Relations Algérie-France: aller de l’avant sera délicat, selon des experts

Relations Algérie-France: aller de l’avant sera délicat, selon des experts
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PARIS, 13 déc 2012 – Alger et Paris font montre d’une volonté commune d’aller de l’avant dans leurs relations délicates, sans occulter le passé, mais l’exercice ne sera pas aisé, jugent des experts à quelques jours d’une visite en Algérie du président François Hollande.

Evoquant ce déplacement (19-20 décembre), François Hollande a émis le souhait de se « tourner résolument vers l’avenir« , et Abdelaziz Bouteflika, son homologue algérien, celui d’une « nouvelle étape » dans les relations.

« Aujourd’hui, clairement, il y a une tentative de décrispation« , résume Khadija Mohsen-Finan, enseignante à l’Université Paris 1. A preuve, souligne-t-elle, le geste cet automne du président socialiste qui a reconnu la « sanglante répression » d’Algériens tués alors qu’ils manifestaient pacifiquement contre l’instauration du couvre-feu le 17 octobre 1961 à Paris.

La réussite des futures relations n’est toutefois pas acquise d’avance et les deux pays pourraient être contraints à des concessions.

Paris, qui souhaite principalement obtenir l’appui de l’Algérie à une intervention internationale dans le nord du Mali, est attendu du côté algérien dans le domaine de l’immigration.

LG Algérie

Après deux ans de négociations infructueuses, la France a annoncé cette semaine avoir renoncé à amender un accord bilatéral de 1968 organisant l’entrée et le séjour des Algériens en France. Alger refusait d’être aligné sur le droit commun et perdre ainsi des privilèges contenus dans un accord datant de 1968.

« La manière de dire les choses »

Une autre difficulté dans la marche en avant sera pour la France de trouver les mots justes face aux attentes de la jeunesse algérienne, tout en ménageant un pouvoir vieillissant.

Lors de son séjour, François Hollande a prévu de faire un discours à l’université de Tlemcen.

Un exercice à aborder avec prudence, en prenant garde à ne pas froisser le régime sans pour autant légitimer toutes ses actions, note un diplomate sous couvert de l’anonymat. « Il nous faut être prudent parce qu’un jour, la jeunesse pourrait nous reprocher de ne pas avoir vu ce qu’il fallait voir« , ajoute-t-il.

Pour Kader Abderrahim, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques, « le régime algérien a longtemps joué la carte patriotique mais le système a trouvé ses limites: les jeunes ne sont plus dupes de ce discours. Ils veulent que l’on parle des vrais sujets, des sujets sociaux« .

Khadija Mohsen-Finan n’exclut pas des risques de crispation.

« Cela va dépendre des acteurs, de la manière de dire les choses, dit-elle. On voit bien qu’il y a un embarras, côté français. Il y a toujours des aspects très imprévisibles avec les Algériens. Il ne faut pas parler du printemps arabe, du Maroc, d’Israël. Il y a beaucoup de sujets qu’il ne faut pas évoquer pour ne pas les fâcher« .

Pour l’historien Benjamin Stora, les enjeux aujourd’hui, économiques mais aussi culturels, sécuritaires avec la crise au Mali, démographiques avec la question des flux migratoires, « sont tellement énormes entre la France et l’Algérie que la question mémorielle ne peut pas tout entraver« .

En écho à M. Bouteflika qui souhaite « construire un partenariat gagnant-gagnant« , le ministre français du Redressement productif Arnaud Montebourg a évoqué il y a quelques semaines un « pacte de co-production« .

La présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Elisabeth Guigou, qui sera du voyage présidentiel, parle de son côté de « transferts de technologie, de formation de cadres, de mobilité des étudiants« .

« Français et Algériens pourraient co-produire, par exemple, des voitures avec l’usine Renault qui va ouvrir ses portes à côté d’Oran et produire 75.000 voitures par an. Il y a aussi des projets de téléphonie mobile, de fibre optique, de modernisation postale« , détaille Mme Mohsen-Finan.