« Repris de justice », « fraudeurs du fisc », voyous « milliardaires » : Du beau monde au FLN

« Repris de justice », « fraudeurs du fisc », voyous « milliardaires » : Du beau monde au FLN
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Quoi de mieux que l’épouvantail des crimes de la colonisation française pour faire oublier la grave crise dans laquelle e débat aujourd’hui le FLN (Front de libération nationale)! Député, membre du bureau politique (BP) et patron de journaux, Abdelhamid Si Affif a annoncé samedi 18 décembre que son parti allait relancer le projet de loi portant sur la criminalisation du colonialisme français.

La veille, un autre ponte du FLN, Mohamed Seghir Kara, affirmait lui que la composante actuelle du comité centrale est constituée de repris de justices, de voyous et de fraudeurs.

Donc, on remet une nouvelle couche sur les crimes coloniaux. « C’est une question qui sera au programme de notre action. Il s’agira d’étudier la faisabilité de la loi et de son contenu », a déclaré Abdelhamid Si Affif sur les ondes de la radio nationale. Alors que cet avant-projet de loi qui a provoqué une vive tension entre Paris et Alger a été officiellement enterré en novembre dernier par le ministre de l’Intérieur, Dahou Ould Kablia, voilà que Si Affif le déterre pour les besoins de la cuisine interne de l’ex-parti parti unique.

C’est que mardi 2 novembre, le ministre algérien de l’Intérieur avait annoncé que cet avant-projet de loi a été abandonné faute de fondement juridique. « Le fondement juridique d’une loi se construit à partir des dispositions générales d’un code pénal. Dans notre code pénal, il n y a pas de dispositif, puisque tous les faits et gestes qui sont justiciables d’une procédure de poursuite et d’examen, sont désignés », a estimé le ministre. On pensait que cette initiative a été caviardée, mais voilà qu’Abdelhamid Si Affif la remet au goût du jour.

L’avant-projet de loi sur les crimes coloniaux officiellement enterré le 2 novembre 2010

Initié en février 2009 par un groupe de députés du FLN auxquels se sont ralliés quelque 125 parlementaires issus de plusieurs formations politiques, cet avant-projet de loi visait à criminaliser les crimes coloniaux commis par la France durant sa présence en Algérie entre 1830 et 1962.

Aussitôt annoncée, cette initiative a suscité une levée de boucliers en France et provoqué un regain de tension entre Alger et Paris. Vingt mois plus tard, les autorités algériennes ont fait machine arrière en annonçant l’abandon de cette proposition de loi par la voie du président de l’assemblée nationale, Abdelaziz Ziari. Abandon qui a été confirmé le 2 novembre 2010 par le ministre de l’Intérieur.

Pourquoi donc Si Affif, réputé proche parmi les proches de l’actuel secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, décide-t-il aujourd’hui de relancer cette initiative ? Pourquoi remettre sur le tapis ce projet alors qu’il a été désavoué par les autorités algériennes ? L’explication est sans doute simple : Pour détourner l’attention de l’opinion publique sur la grave crise qui secoue l’ex-parti unique, il n’y a pas mieux que d’agiter le vieil épouvantail des crimes coloniaux. Certes éculé, le thème reste encore sensible auprès de l’aile conservatrice et radicale du FLN.

La charge de Kara est d’une violence inouïe

L’annonce d’Abdelhamid Si Affif est d’autant moins dénuée de calculs politiciens qu’elle intervient, pile poil, le lendemain d’un entretien d’une violence inouïe accordé par un autre ponte du FLN, Mohamed Seghir Kara, au quotidien El Watan (édition du 17 décembre). Chef de file de l’aile dissidente au sein de cette formation, Kara accuse Abdelaziz Belkadem, 65 ans, d’avoir dévoyé le parti, de ne pas connaitre ses lois organiques, d’avoir installé des fraudeurs, des voyous, des repris de justice dans les instances du FLN.

« A l’heure où nous parlons de la lutte contre la corruption, Belkhadem trouve le moyen d’ouvrir grandes les portes aux affairistes, affirme M. Kara. Selon nos informations, la plupart des mouhafedhs nommés par Belkhadem ne répondent pas aux paramètres d’éligibilité. La plupart traînent des casseroles à la justice et ont réalisé des bénéfices estimés à des milliards de dinars au détriment du Trésor public.»

Mohamed Seghir Kara parle bien de mouhafeds qui trainent des casseroles, qui se sont enrichis au détriment du Trésor public. Kara désigne bien de responsables du FLN, sans pour autant les nommer, qui ont triché, détourné, fraudé, amassé des milliards à l’ombre de la justice.

« A notre connaissance, dit-il, le ministère de l’Intérieur ne donnera pas l’agrément à la composition actuelle du comité central »

Mais la charge ne s’arrête pas là. Interrogé sur la composante actuelle du comité central (CC), désignée lors du 9 congrès du FLN qui s’est tenu en mars 2010, M. Kara porte de graves accusations passibles de poursuites judiciaires à l’encore de Belkadem et de certains membre du CC. « A notre connaissance, dit-il, le ministère de l’Intérieur ne donnera pas l’agrément à la composition actuelle du comité central. Car après étude des dossiers, il s’est avéré que des membres désignés par Belkhadem ne répondent pas aux critères des textes du parti, d’autant que le ministère de l’Intérieur évoque des réticences, après enquêtes, concernant certaines personnes au casier judiciaire «sale», des repris de justice et d’autres poursuivis pour dilapidation de deniers publics et fuite fiscale. »

En clair, au sein du comité central du FLN, dont le SG assume actuellement les fonctions de ministre d’Etat et représentant personnel du chef de L’Etat et dont le président est Abdelaziz Bouteflika, il y a des repris de justice, des corrompus, des voyous et des malfrats. Sidérant.

Pourquoi le ministère de l’Intérieur n’a-t-il pas transmis ces dossiers à la justice ? Pourquoi le parquet ne s’est-il pas autosaisie pour engager des poursuites judiciaires à l’encontre de ces individus, qui rappelons le, siègent au comité central du FLN lequel compte plusieurs ministres dans le gouvernement d’Ahmed Ouyahia ?

Belkhadem arrivé à la tête du FLN après « pronunciamiento juridique

Nommé ministre des Affaires étrangère en août 2000, Abdelaziz Belkkadem, conservateur pur sucre, a été imposé à la tête du FLN par le clan présidentiel au lendemain du « pronunciamiento juridique » qui a destitué en janvier 2004 l’ex- SG du parti, Ali Benflis. L’initiative du clan de Bouteflika visait à l’époque à dépouiller Ali Benflis des instances du parti dont il était SG à l’issu du 8ème congrès de 2003 pour lui barrer la route à la présidentielle d’avril 2004. Depuis cette date, Abdelaziz Belkhadem a été maintenu, contre vents et marées, à la direction du parti, avec la bénédiction encore une fois du clan du chef de l’Etat.

En 1992, Mohamed Boudiaf, un des fondateurs du FLN, assassiné le 29 janvier 1992, voulait mettre ce parti au musée de l’Histoire. Dix huit ans plus tard, ses dirigeants ont fait de son comité centrale un repaire de brigands.