Fantasmes des ignorants et délires des arrogants
Il ne faut pas en vouloir aux boiteux qui vous guident, mais à ceux qui leur ont donné la possibilité de le faire!
Ce qu’il y a de bizarre chez nous, c’est que, entre autres, nous nous étonnons facilement des choses que nous avons nous-mêmes provoquées. Ceux qui ont été complices de la destruction de l’école sont les premiers à s’étonner du bas niveau qu’elle leur renvoie; ceux qui se sont tus devant les comportements anormaux dans les hôpitaux sont les premiers à s’étonner de la détérioration du secteur et, bien sûr, ceux qui ont applaudi le mariage de la politique et de l’argent hurlent avant tout le monde au scandale de cette alliance répugnante. Des personnes douteuses ont été hissées à la tête d’associations politiques, sportives ou autres et dès que l’incapacité, l’ignorance et le plus souvent, l’arrogance de ces individus sont soulignées, alors tout le monde accourt pour tirer dessus. Non, il ne faut pas en vouloir aux boiteux qui vous guident, mais à ceux qui leur ont donné la possibilité de le faire!
Dernièrement, la presse a rapporté, quelque peu étonnée, les propos de quelqu’un qui explique son éviction de la sphère sportive par le fait qu’il fût parmi ceux qui avaient appelé à un quatrième mandat de Bouteflika et qu’il ait été derrière le retour de Mustapha Berraf à la tête du COA. Ces propos sont autant stupides qu’étonnants et c’est ce qui a, à coup sûr, quelque peu irrité ceux de nos confrères qui ont relaté la chose. A vrai dire, il n’y a pas de quoi s’étonner car si, dans notre pays, n’importe qui peut, de nos jours, se targuer de faire partie de ceux qui appellent quelqu’un à se porter candidat à la présidence de la République, c’est que la politique est tombée trop bas et qu’il serait meilleur pour nous de tout revoir.
Ces appels à candidature ne sont, en fait, que le reste des réflexes de l’ex-parti unique qui, lors de ses congrès, demandait «avec insistance» à son secrétaire général de «bien vouloir se porter candidat» pour prendre les commandes du pays. Cela se passait chez nous, dans l’ex-Urss, à Cuba, en Roumanie et dans tous les pays dirigés par un parti unique. C’était un mode de sélection, comme un autre, du candidat à introniser. Un mode dont on pourra dire le mal sur des pages et dans des livres. Toutefois, il y a lieu de remarquer que même dans cette tradition archaïque, primitive, la parole n’était pas donnée à n’importe qui dans la rue pour faire cet appel mais que tout était organisé et l’appel à candidature avait lieu dans une institution légale et reconnue.
Or, aujourd’hui, que constate-t-on? Que non seulement n’importe qui peut lancer l’appel à candidature à la présidence de la République, mais que cela se fait n’importe comment. Dans un stade de football, dans une université, dans un hôpital, dans la rue, dans une festivité, à l’entrée d’un aéroport, lors d’interviews de certains ministres et même dans certaines entreprises! Qui sont donc ces individus pour se permettre de lancer ces appels? L’opposition (ou du moins beaucoup de ceux qui s’en réclament) et au lieu de critiquer le travail du pouvoir en place, non pas pour le plaisir de critiquer, mais pour aider à mieux gérer le pays, n’a pas trouvé mieux que de troquer l’esprit critique pour un silence trop douteux et parfois même complice. Aussi n’est-il pas étonnant, dans ces conditions, de voir que même certains partis de l’opposition se tuent à faire appel à candidature à la présidence de la République. Quant on sait que l’essence même d’un parti politique est de tenter d’arriver au pouvoir, on ne peut que s’étonner d’un tel comportement qui ne trouve justification ni dans la logique des choses, ni dans la déroute des hommes!
Qu’aujourd’hui un individu lambda se lève pour lancer un appel à candidature pour la présidence de la République, dans un stade de football, en principe, la justice devrait s’autosaisir pour le poursuivre pour usurpation de rôle et pour tentative de semer les troubles dans l’ordre public. Qui a chargé donc cet individu de faire cela? Aucun parti n’a la capacité juridique et morale de faire appel à d’autres qu’à ses propres candidats pour postuler à une telle charge, comment se fait-il qu’un citoyen quelconque ait pu le faire? Or, non seulement notre personnage a fait cela, mais en plus il s’en vante et avance cela comme une explication à son écartement de la sphère sportive. Lorsque le ridicule ne tue pas, c’est normal que l’on ait des comportements aussi bizarres et c’est aussi tout à fait normal que des individus quelconques fassent n’importe quoi. Par ailleurs, il semble selon certains que n’importe qui puisse être derrière l’élection du président du Comité olympique algérien. Autrement dit, M.tout-le-monde peut, selon eux, être derrière la venue et le départ d’untel ou d’un tel autre à la tête d’institutions aussi prestigieuses que le COA, la FAF, et pourquoi pas l’APN, le Sénat…? Il suffit de le vouloir pour que le tour soit joué! On ne sait plus si les fantasmes des uns sont à la mesure de leur ignorance ou si les délires des autres sont à la hauteur de leur dérapage mental, mais tout ce qu’on sait, c’est que Mustapha Berraf, qui dirigeait déjà le COA, n’a pas besoin de derviches tourneurs ni de charlatans pour revenir à la tête de cette institution, tout comme on sait que Bouteflika n’a pas besoin de ce genre d’individus pour décider ou non à se porter candidat à sa propre succession. Cependant, il est navrant qu’on ait à parler de ce genre de personnages au moment où on a mieux à faire. Parler de ces individus est une perte de temps sèche. Si les fantasmes des ignorants et les délires des arrogants arrivent à nous préoccuper, c’est que plus rien n’est à sa place et, comme on l’a déjà dit, nous devons tout revoir.