C’est une réunion inédite qu’abritera Alger aujourd’hui. Les chefs de la diplomatie maghrébine y discuteront sur “les menaces qui pèsent sur la sécurité dans la région du Maghreb et la définition des grands axes de coopération dans ce domaine”. Inédite, pour plusieurs raisons.
D’abord, parce qu’elle intervient au lendemain du Printemps arabe qui a propulsé au pouvoir des gouvernements islamistes dans la région. L’Algérie, qui abrite la rencontre d’aujourd’hui, sera la seule à avoir résisté à ce vent de changement. Elle risque d’être isolée, sinon affaiblie au milieu de cette nouvelle alliance islamiste qui la cerne de toutes parts.
Mourad Medelci n’aura certainement pas de large marge de manœuvre, mais il sait que le Maghreb ne se fera jamais sans l’Algérie. Au pire des cas, il pourra faire, comme l’a déjà fait le voisin marocain, en gelant les activités de l’UMA, puisque les statuts de cette dernière le permettent.
Mais on en n’est pas encore là. C’est juste que la diplomatie algérienne aura fort à faire avec de nouvelles têtes, issues de formations islamistes et qu’il va falloir apprendre à composer avec elles.
Si avec les islamistes du Maroc, le courant passe plutôt bien, du moins officiellement, puisque les deux pays ont multiplié les rencontres et les gestes d’apaisement depuis la formation d’un gouvernement islamiste proche du palais royal, il n’en demeure pas moins que “les choses qui fâchent” sont toujours là, comme une bombe à retardement qui pourrait, à tout moment, démolir ce qui a été entrepris ces derniers mois.
N’empêche, les Algériens et les Marocains se connaissent assez bien pour ne pas s’attendre à des surprises de part et d’autre.
La Mauritanie, également, ne devrait pas poser de grands soucis à la diplomatie algérienne, sachant l’étroite coopération, notamment en matière de lutte antiterroriste entre les deux pays.
Ce qui n’est pas le cas pour la Tunisie, où le président Marzouki a du mal à s’affranchir de la mainmise d’Ennahda, lui qui a réussi à arracher l’accord de principe des leaders maghrébins pour la tenue d’un sommet de l’UMA en octobre prochain à Tabarka.
Le dernier épisode lié à l’extradition de l’ex-Premier ministre libyen aura été la goutte qui a fait déborder le vase, poussant le président tunisien à se mettre “en grève”. Incroyable mais vrai ! C’est que les prérogatives du président tunisien sont quasi nulles aux yeux d’Ennahda qui contrôle le gouvernement. Cette situation pose problème pour Alger qui ne voudrait surtout pas s’immiscer dans les affaires internes de la Tunisie, mais qui aimerait bien savoir qui du président ou du Premier ministre tunisiens prendre au sérieux. Les deux étant provisoires en attendant la promulgation de la nouvelle Constitution et l’organisation d’élections générales.
La plus grande inquiétude vient de la Libye Hasard du calendrier, la réunion d’Alger se tient au lendemain de la première élection législative libre en Libye. Laquelle a été émaillée d’incidents et surtout, ne permet pas, en l’état actuel des choses, de dire si la Libye a, enfin, tourné la page du conflit armé. Les conséquences du conflit libyen ont été grandement ressenties par ses voisins, en particulier le Mali, l’Algérie et la Tunisie.
Les Touareg, jadis soutenus par Kadhafi, sont rentrés au nord du Mali, avec armes et bagages, pour proclamer un État indépendant dans le Nord, ajoutant à la confusion générale qui y régnait, à cause de la présence de groupes terroristes, une situation inédite dont la communauté internationale reste incapable de démêler l’écheveau. Les armes libyennes sont tombées entre les mains de groupes terroristes et ce qui reste de l’arsenal de l’armée de Kadhafi n’est toujours pas répertorié, encore moins récupéré. Si l’on ajoute la prédominance des milices armées dans un pays qui n’a jamais fonctionné avec des institutions normales, l’on est en droit de s’interroger sur les capacités des autorités actuelles de Tripoli à maîtriser, dans des délais raisonnables, la situation sécuritaire interne.
Toutes ces considérations font que la rencontre d’Alger risque d’être une simple formalité, sachant que les questions de sécurité sont gérées ailleurs. Pour le cas malien, il existe le comité des pays du Champ, sans compter la communauté de l’Afrique de l’Ouest. Quant à la Libye, l’Otan et les pays qui ont pris part à la destitution de Kadhafi s’en chargent, en principe.
A. B.