Reportage sur la coopération entre UE et l’Algérie : Je suis citoyen, donc j’ai mon mot à dire
Ils ont bénéficié d’une série de formations et après l’élection d’un bureau exécutif, ils ont organisé plusieurs activités, des visites dans un hospice, une journée d’animation ainsi qu’un festival de la jeunesse : c’est le Conseil consultatif des jeunes de la commune des Eucalyptus, dans la banlieue d’Alger. Un espace de dialogue et d’apprentissage dont l’objectif – entre autres – est de donner la parole à la jeunesse et de l’impliquer dans la gestion des problématiques au niveau local. Soutenue par l’Union Européenne, l’initiative fait parti d’un programme de «Renforcement du dialogue démocratique et de la participation citoyenne des jeunes dans la gestion des politiques de développement local ». Un concept en cours de démultiplication à travers d’autres régions d’Algérie. Reportage d’un journaliste du Centre d’Information pour le Voisinage européen.
Khawla, Hiba, Meriem et Toufik sont nerveux. En ce mardi, ils ont pour mission de présenter aux membres de l’association Jeunesse Plus et aux collégiens de la ville de Draria une initiative pilote : le Conseil consultatif des jeunes (CCJ) de la commune des Eucalyptus.
La rencontre se déroule au lycée sportif national de Draria. Les «Eucalyptussiens», issus de quartiers défavorisés, ne se laissent pas impressionner. Micro à la main, droit face à l’assistance, Toufik Kourtaa se lance en premier : «J’ai fait connaissance avec les initiateurs du Conseil consultatif lors d’une journée d’information : au début, je ne comprenais pas très bien certaines notions, mais j’ai fini par prendre conscience que mon statut de citoyen me permet de peser sur le devenir de ma commune. Aujourd’hui, j’ai mon mot à dire», souligne-t-il.
Khawla Ghalem, lycéenne en classe de gestion, prend le relais pour expliquer les différentes étapes qui ont conduit à la constitution du Conseil : «Nous avons bénéficié d’une série de formations pour parfaire nos connaissances. C’est sur cette base théorique que nous avons élaboré le règlement intérieur et pu organiser l’élection du Bureau exécutif».
Au fond de la salle, Selma Khelif, responsable de projet au Comité international pour le développement des peuples (CISP), esquisse un sourire en écoutant Meriem Attia, habituellement très réservée, dresser le bilan du Conseil – «Nous avons organisé plusieurs activités, notamment une visite dans un hospice pour personnes âgées, une journée d’animation à l’occasion de la journée du Savoir ainsi qu’un festival de la jeunesse».
La séance de débat débute. Les questions fusent. Les membres du Conseil répondent à toutes les interrogations. Les «Drariens» sont convaincus par le concept de CCJ.
Le besoin de prendre la parole
La constitution de ce Conseil est l’aboutissement d’un long processus. «La ville des Eucalyptus se caractérise notamment par la jeunesse de sa population – explique Selma Khelif – puisque 70% de ses habitants ont moins de 30 ans».
Commune à vocation agricole jusqu’au milieu des années 80, les Eucalyptus a fini par se transformer en une grosse agglomération suite à l’exode rural provoqué par le terrorisme. Bien que située à une quinzaine de kilomètres de la capitale, les conditions de vie y sont parfois difficiles. La violence est souvent le seul mode d’expression des jeunes de cette cité. «Le Conseil permet de transmettre des préoccupations locales tout en faisant des propositions pour trouver des solutions aux problématiques. Aux Eucalyptus, la première étape consistait à construire un partenariat solide avec les acteurs locaux. Nous avons pu rencontrer le maire, Abdelghani Ouicher, qui porte un intérêt particulier à la participation citoyenne. Avec l’association El Manar (Le Phare), notre partenaire local, nous avons ensuite procédé à la phase de sensibilisation et d’adhésion des jeunes. Ces actions se sont déroulées dans plusieurs espaces, notamment la bibliothèque, la maison de Jeunes ainsi qu’au sein du Centre de formation professionnelle».
250 jeunes participent aux activités
En l’espace de quelques mois, près de 250 jeunes prennent part aux différentes activités du CCJ. Un noyau fort de 20 membres se constitue. Pour les accompagner et renforcer leurs capacités, ils participent à un cycle de formations. Adaptées à la réalité du terrain, ces sessions abordent des sujets liés à la participation citoyenne, les élections, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, le Code de la famille, la gestion des conflits… La réussite de cette phase a été primordiale pour la suite du processus et, surtout, pour l’instauration d’une cohésion de groupe. Aussi, l’action de l’association El Manar a facilité le travail dans un cadre de mixité.
Durant l’été, les «Eucalyptussiens» se sont rendus à Oran, principale ville de l’ouest algérien, pour débattre de leur expérience avec les membres de l’association Le Petit Lecteur, également engagée dans le programme. La tenue des élections locales du 29 novembre 2012 et la campagne électorale qui les a précédées, ont été un excellent champ d’apprentissage pour les membres du Conseil. Ils ont rencontré les représentants des partis politiques en lice, pris connaissance des différents programmes et eu l’opportunité de faire part des attentes des jeunes de la ville. A la suite des élections Abdelghani Ouicher, le maire qui a facilité la création du Conseil, est réélu.
Puis, au mois de février, c’est au tour des jeunes d’élire leurs instances. Le Conseil consultatif des jeunes des Eucalyptus se dote d’un bureau exécutif, d’un président et d’un vice-président. L’initiative lancée par le CISP avec l’appui financier de la Commission Européenne, ne tarde pas à faire des émules. Et c’est précisément le cas de l’Association Jeunesse Plus de Draria, qui a bénéficié d’une subvention en cascade dans le cadre du renforcement des compétences des associations locales. Mohamed Amine Seghier, président de l’Association Jeunesse Plus ne cache pas sa satisfaction. «Le concept de CCJ a été une réussite aux Eucalyptus et cela nous a encouragé à reproduire cette expérience à Draria. Nous avons exposé le projet au maire, car nous estimons que l’implication des pouvoirs publics est primordiale pour la réussite de cette initiative. A court terme, l’objectif de notre Conseil consultatif sera d’encadrer les porteurs de projets et de les mettre en contact avec les élus et l’administration. Pour l’heure, nous avons sensibilisé une soixantaine de jeunes citoyens. C’est très encourageant».
Et l’engagement politique ? Khawla, Hiba, Meriem, Toufik et même Mohamed Amine ont des avis partagés sur la question. Aujourd’hui, leur priorité n’est pas d’intégrer un parti politique, mais de jouer pleinement leur rôle de citoyen.
Citations
- « J’ai fini par prendre conscience que mon statut de citoyen me permet de peser sur le devenir de ma commune. Aujourd’hui, j’ai mon mot à dire »
- « Le Conseil permet de transmettre des préoccupations locales tout en faisant des propositions pour trouver des solutions aux problématiques »
- « A court terme, l’objectif de notre Conseil consultatif sera d’encadrer les porteurs de projets et de les mettre en contact avec les élus et l’administration »
Légendes
- Les membres de l’association Jeunesse Plus et les collégiens de la ville de Draria écoutent la présentation de l’initiative pilote
- En l’espace de quelques mois, près de 250 jeunes prennent part aux différentes activités du Conseil consultatif des Jeunes (CCJ)
- Lamine Seghir Mohamed Amine, président de l’Association Jeunesse Plus
- Selma Khelif, responsable de projet au Comité international pour le développement des peuples (CISP)
- Toufik Khourtaa, membre du Conseil consultatif des jeunes (CCJ) de la commune des Eucalyptus
- Attia Meriem, membre du Conseil consultatif des jeunes (CCJ) de la commune des Eucalyptus
- Ghalem Khawla, lycéenne en classe de gestion, membre du Conseil consultatif des jeunes (CCJ) de la commune des Eucalyptus
- Hadou Hiba, membre du Conseil consultatif des jeunes (CCJ) de la commune des Eucalyptus
« Renforcement du dialogue démocratique et de la participation citoyenne des jeunes dans la gestion des politiques de développement local dans les communes d’Oran et des Eucalyptus »
https://www.facebook.com/LeConseilConsultatifDesJeunes
Dans les wilayas d’Alger et d’Oran la qualité de la participation citoyenne dans l’amélioration de la politique de décentralisation, est soutenue grâce à une meilleure définition, monitoring et mise en œuvre de projets de développement local.
Les partenaires : CISP (Comité International pour le Developpement des Peuples), Petit Lecteur, EL Manar (Eucalyptus) et en association avec l’APC des Eucalyptus.
Durée du projet: 2 ans (2012-2013)
Budget: € 131.556,84
Pour en savoir plus :
EU Neighbourhood Info Centre page thématique : jeunesse
//www.enpi-info.eu/thememed.php?subject=13
Délégation de l’Union Européenne en Algérie
//eeas.europa.eu/delegations/algeria/index_fr.htm