Renégociation de l’accord de pêche : Bruxelles fait marche arrière

Renégociation de l’accord de pêche : Bruxelles fait marche arrière

Le nouvel accord «respectera scrupuleusement la décision de la Cour européenne de justice…», a déclaré la ministre espagnole de l’Agriculture et de la Pêche, Isabel Garcia Tejerina.

L’Union européenne n’a apparemment pas envie de jouer avec le feu ni d’hypothéquer sa crédibilité. Elle revient à de meilleures intentions. A moins d’ambiguïtés. A plus de sagesse. L’accord de pêche qui la lie au Maroc, qui doit être renégocié, «respectera scrupuleusement la décision de la Cour européenne de justice (Cjue) qui a conclu que l’accord en question ne s’applique pas aux eaux territoriales du Sahara occidental», a déclaré, lundi dernier la ministre espagnole de l’Agriculture et de la Pêche, Isabel Garcia Tejerina lors de son arrivée à Bruxelles pour participer à une réunion avec ses homologues européens. Les négociations qui doivent être lancées à cet effet «ne portent pas sur la prorogation de l’actuel accord de pêche (qui expirera le 14 juillet 2018), mais concernent un nouvel accord qui tient compte de la décision de la Cjue» a-t-elle souligné. Les premiers sons de cloche laissaient pourtant entendre tout le contraire. La Commission européenne avait annoncé qu’il est «possible d’étendre les accords bilatéraux avec le Maroc au Sahara occidental sous certaines conditions». Le 16 avril, les Etats membres de l’Union européenne avaient donné leur feu vert pour lancer de nouvelles négociations à propos de l’accord de pêche conclu avec le Maroc tout en tenant compte de l’arrêt de la Cour de justice européenne rendu le 27 février dernier. Que stipulait-il? Il a notamment relevé que l’UE et le Maroc ont appliqué l’accord, qu’ils ont mis à exécution le 28 février 2007, au Sahara occidental sans qu’ils aient jugé utile de tenir compte du «statut séparé et distinct» du Sahara occidental qui, rappelons-le, est inscrit sur la liste de l’ONU des territoires qui restent à décoloniser. La sentence est tombée comme un couperet. «Compte tenu du fait que le territoire du Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Royaume du Maroc, les eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental ne relèvent pas de la zone de pêche marocaine visée par l’accord de pêche», avaient jugé les magistrats européens. «L’accord de pêche conclu entre l’UE et le Maroc est valide, dès lors qu’il n’est pas applicable au Sahara occidental et aux eaux adjacentes à celui-ci», avaient-ils conclu après avoir été saisis par la Haute Cour de justice britannique, suite à une plainte de l’ONG, Western Sahara Campaign (WSC), qui plaide le droit à l’autodétermination du Sahara occidental annexé par le royaume depuis 1975. La Cour de justice européenne a donc tranché. «La Cour juge donc que, compte tenu du fait que le territoire du Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Royaume du Maroc, les eaux adjacentes du territoire du Sahara occidental ne relèvent pas de la zone de pêche marocaine visée par l’accord de pêche», avait précisé le communiqué de la Cjue. «En concluant cet accord, l’Union européenne (ndlr) a violé son obligation de respecter le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination», ont souligné les juges de la Cour européenne dans leur arrêt rendu, le 27 février 2018. Le Front Polisario, qui avait vivement protesté contre l’annonce de la Commission européenne qui n’a pas exclu d’inclure les eaux territoriales sahraouies dans ses nouvelles négociations avec le Maroc, a menacé de traîner les deux «alliés» devant les tribunaux. La décision prise ce 16 avril par le Conseil de l’UE «ne laisse pas d’autre choix au Front Polisario que d’engager de nouvelles procédures judiciaires, au nom du peuple du Sahara occidental, devant les tribunaux de l’UE», avait indiqué le représentant du Front Polisario à Bruxelles, Abba Malainin.

«Toute tentative de passer outre la décision de la Cjue est une violation flagrante du droit international et de la justice européenne qui soulève de sérieuses questions quant à l’engagement de l’UE en faveur d’un règlement pacifique de la question du Sahara occidental sous les auspices des Nations unies», a ajouté la même source. Transgresser l’arrêt de la Cour de justice européenne revient à cautionner l’annexion du Sahara occidental par le Maroc. Le jeu n’en valait pas la chandelle. Bruxelles n’avait certainement pas envie de se brûler les doigts, ce qui explique sa marche arrière…

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