«Il n’y aura pas de production de véhicules destinés à l’exportation, ce qui signifie que les voitures fabriquées uniquement pour le marché local seront d’une qualité médiocre et non conformes aux normes internationales. Impossible qu’elles soient autorisées à la vente dans d’autres pays.»
C’ est là l’avis de plusieurs experts consultés qui veulent anticiper sur un scandale, un autre crime contre l’économie nationale.
Un ingénieur algérien spécialisé dans la métrologie (science de la mesure) et ayant eu à se pencher sur les équilibres mécaniques dans l’industrie automobile renchérit : «Il est impossible que Renault accepte facilement la sous-traitance algérienne et, si elle y était contrainte par une résistance un peu plus patriotique de la part de nos négociateurs, la firme automobile française s’arrangerait pour porter à sa guise les exigences techniques à un niveau irréaliste.
Pour en finir avec les ambitions algériennes. En exigeant, par exemple, l’introduction de matériaux carboniques ou d’alliages particulièrement complexes.»
Voilà comment le constructeur Renault impose le recours à son propre marché en matière d’équipements – qu’il sera ardu de contrôler pour l’expertise algérienne – et comment Renault se permet de jouer sur la qualité pour réduire le coût et en même temps moduler la conformité afin d’empêcher toute exportation du produit algérien.
Une méthode machiavélique déjà expérimentée sous d’autres cieux. Le cas de la Clio Symbol fabriquée dans les usines en Turquie risque de provoquer une révolte parmi les gens qui ont acquis ce véhicule.
Selon M. Lorin, un ressortissant roumain que nous avons interrogé, «la Symbol est difficilement contrôlable à partir d’une certaine vitesse ». D’ailleurs, il nous indique qu’elle est surnommée par des étrangers «feuille de papier». En Algérie, les incidents, notamment les dérapages fréquents de ce modèle, sont importants au point qu’une association s’apprête à voir le jour avec comme objectif de dénoncer la «non-conformité» de ce véhicule.
Il convient de bien noter que pour réduire les risques d’accidents, certains propriétaires de la Symbol placent des sacs de ciment de 50 kg à l’arrière pour la stabiliser. Parallèlement à ces aspects techniques, portant atteinte à la sécurité des personnes, avec une responsabilité criminelle sous-jacente chez les décideurs des orientations commerciales du géant français de l’automobile, un autre grief est à retenir contre les négociateurs des deux bords : le truchement d’une manoeuvre géostratégique sournoise.
Renault fait de la politique En effet, personne ne comprend le refus français d’implanter l’usine dans la région de Bellara à Jijel, à l’est du pays, tandis que le port de Djendjen promet de jouer un rôle majeur pour l’apport externe et le cabotage, en plus du réseau routier en plein essor comme en atteste le tronçon régional de l’autoroute Est-Ouest qui traverse le pays.
Qu’est-ce qui a donc motivé chez Carlos Ghosn, le charismatique patron de Renault, un autre choix de localisation à l’ouest du pays, alors que ses conseillers lui auraient présenté un rapport favorable à la proposition algérienne du site de Bellara ?
Il semblerait qu’on l’ait fait changer d’avis dans la perspective de rapprocher l’usine du royaume chérifien pour en importer l’équipement israélo-marocain prévu pour la fabrication du véhicule Renault algérien de qualité douteuse. Le site situé dans la localité d’Oued Tlélat, à quelque 30 kilomètres d’Oran, a été choisi pour l’implantation du complexe industriel. Les autorités algériennes ont donné leur accord, apparemment sans aucune condition.
Pourtant, ce forcing dans le choix spatial de la part des Français laisse penser qu’une idée géniale se cache dans la boîte à gants de nos partenaires : pour acheminer les équipements qui feront défaut dans notre production – en raison d’un renoncement algérien à la soustraitance (voir édition de jeudi dernier) -, on ne pourra penser qu’à une flotte de camions au carburant algérien bon marché, en provenance de Tanger et de ses environs, quelques heures de voyage profitant de l’autoroute réalisée par l’Algérie.
Ce qui impliquera l’ouverture incontournable de nos frontières terrestres avec le Maroc pour raison d’Etat. On ne pourrait quand même pas laisser les lignes de production à l’arrêt et des milliers de personnes au chômage technique ! Beau tour de passe-passe politico-industriel français au lieu d’une repentance attendue après 130 ans de colonialisme féroce.
Décidément, la France a du mal à bien se comporter en Algérie, malgré le «grand discours» promis pour la visite prochaine de François Hollande. Malgré la bonne volonté algérienne pour un apaisement dans les relations. Faudra-t-il qu’un autre pays vienne implanter des usines automobiles sans se mêler de nos frontières ni saboter la fiabilité du produit algérien ? On dit que des négociations avec d’autres constructeurs sont en cours.