Rente pétrolière : Une bénédiction et des gâchis

Rente pétrolière : Une bénédiction et des gâchis
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Même le pouvoir politique a vite compris qu’en l’absence d’une véritable légitimité populaire, les recettes pétrolières lui procurent une source non négligeable d’argent dont il use et abuse pour acheter la paix sociale.

Le 24 février 1971 demeurera une date historique pour l’Algérie puisqu’elle avait sonné le tocsin pour le retour, dans le giron de la souveraineté nationale, des richesses pétrolières qui étaient encore entre les mains des compagnies pétrolières. Ce fut une décision profondément courageuse dans la vie de la jeune république algérienne indépendante. Par le biais de cet acte d’une grande symbolique, l’Algérie prenait, définitivement, le contrôle des gisements gaziers, pétroliers et miniers, devenus, ainsi, la propriété inaliénable de l’État algérien qui avait également décidé de s’adjuger de 51% de l’actionnariat des sociétés étrangères, dans leur quasi-majorité française, qui opéraient alors dans le Sud algérien.



Au vu des immenses réserves de pétrole et de gaz dont jouit l’Algérie, ce secteur stratégique aurait pu servir, depuis, de base de propulsion pour toute l’économie nationale et la tirer vers l’avant, en tant que source énergétique et de matières premières. N’est-ce pas que toute cette richesse qui devait faire notre bonheur fait aujourd’hui notre malheur, en ce sens que la rente qu’elle génère a fini par inhiber toute initiative visant à construire une économie solide et diversifiée ?

Même le pouvoir politique a vite compris qu’en l’absence d’une véritable légitimité populaire, les recettes provenant des exportations d’hydrocarbures lui procurent une source non négligeable d’argent dont il use et abuse pour acheter la paix sociale. Une telle approche n’est évidemment pas pour arranger les choses dans un pays où le système socialiste a achevé d’annihiler les valeurs de l’effort et l’esprit d’initiative.

LG Algérie

La crise pétrolière mondiale intervenue au milieu des années 1980 est venue rappeler à tous, gouvernants et gouvernés, que les seuls hydrocarbures ne pouvaient constituer une garantie pour une économie stable, en raison des fluctuations fréquentes et, parfois, brutales des cours internationaux du produit. L’effondrement des prix du brut dans les années 1985-86 avait, on s’en rappelle, entraîné une réduction drastique des recettes en devises, plongeant le pays dans une grave crise économique qui, à son tour, avait provoqué les sanglants événements d’octobre 1988.

La gravité de la situation était telle que le seul salut qui restait au pays c’était l’endettement extérieur. L’on connaît les effets pervers de cette politique sur l’économie nationale et la vague de déstructuration du tissu industriel et son corollaire, les dizaines de milliers de travailleurs venus grossir les rangs des chômeurs déjà trop nombreux.

Et c’est difficilement que le pays a pu relever la tête à partir du début des années 2000 grâce, encore une fois, à la providence, les cours du pétrole ayant repris une tendance haussière, notamment à partir de 2004, année à laquelle le prix du baril de pétrole avait atteint une moyenne de 40 dollars. Cette courbe ascendante n’a pas fléchi une décennie durant, permettant au pays d’engranger des centaines de milliards de dollars. Si cette manne tombée du ciel a été bénéfique pour le pays, lui permettant de lancer de grands chantiers de construction d’infrastructures et de logements, de rembourser la dette extérieure et de constituer des réserves de changes, le revers de la médaille voulait qu’on retombe, de nouveau, dans les travers de la politique populiste de distribution de la rente au point d’oublier complètement qu’une flambée des cours du pétrole ne dure jamais longtemps. L’argent, qui devait donc servir à relancer la machine économique et à doter le pays d’une industrie capable de le tirer vers le haut, a plutôt suivi des chemins détournés pour atterrir dans l’escarcelle de la politique de l’achat de la paix sociale.

La panique et l’instabilité créées dans toute la région par le vent des “Printemps arabes” en 2011 a amené le pouvoir en place à distribuer à tout-va. Mais comme l’argent c’est le nerf de la guerre, tant qu’il en a, rien ou presque ne posait problème. Jusqu’à cette brutale chute des cours mondiaux du pétrole à partir de juin 2014.

Et comme la tendance baissière s’était allongée dans le temps, affectant drastiquement les recettes en devises du pays, les autorités n’avaient d’autres choix que de commencer à puiser dans le Fonds de régulation des recettes et les réserves de changes pour compenser le déficit de la balance commerciale.

Et c’est, une nouvelle fois, à ce moment-là, que nos gouvernants se sont rendu compte que le pays était dépourvu d’une économie alternative au secteur pétrolier et que la panique gagna les hautes sphères du pouvoir, qui s’est retrouvé devant un véritable dilemme qu’il a lui-même créé : comment se maintenir au pouvoir lorsqu’on n’a rien à donner, alors qu’entre-temps, on a créé toute une meute de courtisans et d’opportunistes qui n’arrive pas à se rassasier ? S’ensuivit alors une véritable course contre la montre pour tenter de construire une économie de substitution à celle des hydrocarbures.

Une entreprise colossale qui a besoin de temps, d’argent et de confiance. C’est dire que la partie est loin d’être gagnée, tant ces trois paramètres manquent cruellement à l’appel chez un pouvoir dépourvu d’une vision stratégique de développement du pays.

H. S.