D’accusé, le Maroc s’est reconverti en accusateur hier, lors du passage de Fassi Fihri devant le Parlement européen où il avait été invité à s’expliquer sur la répression des populations sahraouies durant et après la prise d’assaut, le 8 novembre dernier, du camp de protestation de Gdein Izik situé aux abords d’Al Ayoune.
Voici la version du ministre des Affaires étrangères qui a fait sourire pas mal d’Eurodéputés et indigné beaucoup d’autres : «Le camp de toile a été démonté de façon pacifique ; il n’y a eu aucune victime sahraouie et les décès enregistrés se comptent parmi les forces de sécurité marocaine».
Partant de ce constat pour le moins bizarre puisqu’il défie tous les témoignages des journalistes étrangers et des membres des organisations civiles qui ont été expulsés jusqu’au dernier du Sahara occidental, y compris des élus espagnols et des parlementaires européens eux-mêmes qui voulaient constater de visu ce qui se passait au Sahara, le chef de la diplomatie espagnole s’en est pris aux eurodéputés et à la presse espagnole.
Il a accusé les premiers comme les seconds d’être à «l’origine d’une propagande bien orchestrée» contre son pays et d’user de «formules légères» quand ils parlent de «génocide» et de s’opposer au projet de solution «crédible et sérieuse» que le Maroc avance pour le problème de l’ancienne colonie espagnole.
Lui succédant, le ministre sahraoui des Affaires étrangères, Ould Salek, lui, a apporté des faits qui prouvent qu’il y a eu génocide au Sahara occidental et une politique de nettoyage ethnique. Les arguments du responsable sahraoui sont, à l’inverse, documentés et se fondent sur des témoignages de parties concrètes parmi les victimes de la féroce répression déclenchée depuis le 8 novembre.
Dans ce débat contradictoire où les deux parties n’étaient pas présentes en même temps dans la plénière, le groupe socialiste a, bien sûr, multiplié les manœuvres pour éviter que les Eurodéputés imputent au Maroc l’entière responsabilité de ces faits.
Motion du Sénat espagnol
C’est ce qu’ils ont fait, mardi soir au Sénat espagnol, pour qu’aucune des deux parties – le Maroc et les Sahraouis – ne soit citée nommément dans la motion adoptée par l’ensemble des groupes parlementaires «condamnant» la violence qui a eu lieu à la suite de la prise d’assaut du camp de toile de Gdeim Izik.
Ils ont tenu, et obtenu, que les termes de cette motion soient conformes à l’esprit de la résolution votée le 25 novembre dernier par le Parlement européen. Le Sénat a, toutefois, dénoncé le black-out médiatique instauré par les autorités marocaines autour de la situation qui prévaut au Sahara occidental.
La motion demande, par ailleurs, au gouvernement espagnol d’«exprimer sa profonde préoccupation pour la détérioration de la situation» dans l’ancienne colonie espagnole, en l’invitant à «condamner fermement les violents incidents qui se sont produits au moment de la prise d’assaut du camp de toile et dans la ville d’Al Ayoune».
Elle demande, en outre, à l’exécutif central de «jouer un rôle actif dans le processus de décolonisation du Sahara occidental et de plaider pour l’élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l’homme» dans l’ancienne colonie espagnole.
La répression marocaine est le thème le plus en évidence dans toutes les éditions de la presse espagnole. L’envoyée spéciale d’El Mundo, Ana Romero, a relaté, dans le premier reportage qu’elle a publié hier après son expulsion d’Al Ayoune, les «atrocités commises par les autorités marocaines contre les populations sahraouies pendant et après la prise d’assaut du camp de Gdeim Izik».
Menaces de mort contre les journalistes
La veille, son journal avait annoncé à la une que son envoyée spéciale à Al Ayoune avait été expulsée par le gouvernement marocain au motif qu’elle constituait «une menace à la sécurité du royaume».
Avant d’être mise dans le premier avion, un fonctionnaire espagnol établi à Al Ayoune l’aurait avertie qu’elle faisait l’objet de menaces de mort à la suite de la publication de son reprotage sur l’assaut du camp de toile, tout en l’implorant de ne pas quitter son hôtel.
«Si le Maroc dit n’avoir rien à cacher sur ces faits, pourquoi donc s’oppose-t-il fermement à la présence des journalistes étrangers au Sahara occidental ?, a-t-elle déclaré à son retour à Madrid.
Par Hamid A.