L’expert en économie, Mohamed Bouchakour, a indiqué, aujourd’hui à Alger, que seul un dialogue social global, authentique et permanent peut extirper le pays de la politique de partage de la rente et permettre l’élaboration d’un nouveau contrat social.
La question du dialogue public-privé en Algérie a été, aujourd’hui, au cœur d’une conférence débat, organisée par le Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (Care) à l’hôtel Sofitel à Alger et animée par Mohamed Bouchakour, expert en économie.
Ce docteur d’Etat en sciences de gestion a souligné qu’il est temps d’opter pour un vrai dialogue entre les pouvoirs publics et l’agora (patronat et travailleurs). Il a estimé que la persistance dans « le pseudo dialogue autour du partage de la rente des hydrocarbures mènera à terme à une situation où l’Algérie plongera inéluctablement dans le groupe PMA (pays les moins avancés), ceci compte tenu de la structure et de la dynamique de ses grands agrégats socio-économiques et macro-financiers ».
Dans le même cadre, il a qualifié la tripartite de «cadre réducteur et imparfait», estimant que ce n’est pas toutes les parties de la société et du patronat qui sont représentés. Pour lui, le CNES est «une institution échouée» puisqu’elle n’a pas apporté les résultats escomptés. Pour ce qui est du patronat, il a souligné la nécessité de «fabriquer un véritable patronat» du moment que «la quasi-totalité des entreprises algériennes sont des TPE».
Le conférencier a noté que le non-dialogue a des conséquences néfastes. Il a cité entre autres le manque d’appropriation par les parties prenantes, la prise de décisions non précises et décalées par rapport à la réalité, parce qu’elles n’ont pas été concertées, et la renonciation à une expertise. Dans le même sens, il a fait part des résultats d’une enquête, qui a lui même faite, en étant en relation avec les pouvoirs publics et avec l’environnement entrepreneurial. Des résultats qu’il a résumés en «deux monologues opposés», à savoir «tout va bien ou presque» chez les pouvoirs publics et «quasiment tout va mal» chez l’agora (patronat, travailleurs).
Bouchakour a indiqué que seul un dialogue social global, authentique et permanent peut extirper le pays de cette descente aux enfers et permettre la constriction d’un nouveau contrat social. Selon lui, il faut commencer à dialoguer non pas sur les problèmes de fond, mais «dialoguer sur le dialogue» qui va permettre d’avancer les idées et les intentions des uns et des autres, le cas de l’initiative d’aujourd’hui du Care.
Pour Bouchakour, des pistes existent si l’on se tourne vers les expériences des pays en développement qui, au cours de ces dernières décennies ont pu assurer un certain «décollage économique» sur des bases non tributaires des rentes. Il a noté que trois générations de pays dits émergents ont réussi ce pari depuis la fin des années 1970. Toutes les trois ont initié des dialogues sociaux fédérateurs. Le paradigme de base n’est plus comment, par la distribution ou la redistribution de la rente, assurer les allégeances politiques et la paix sociale, mais comment faire converger des politiques publiques et réformes structurelles avec des dynamiques socio-économiques et institutionnelles, dont la finalité est de créer de la valeur, la répartir équitablement et assurer l’émergence du pays, a-t-il précisé. Pour peu que la volonté d’adopter ce paradigme existe, le reste est relativement simple. «Il suffit d’adopter les règles de l’art du dialogue public privé et celles-ci sont largement connues», a-t-il, en outre, préconisé.
Si pour le conférencier le lancement du dialogue public-privé resitue ce dernier dans le cadre plus large du dialogue social, les intervenants lors du débat, ont estimé que ce dialogue doit être également politique et économique, estimant que la volonté des pouvoirs publics d’apporter un changement doit être suivie par l’action sur le terrain.
Lahcene Brahmi