Remarquable flambée de l’Euro,Le dangereux lobby de Port-Saïd

Remarquable flambée de l’Euro,Le dangereux lobby de Port-Saïd

«Le square Port-Saïd est le grenier des importateurs en quête des grosses sommes de devises»

Hier, 100 euros ont été échangés contre 14.900 dinars. Un record jamais atteint. Il y a à peine une semaine, 1 euro s’échangeait entre 142 et 143 dinars.

Au square Port-Saïd, fief du change «au noir», communément appelé «square exchange», les cambistes jubilent. C’est la saison des bonnes affaires. Hier, 100 euros ont été échangés contre 14.900 dinars. Un record jamais atteint. Il y a à peine une semaine, 1 euro s’échangeait entre 142 et 143 dinars. Pourquoi une pareille flambée alors qu’on est ni proche de la saison estivale et encore moins de celle du pèlerinage? «Il y a plusieurs facteurs ayant donné des ailes au marché des devises, dont les départs à l’étranger de nombreux nationaux pour des raisons touristiques ou de business», explique un cambistes habitué du square Port-Saïd. Il ajoute sûr de lui que «le square Port-Saïd est le grenier des importateurs en quête des grosses sommes de devises. Mais aussi pour les étrangers de passage ou en poste de travail en Algérie». Le flux des importateurs constitue donc un véritable lobby capable de stabiliser ou déstabiliser, à sa guise, le cours du change informel des devises. De simples vendeurs, ils se sont transformés en de véritables lobbys capables de menacer la stabilité du pays, voire même influencer des décisions du gouvernement. A ce sujet, des sources anonymes avouent que des importateurs paient leurs avances à leurs fournisseurs en Turquie et en Chine ou ailleurs avec des devises achetées au marché parallèle, car avec le système de la lettre de crédit, ils ne peuvent plus verser par transfert libre les 30% d’avance habituels à leur fournisseur.

Et pour se faciliter la tâche et fuir ces contraintes, les importateurs se rabattent sur les marchés informels des devises, soutiennent encore les mêmes sources, avant d’ajouter que désormais, cette pratique s’est accentuée ces dernières années. Tandis qu’un banquier indique, pour sa part, que l’instauration du crédit documentaire (Credoc) obligatoire dans tout paiement d’une importation, a conduit vers le marché parallèle une partie des opérations financières des acteurs du commerce extérieur, industriels et importateurs. Et quoique cette activité est illégale et interdite par les lois de la République, les cambistes et même les clients ne se soucient jamais de la présence des éléments des services de sécurité. C’est une activité, paraît-il, normalisée et banalisée. Aussi, faut-il le signaler, sur les lieux du change parallèle, aucune agression n’est signalée à ce jour. Des forces obscures veillent, dit-on, au grain. C’est dire que la question dépasse de très loin le client occasionnel en quête de quelques billets de dollars ou d’euros pour les besoins de son voyage. «Nous sommes dans une autre phase, ce sont de gros poissons» soutient un jeune «revendeur» spécialisé dans les dollars américains et canadiens et de poursuivre, sûr de lui: «Ici, la monnaie européenne, le dollar américain et canadien se vendent comme des petits pains.» Les clients viennent de tous les horizons. La demande est très forte de la part des clients à la recherche de grandes sommes. «La plupart des grandes sommes nous viennent de l’intérieur du pays» confie encore ce cambiste. Elles viennent des wilayas de l’intérieur du pays et en l’occurrence, des régions à forte composante d’émigrés. Ainsi, des liasses de billets de 1000 dinars, des billets d’euros et des billets verts entre les mains, des jeunes monnayeurs racollent les passants, scrutant les visages pour détecter le client potentiel. Ils n’hésitent pas à proposer leur service presque à la criée: «Euro, euro», font-ils entendre à la ronde.