La prégnance de la culture rentière risque de provoquer une remise en cause du discours sur la crise du système économique algérien et replonger le pays dans l’engrenage mortel du «moindre effort».
Selon certains experts, le pétrole atteindra les 70 dollars d’ici fin 2016. Pas très évident, puisque c’est une prévision qui peut être démentie par les soubresauts du secteur. Néanmoins, des éléments concrets font déjà état d’un rebond majeur des prix.
Les bas niveaux connus jusque-là, à savoir entre 20 et 30 dollars, font déjà partie du passé.
Le prix du brut en Bourse frôle le seuil des 50 dollars. Depuis le 9 mai 2016, où il coûtait un peu plus de 43 dollars, les prix du WTI et du Brent ont augmenté de 5 à 6 dollars. En clôture de la Bourse le 17 mai 2016, le WTI s’est établi à 48,45 dollars, le Brent à 49,35 dollars. Goldman Sachs, l’une des banques internationales les plus actives sur le marché des matières premières, jugeait encore récemment possible une chute du prix du baril sous 20 dollars en raison de la persistance d’une offre excédentaire.
Mais lundi dernier, il a estimé que le baril de brut léger américain (West Texas Intermediate,) pourrait remonter à 50 dollars au second semestre de cette année. Toutefois, cette hausse du cours des prix du pétrole qui doit faire frotter les mains des producteurs, n’est pas perçue de la même manière par tout le monde.
En effet, dans des économies monoproductives et qui, au fil du temps, se sont structurées autour de la rente, ce qui les rend fragiles et dépressives, à chaque fois qu’il y a baisse des prix, une nécessité structurelle d’aller vers une diversification, salutaire à terme, s’impose.
En Algérie, ce scénario a été expérimenté à plusieurs reprises. Depuis la fin des années 1970, à chaque fois que les prix des hydrocarbures baissent le gouvernement retrousse les manches et commence à réfléchir à des alternatives, et dès qu’ils remontent, il abandonne tout et se met à chercher des prétextes pour justifier le statu quo. De Mohamed Benahmed Abdelghani, en passant par Abdelhamid Brahimi et Kasdi Merbah, jusqu’à Mouloud Hamrouche, Belaïd Abdesslam, Ahmed Benbitour, Abdelaziz Belkhadem et Ouyahia, la dialectique du sous-développement n’a jamais cessé de fonctionner.
Abdelmalek Sellal, Premier ministre depuis septembre 2012, est venu avec un style nouveau et décontracté. Ce style tombait à pic puisqu’une crise politique entraînée par «le Printemps arabe» venait de surgir avant de s’accoupler à une crise économique induite par la chute brutale des prix du pétrole.
Dés le début, malgré cette double crise, il s’est fait coller l’étiquette de «bosseur». Concrètement, seules des réalisations de routine ont été faites et les grands chantiers, notamment l’élargissement de la base sociale du système à travers une démocratisation effective et une diversification durable de l’économie, sont toujours au stade embryonnaire.
La crise, en multipliant ses effets, à réussi à créer un état de panique au sein du pouvoir à tel point que, même le directeur de cabinet du président, habituellement rassurant et serein, a crié au péril et recommandé de serrer la ceinture et d’être vigilant.
De plus, une batterie de mesures, jugées trop libérales par les milieux conservateurs, ont été prises, notamment dans le cadre de la LFC 2016 et bien d’autres, encore plus libérales, annoncées pour les prochaines semaines: suppression du Conseil national d’investissement, réforme du système fiscal, réforme du Code du travail, ouverture de tous les secteurs à l’investissement privé, création d’une banque d’investissement, réforme d’Algex pour booster les exportations, création d’un port international à Cherchell, révision de l’Accord d’association avec l’Union européenne, etc.
Néanmoins, la remontée déjà en cours des prix du pétrole dans le marché mondial risque de réveiller les vieux réflexes rentiers chez le Premier ministre et son équipe, et remettre, encore une fois, les réformes annoncées aux calendes grecques.
Cette crainte, motivée par les ajournements enregistrés à maintes reprises par le passé, est d’autant plus légitime puisque le personnel en charge des affaires publiques à présent est le même que celui qui a toujours trouvé les «bons arguments» pour chanter les vertus du statu quo. «Le réflexe rentier est un des fondamentaux du système politico-économique algérien. Ce réflexe maintient notre économie dans un état d’inertie depuis plusieurs décennies.
La baisse des prix du pétrole finira par imposer des réformes structurelles profondes en rupture avec le système populiste en place.
La remontée des cours du pétrole va reconduire l’inertie parce que l’économie a toujours été presque comme une ressource politique dans la compétition pour le pouvoir», prévoit Samir Bellal, économiste et spécialiste des questions de régulation.
Les prévisions de Samir Bellal seront-elles démenties si jamais les prix du pétrole venaient à augmenter, conformément aux prévisions des experts? Sellal passera-t-il à la postérité comme étant le père des réformes de la deuxième génération, après Mouloud Hamrouche? C’est souhaitable, mais….