Rencontre hier entre la coordination et ali benflis Le changement : discorde sur la méthode

Rencontre hier entre la coordination et ali benflis Le changement : discorde sur la méthode

Une première réunion qui en appelle d’autres en vue d’aboutir à un consensus autour de la refondation du système pour un changement démocratique dans le pays.

Qualifiée de “positive”, la rencontre ayant regroupé, hier Ali Benflis et la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique, ayant boycotté l’élection présidentielle du 17 avril, n’a pourtant pas abouti à une quelconque prise de décision. Réunis chez Ahmed Benbitour à Alger, les animateurs de la Coordination nationale (Sofiane Djillali, Ahmed Benbitour, Mohamed Douibi, Mohcine Belabès, Lakhdar Benkhelaf et Abderrezak Makri) tout autant que Benflis participant au nom du pôle des “forces du changement” qu’il a initié, n’ont fait que débattre et échanger leurs points de vue sur trois questions : la situation du pays, les solutions pour un changement démocratique ainsi que la tenue de la conférence nationale programmée par la coordination pour les 17 et 18 mai prochain.



D’emblée, il y a eu convergence autour du constat fait de la situation actuelle du pays. “Nous partageons le diagnostic fait sur la situation du pays en ce sens qu’il s’agit d’une véritable et profonde crise politique et de légitimité”, explique un membre de la coordination. De son côté, Benflis présent à la rencontre avec des membres du pôle des forces du changement (Bahbouh Noureddine, Benabdessalem Djamel, Benbaïbèche Tahar, Salhi Naïma et Younsi Djahid) a relevé que “le pays vit une crise de régime qui entre dans le cadre d’une crise politique plus large due à l’obstination du pouvoir en place à empêcher par tous les moyens l’avènement d’un changement démocratique véritable et d’une alternance politique par la voie des urnes”.

Intervenant dans un communiqué détaillant sa vision des choses, Benflis explique que “les institutions du pays sont mises au service de ce pouvoir et non à celui du peuple ; la citoyenneté est ignorée ; le choix du peuple est systématiquement détourné ; la rente et les ressources nationales sont utilisées abusivement comme instrument de domestication de la société ; les richesses nationales font l’objet d’un accaparement intolérable”.

Faisant état d’un ostracisme total de l’opposition politique, l’ancien chef du gouvernement attribue, dans le fond, la crise du régime à celle de “la légitimité”. C’est ce que soutiennent également les représentants des partis membres de la coordination. Identifiant la “fraude électorale” comme étant la seule véritable constante nationale dans le pays, les boycotteurs dénoncent le viol répétitif de la souveraineté populaire depuis l’Indépendance.

De même que selon l’ancien candidat à la présidentielle, “aucune des institutions de la République ne jouit d’une légitimité incontestable car n’émanant pas d’une volonté populaire authentique”. Les boycotteurs, ayant vilipendé le fonctionnement institutionnel, ont trouvé chez Benflis un allié de taille sur cette question au regard de sa position à ce propos : “La présidence de la République, le gouvernement de même que le Parlement n’assument plus ces missions”, note-t-il avant de soutenir que “dans ces conditions, il est permis de constater que la République n’est pas dirigée et que les affaires publiques ne sont plus gérées de manière diligente et effective”. Étant le point de départ de véritables initiatives nationales en faveur d’un changement démocratique, l’élection présidentielle du 17 avril dernier n’a pas été évacué des débats.

À ce propos, Benflis, qui a pris part à ce rendez-vous électoral, a estimé que “le scrutin présidentiel n’est, en aucune manière, capable de résoudre ou de mettre fin à la crise de légitimité dont souffrent et continueront à souffrir les institutions de l’État, en ce sens que l’abstention et la fraude, qui ont notoirement marqué ce scrutin, aggravent et exacerbent cette crise de légitimité”. De leur côté, les responsables de partis l’ayant boycotté ont considéré que “l’élection était fermée en amont”.

La transition pour les boycotteurs et le pôle pour le changement pour Benflis

La réunion d’hier a aussi mis en évidence une convergence des vues autour de la solution à la crise algérienne, mais pas sur la méthode.

En effet, les deux parties ont soutenu l’impératif retour à la légitimité populaire. Si les boycotteurs optent pour une transition démocratique, associant l’ensemble des acteurs de la scène politique, Benflis exprime une toute autre opinion.

À ses yeux, “la transition n’est pas à l’ordre du jour du pouvoir en place” en ce sens que “l’opposition n’est pas en mesure de la lui imposer à l’heure actuelle”. Estimant que “le moment n’est pas à la négociation d’une transition dont ce pouvoir ne ressent pas le besoin et dont il ne veut pas”, il fera remarquer qu’il s’inscrit, quant à lui, “dans une démarche différente : celle d’un combat politique pacifique au moyen d’une sensibilisation de nos concitoyennes et de nos concitoyens”. Dans les faits, la priorité de l’ancien candidat se définie à travers la mobilisation en faveur d’un changement démocratique. C’est dans cette optique qu’il soutiendra que “pour cette raison que j’ai décidé de créer un parti politique. J’entends y effectuer le travail en profondeur qu’exige la réconciliation de notre peuple avec la politique et pour qu’il soit lui-même la force du changement démocratique ordonnée et pacifique”.

Maintien des contacts sur les questions de l’heure

Même si les participants à la rencontre d’hier ne sont pas parvenus à prendre des décisions communes, il n’en reste pas moins qu’ils se sont accordés à maintenir le contact : “Nous avons décidé de garder le contact permanent, d’avoir des relations cordiales et de nous concerter à chaque fois que c’est nécessaire sur les questions nationales”, explique un membre de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique. Et pour exprimer l’état d’esprit “cordial et positif” qui a caractérisé les participants, il citera le projet de révision de la Constitution que “nous débattrons ensemble”, argue-t-il.

Quid de la conférence nationale des boycotteurs ? “Benflis ne s’est pas engagé à y participer”, nous dit-on. La raison ? “Il ne pouvait raisonnablement pas le faire d’entrée de jeux puisqu’il est déjà engagé dans le processus de création de son parti ainsi que de l’institution d’un pôle des forces du changement”, note un membre de la coordination, précisant l’impossibilité pour l’ancien chef de gouvernement de s’engager au nom des autres acteurs de ce pôle.

Ali Benflis, quant à lui, a exprimé sa disponibilité à demeurer toujours attentif “à votre initiative à laquelle je souhaite plein succès. Je la tiens personnellement pour une contribution importante qui s’inscrit en droite ligne dans l’objectif de refondation de notre système politique qui correspond à une large attente populaire”. En définitif, Benflis dit s’engager aux côtés de la coordination “à poursuivre ce même objectif à partir d’analyses, d’itinéraires ou de perspectives, certes, différentes, mais je n’ai aucun doute que nous agissons tous dans un même sens : celui de l’intérêt suprême de notre pays qui se confond actuellement avec le nécessaire changement démocratique”.

N. M