Le 23 décembre 2014, Abdelaziz Bouteflika présidait, dans ses bureaux à Zeralda, une importante réunion d’urgence consacrée à l’examen de la nouvelle situation induite par la brutale chute des prix des hydrocarbures. Ce jour-là, et devant les principaux responsables du pays, il confirmera, de vive voix, ce que tout le monde, autour de la table et même ailleurs, savait déjà : le remaniement et le réaménagement du gouvernement.
«Il faut savoir que je vais bientôt procéder à un remaniement du gouvernement et je vais même regrouper certains départements ministériels», lançait Bouteflika à ses interlocuteurs, comme nous le confiait une source sûre.
Mieux, bien avant cette réunion, le Premier ministre Abdelmalek Sellal avait été chargé d’établir une liste, contenant ses propres propositions pour ledit remaniement. Ce qu’il fera à la mi-décembre dernier lorsqu’il adressera, à l’intention de Bouteflika, «sa» liste. Il était question, faut-il le rappeler, d’un remaniement en deux temps.
En premier lieu donc, un remaniement de taille moyenne et qui devait concerner des secteurs comme l’énergie, les sports, l’agriculture, l’environnement, le tourisme, la culture, les ressources en eau. En gros, et selon plusieurs sources concordantes, c’était la liste de Sellal établie en accord avec Bouteflika.

Tout le monde, à tous les niveaux, attendait l’annonce officielle. A la mi-janvier, c’était même entendu, ce n’était plus qu’une question de temps au point où Sellal demandait à ses ministres de ne pas quitter Alger «jusqu’à nouvel ordre» et que Bouteflika désignera, non pas le ministre des Sports, Mohamed Tahmi, mais celui de la Jeunesse, Abdelkader Khomri, pour représenter l’Algérie lors de la cérémonie officielle d’ouverture de la Coupe d’Afrique des nations de football, le 17 janvier dernier en Guinée équatoriale.
Dans tous les cabinets ministériels, au sein des principaux états-majors politiques du pays et dans les rédactions, quiconque pouvait vous citer tous les noms des ministres partants et du nouvel organigramme prévu pour le gouvernement Sellal.
Ainsi, à titre d’exemple, Khomri devait être désigné ministre de la Jeunesse et des Sports, deux secteurs qui devaient être «recouplés» comme ils l’ont toujours été avant mai 2014, Sid Ahmed Ferrouhki désigné à la tête d’un grand ministère regroupant l’agriculture, la pêche et les ressources aquatiques, Abdesselam Bouchouareb à la tête d’un grand ministère de l’Industrie, de l’Energie et des Mines et bien d’autres regroupements du genre. Il était également question de certaines permutations entre actuels ministres du gouvernement ainsi que de retours d’anciens ministres.
Le porte-parole «officieux» de la présidence qu’est devenu Amar Saâdani avait même annoncé pour «très proche» ce remaniement, à la mi-janvier. Mais voilà que, un mois plus tard, toujours rien ! Début février, Abdelmalek Sellal, en marge de la cérémonie de clôture de la session d’automne du Parlement, déclarera que le remaniement de l’exécutif n’était pas à l’ordre du jour ! En fait, tout est reporté pour après la révision de la Constitution. Mais alors, qu’est-ce qui a motivé cet inattendu report ? La nouvelle conjoncture induite par la chute des prix du pétrole ? La situation dans le Sud ? Vraisemblablement, ni l’un, ni l’autre.
A en croire une source bien informée, cet ajournement du remaniement s’explique par le nouvel organigramme concernant le ministère de la Défense nationale. «Il est question de revenir à l’ancien schéma d’avant septembre 2013, à savoir le non-cumul entre les fonctions de chef d’état-major et celle de membre du gouvernement.»
Depuis septembre 2013 et le retour de Abdelaziz Bouteflika d’une longue hospitalisation à Paris, le 16 juillet, le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, jusque-là chef d’état-major, avait été promu, en plus de cette lourde fonction, vice-ministre de la Défense nationale en remplacement du général major Abdelmalek Guenaïzia. Il cumule, depuis, entre le politique et l’opérationnel. Une situation inédite en somme qui répondait à une situation d’exception, à savoir, pour l’époque, la préparation d’un quatrième mandat dans les conditions que l’on sait.
Pour s’épargner «toute mauvaise surprise», Bouteflika avait commencé son projet ahurissant, son coup de force en fait pour se maintenir au pouvoir, par cette mainmise totale sur l’institution militaire, la seule force en réalité qui pouvait faire contrepoids à l’institution présidentielle.
Le 17 avril ayant eu lieu, le contexte qui avait nécessité ce cumul n’est plus, lui aussi ! «Il est dès lors question d’un retour à la normale avec la désignation d’un chef d’état-major qui ne s’occupera que de l’opérationnel tandis que l’actuel vice-ministre de la Défense s’occupera, lui, de ses missions dans le gouvernement», nous confie-t-on.
Et d’ores et déjà, des noms sont avancés comme éventuels chefs d’état-major. Ceux qui reviennent le plus sont l’actuel chef de la 1re Région militaire, son homologue de la 4e Région et le commandant des forces terrestes.
K. A.