènements de Beja, non loin de la frontière algérienne, qui ont opposé deux groupes salafistes à l’intérieur d’une mosquée à cause d’une mésentente dans la rupture du jeûne, prouvent le danger de l’islamisme en Tunisie. Avant-hier encore, dans la matinée, les habitants de Sidi Bouzid, appelé par les Tunisiens “berceau de la révolution”, se sont soulevés contre le gouvernement qui n’a pas amélioré leur situation sociale.

Ce qui a suscité l’intervention musclée de la police qui a dispersé la foule en tirant des balles en caoutchouc sur les manifestants, au moment où les critiques contre le gouvernement dominé par les islamistes se multiplient. La police a tenté de disperser par des tirs de sommation et de gaz lacrymogènes les manifestants qui réclamaient la démission du gouvernement et ont tenté d’envahir le siège du gouvernorat (préfecture) de Sidi Bouzid (Centre-Ouest) en brisant le portail, selon un journaliste de l’AFP. Selon une source hospitalière, une personne a été blessée par une balle en caoutchouc et quatre autres intoxiquées par les gaz ont été transférées à l’hôpital de la ville. Plusieurs partis d’opposition avaient participé au rassemblement, comme le Parti républicain (centre), le Parti des travailleurs tunisiens (communiste), Al-Watan (la nation) et des indépendants. “Les revendications du peuple, relatives à l’amélioration de sa situation sociale, deviennent de plus en plus insistantes mais, malheureusement, le gouvernement n’est pas au service de ce peuple”, a déploré Mohamed Ghadri du Parti républicain. Les manifestants ne sont pas restés là. Ils ont poursuivi leur contestation juste après le f’tour. La police tunisienne est encore intervenue pour disperser une deuxième manif. Environ huit cents manifestants, qui protestaient contre l’intervention de la police lors d’un premier rassemblement dans la matinée, ont jeté des pierres sur les forces de l’ordre, qui ont répliqué par des tirs de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogènes. Aucune information sur des blessés n’était disponible dans la nuit. Le Parti des travailleurs a vite réagi, dans un communiqué, en dénonçant l’usage de la force par la police et exprimé son appui aux revendications des manifestants exigeant entre autres le limogeage du gouverneur (préfet), du chef de la Garde nationale et du procureur de la République. De son côté, le parti communiste réclame dans son communiqué la libération de quatre manifestants interpellés jeudi, selon lui. Il est toutefois à rappeler qu’en fin juillet, la police avait dispersé de la même manière à Sidi Bouzid des dizaines de manifestants qui avaient attaqué le gouvernorat pour protester contre des retards de salaire. Il est à souligner que les Tunisiens, notamment les habitants de Sidi Bouzid, veulent coûte que coûte symboliser leur région qui, pour eux, est non seulement la seule ville martyre mais démunie.

La femme n’est plus l’égale de l’homme

Un projet d’article de la future Constitution consacre la “complémentarité” de la femme avec l’homme et non son égalité.

Le 13 août 1956, le Code du statut personnel est promulgué par Habib Bourguiba en Tunisie. Une révolution pour les femmes, dont l’égalité avec les hommes est reconnue par la loi. La polygamie est alors interdite et le divorce possible. Août 2012, un projet d’article de la future Constitution tunisienne stipule que “l’État assure la protection des droits de la femme sous le principe de complémentarité avec l’homme au sein de la famille en tant qu’associée de l’homme”. Concrètement, le principe d’égalité est remis en question. Un coup dur qui -ironie du sort- survient à l’occasion du 56e anniversaire du Code.

C’est une députée du parti de gauche Ettakatol -pourtant membre de la coalition gouvernementale- qui a lancé l’alerte sur sa page Facebook. “Cette séance a servi de prétexte aux députés d’Ennahda pour revenir sur le principe d’égalité entre hommes et femmes”, écrit Selma Mabrouk. Toujours selon la députée et sa retranscription de cet article 27 sur les droits des femmes, la version adoptée le 1er août par la commission Droits et libertés -une des commissions consultatives de l’Assemblée nationale constituante (ANC), chargées de rédiger les différents articles de la Constitution- se poursuit par : “L’État garantit l’égalité des chances pour la femme dans toutes les responsabilités. L’État garantit la lutte contre la violence faite aux femmes, quelle qu’en soit la sorte.”

La femme “annexée” à l’homme

Pour Sondès Garbouj, présidente de l’antenne tunisienne d’Amnesty International, les termes mêmes de l’article posent problème. “On dit complémentaire de l’homme en français ; en arabe, cela se dit annexée à l’homme. La femme n’est donc pas un être qui existe par lui-même, qui est libre de ses choix.

Si vous définissez la femme comme annexe, tout est permis.” Une interprétation réfutée par le parti islamiste Ennahda. Mehrzia Nabidi, membre du parti et vice-présidente de l’ANC, précise : “Complémentarité ne veut pas dire inégalité.” “Dans la complémentarité, est-ce qu’il y a une inégalité d’une part ou d’une autre ? Dans la complémentarité, il y a justement un échange, un partenariat.” Si le texte n’a pas encore été voté en séance plénière, de nombreuses associations tunisiennes sont sur le qui-vive. Selon elles, le simple fait qu’il ait été adopté par une commission constitue une régression sociale dangereuse. Autre problème, l’article 27 contredit l’article 22 -déjà adopté-, qui stipule que “les citoyens sont égaux dans leurs droits et leurs libertés et devant la loi, sans discrimination d’aucune sorte”, et l’article 21, qui réaffirme “le principe de l’égalité des droits et des devoirs entre les deux époux”. Ce dernier avait été adopté en juillet, en l’absence des députés du parti islamiste, retenus par le congrès de leur parti.

I. O