En toute franchise et sans détour, Khadidja Benguenna, invité du premier numéro de “Rendez vous avec la parole”, a évoqué son métier, la place de la femme dans les médias arabes, les réactions suite à son port du voile et l’ouverture du champ audiovisuel en Algérie, plus que nécessaire.
Pour le premier numéro de “Rendez-vous avec la parole”, initié par le Club de l’information culturelle de l’ONCI, la salle Atlas (Bab El-Oued) a reçu la journaliste algérienne, star de la chaîne satellitaire Al Jazeera, Khadidja Benguenna.
Lors de cette rencontre, modérée par Samir Meftah, Khadidja Benguenna a répondu, dans un premier temps aux questions que lui posaient le modérateur, avant de réagir à celles de l’assistance.
Durant plus d’une heure, elle a passé en revue l’actualité, avec l’assistance – fort nombreuse – composée essentiellement de journalistes de différents supports. Le premier point abordé sera celui de la place de la femme dans les médias, à comprendre la télévision.
À ce propos, sans retenue, elle avouera que le milieu des médias, surtout celui de la télévision, est “un milieu d’hommes”. Elle précisera qu’elle n’est pas l’ennemie de l’homme et que ce dernier n’est pas le sien. Toutefois, la réalité est là : “La femme n’est présente qu’en tant que présentatrice.” Certes, un énorme bond a été effectué, selon elle, dans ce domaine, mais ça reste “insuffisant”.
“Ce qui se pratique dans les médias arabes n’est que le reflet de la société arabe.” Et de se poser la question : “La femme dans les médias a-t-elle le pouvoir décisionnel ? Prend-elle les décisions rédactionnelles et administratives ?” Le constat est, malheureusement, négatif.
Pour étayer ce postulat, elle prendra pour exemple le nombre effarant des présentatrices télé comparé à celui des hommes.
Cet “emploi des femmes” réduit ses capacités intellectuelles, mettant plus en avant “sa plastique”, dira-t-elle avec une note de regret dans la voix. “La femme a participé dans les couvertures médiatiques des différentes guerres que ce soit en Palestine, en Irak ou lors de l’invasion israélienne au Liban ou à Gaza”, un argument qui taille en pièces, pour Khadidja Benguenna, ce regard réducteur des capacités professionnelles de la femme journaliste.
Abordant le sujet des chaînes satellitaires, Khadidja Benguenna avouera ne voir “aucun justificatif convaincant interdisant l’ouverture de chaînes satellitaires en Algérie”.
Profitant de l’occasion, elle annoncera à l’assistance que plusieurs hommes et femmes de médias algériens exerçant à l’étranger vont présenter aux autorités algériennes une demande de création d’une Fédération des hommes de l’information.
Ce qui permettra de regrouper toutes ces compétences basées hors Algérie, de les unir et pourquoi pas d’influencer pour l’ouverture de cet espace. Khadidja Benguenna a également évoqué la guerre médiatique menée par les chaînes satellitaires égyptiennes contre l’Algérie, lors de la campagne de qualification pour le Mondial 2010 en Afrique du Sud.
À ce sujet, elle a affirmé : “C’était une guerre inégale car il y avait une trentaine de chaînes satellitaires contre deux journaux seulement.” Des questions professionnelles, elle passera à celles plus personnelles, dont le port du voile. Elle réaffirmera que le port du hidjab “a été une décision purement personnelle” ; elle n’a été influencée par personne.
Elle reviendra sur les réactions qui ont suivi, en 2003, cet événement médiatique où toute la presse (occidentale, tous supports confondus) a fait “des tartines” sur cela, allant jusqu’à la traiter “d’islamiste” ou pire “d’alliée du terrorisme”.
Au point où elle a été contrainte de justifier un acte “personnel”, en accordant des interviews et de permettre des reportages sur elle. Interrogée sur son sentiment quand elle interviewe des personnalités politiques israéliennes ou pro-Israël, elle a avoué que “au départ, je refusais de le faire, mais avec le temps, j’ai compris que ce comportement n’était pas professionnel et que ce n’est pas cela qui changera mes convictions politiques.”
Concernant son éventuel retour en Algérie, elle dira que ce sera avec l’ouverture du champ audiovisuel et la création de chaînes satellitaires. Quant au choix entre son métier qui lui a permis de briller, et sa famille, elle a avoué sans détour : “Je choisis ma famille !”
Amine IDJER