Le colloque organisé à Marseille, au début du mois d’avril, par l’hebdomadaire français Marianne et le quotidien arabophone El Khabar, sur le thème du 50e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, n’en finit pas de faire couler de l’encre et de la salive.
La moudjahida Zohra Drif Bitat est revenue sur cet événement pour remettre les pendules à l’heure, au cours d’une rencontre organisée avant-hier par le club des médias culturels, «Maw’id maâ el-kalima».
La salle Atlas a vécu une affluence des grands jours avec la présence d’un auditoire qui fut aussi attentif que passionné. Il faut dire que le sujet ne manque pas d’intérêt.
Au cours de cette rencontre débat, Mme Bitat a voulu transmettre et faire partager une forte conviction sur la nature de notre lutte de libération, une guerre juste et légitime.
«Cette guerre, pour nous, est terminée. Nous avons gagné notre indépendance. Nous étions tous unis autour d’un objectif et mus par un seul idéal. Si comparaison devait être faite, elle devrait l’être sur la situation du peuple algérien sous le colonialisme et sa situation, 50 ans après l’indépendance. Et alors, quel que soit le domaine, le résultat relève du totalement incomparable. En effet, comment comparer un indigène sujet à un citoyen ?» s’est-elle interrogée.
Et de poursuivre son argumentation : «Je suis fière de ce qu’a réalisé mon pays depuis 50 ans. On a des problèmes, mais on est là pour avancer. Ça dépend de nous. C’est notre combat. L’aveuglement de ceux qui veulent rogner le pied de l’histoire pour l’adapter à la chaussure de leurs intérêts ne pourra pas effacer un fait irréfragable, à savoir que la guerre de libération constitue la plus grande œuvre qu’un peuple ait produit au XXe siècle.»
Ce rappel n’est pas gratuit, indique la militante de la cause nationale. Elle met en garde et insiste sur un devoir de vigilance, car il se développe, depuis une dizaine d’années, un courant qui tente de délégitimer toute lutte de libération nationale en délégitimant notre guerre d’indépendance.
Zohra Drif Bitat en dévoile les procédés qui sont utilisés et qui sont basés sur un postulat non dit, à savoir l’établissement d’une symétrie insupportable et infamante entre le colonisé, d’une part, et le colonisateur, d’autre part. «Ce courant trouve des moyens pour justifier des politiques et des positions en relation avec des intérêts qui agitent le monde aujourd’hui. Cette symétrie, relevant du pur révisionnisme entre agresseur et agressé, occupé et occupant, peut autoriser ce courant à se pointer aujourd’hui pour exiger des excuses et, pourquoi pas demain, des réparations.
Ce procédé ne peut tenir qu’a la condition d’occulter totalement la nature du système colonial et les méthodes politiques utilisées par la France pour occuper l’Algérie et l’annexer en perpétrant des génocides, massacres, dépossessions forcées, apartheid du Code de l’indigénat, dépersonnalisation, acculturation… »
«Je sais que la symétrie est fausse, injuste, et constitue une manière de continuer le système colonial autrement. Au moins, sur le plan intellectuel, ce qui n’est pas peu», observe-t-elle.
Elle plaide pour une mobilisation contre cette logique insidieuse et sournoise, et pour continuer la libération autrement, par le biais d’un mouvement de pensée et d’actions civiques citoyennes afin de défendre la vérité sur la lutte héroïque de notre peuple pour son indépendance. «Il faut s’organiser et se mobiliser pour être fidèles et dignes de Didouche Mourad qui nous a demandé : « Si nous venons à mourir, défendez notre mémoire ».»
Concernant sa confrontation avec Bernard Henri Levy, qui a polarisé l’essentiel des débats, Zohra Drif Bitat a relevé de la haine chez ce philosophe qui a attaqué les chouhada, les combattants algériens et injurié tout un peuple. Mais en qualité de quoi ? s’est-elle interrogée, en rappelant aux organisateurs du colloque de Marseille, un devoir d’éthique, de moral et de déontologie face à un prêcheur de la haine qui a monopolisé le débat pour le dénaturer et le soumettre à ses propres obsessions.
«L’Occident affiche une nouvelle ambition à vouloir recoloniser ses anciennes « possessions », mais sous d’autres prétextes. On assiste à une répétition de l’histoire. Faisons de telle sorte que notre indépendance soit indéracinable.»
Elle s’est saisie de l’occasion pour plaider en faveur d’une stratégie de riposte de la part de nos intellectuels. Ce à quoi a répondu favorablement et illico presto l’assistance en faisant écho à cette initiative.
Slimane Hachi, préhistorien, a pris la parole pour abonder dans le même sens que la moudjahida, en stigmatisant le révisionnisme qui s’orchestre subrepticement, et activer, autant que faire se peut et de toute urgence, ce courant et œuvrer en commun pour lui barrer la route.
M. Bouraib