Depuis la crise mondiale de 2008, le gouvernement a tourné le dos à la privatisation qu’on disait unique remède à un outil de production menacé. Mais qu’a-t-on fait ensuite ?
L e secteur industriel algérien s’enfonce dans des résultats médiocres, malgré les budgets alloués à son sauvetage, à cause notamment de l’absence d’une culture qui favorise l’esprit d’entreprise et de politiques nationales cohérentes qui guident le processus de développement industriel.
Ces deux facteurs continuent d’avoir un effet dissuasif sur le développement du secteur industriel. Cependant, cette performance décevante provient d’une variété de facteurs qui comprennent aussi l’échec des processus de privatisation.
On n’en parle plus, en effet, depuis le départ du trio libéral Temmar, Khelil et Benachenhou, lesquels étaient pourtant à deux doigts de réussir à faire basculer le pays dans l’ouverture libérale tous azimuts. Car depuis, les autorités se sont engagées à réduire la privatisation et à consacrer le contrôle de l’Etat sur l’économie, avec ce point culminant qui représente la cible première des libéraux, la LFC 2009 et que Ahmed Ouyahia pourra longtemps brandir dans son CV. Pour rester dans le dossier de la privatisation, celle-ci a connu des résultats mitigés et différents selon les filières.
On a enregistré, en effet, un succès considérable dans la privatisation et la liquidation des petites entreprises publiques locales (EPL), mais peu de résultats jusqu’à présent en ce qui concerne la vente effective et le transfert de propriété des grandes entreprises à l’échelle nationale.
Comme de nombreuses études soutiennent, à juste titre, la privatisation des entreprises a échoué parce que les EPE n’ont pas bénéficié de la restructuration stratégique en amont, période de discours creux lors de laquelle « la mise à niveau » n’était qu’une pilule servant à mieux faire accepter des ouvertures risquées comme la signature de l’Accord d’association avec l’UE ou la relance du processus d’adhésion à l’OMC.
Beaucoup d’économistes observent alors, sur la base des données officielles, que le tissu industriel algérien pouvait tenir le choc. Or, on voit bien avec le gel inavoué de l’Accord d’association et le retard dans l’adhésion à l’OMC, qu’il n’en est rien. De plus, la privatisation n’a pas été supervisée par des institutions efficaces qui devaient l’orienter dans le cadre d’une politique industrielle prédéfinie.
Aujourd’hui, après avoir fait la moitié du chemin, vers la libéralisation pour attirer les IDE, les autorités ont rebroussé chemin et, sans aller complètement vers un étatisme assumé, le marché algérien a été poussé par la crise financière mondiale vers l’instabilité juridique. Certes, la privatisation ne pouvait réussir avec la crise économique mondiale, mais c’est bien là que l’on ressent le chaînon manquant entre un boom des recettes en hydrocarbures et la difficulté à diversifier l’économie et échapper à la dépendance aux exportations en pétrole en en gaz. Ce chaînon manquant, ce sont des opérateurs à même de tirer l’industrie algérienne.
Depuis 2008, correspondant plus ou moins à cette jonction entre éclatement de la crise mondiale et abandon de la privatisation, le gouvernement est revenu au soutien des entreprises publiques qui éprouvent des difficultés financières en annulant leur dette et par l’octroi de crédits d’investissement et l’assistance technique.
Dans la foulée, rien n’a été fait pour créer un cadre institutionnel adéquat pour le développement du secteur privé. En 2005, soit il y a 10 ans déjà, un rapport de la Banque mondiale tire la conclusion que le cadre institutionnel de l’Algérie peut être décrit comme « sous-développé » par rapport aux pays voisins. On note que « les études sur le développement relatif du secteur privé ont mis en évidence que le cadre juridique est toujours caractérisée par des insuffisances partielles dans les normes et réglementations applicables aux entreprises ».
Ces normes sont relatives à la création et le fonctionnement commercial des entreprises, aux règles de concurrence et des règles de transparence dans les transactions commerciales, aux garanties, aux droits de propriété et aux règles régissant la faillite et la liquidation. Sur la base de ce cadre, la création d’entreprise en Algérie reste un processus long, bureaucratique, et souvent difficile, contrairement à d’autres pays voisins et pays à revenu intermédiaire. Il est clair que l’Algérie est mal classée dans la Banque mondiale Doing Business ainsi que dans toutes les catégories.
Le coût de création d’une entreprise est élevé en raison du grand nombre de procédures et la longueur de temps qu’il faut pour démarrer une entreprise. Le temps nécessaire pour traiter à la fois, les exportations et les importations est long, en dépit de la mise en place d’un processus constant de modernisation de l’administration des Douanes. L’obligation d’utiliser le crédit documentaire pour financer les importations est coûteux pour les entreprises et, s’il est justifié au regard des autorités, rien n’est fait pour amortir ses conséquences sur l’activité des entreprises.
De même, l’accès au financement est considéré comme l’un des principaux obstacles pour les entreprises qui veulent produire et exporter, et semble particulièrement affecter les très petites entreprises dont les bilans sont limitées. Par conséquent, l’attractivité de l’environnement d’investissement est réduite par les lois commerciales et les mesures, surtout parce que celles-ci, bien que souvent justifiées, ont été imposées brutalement et sans consultation avec la communauté des affaires. Cela contribue à un sentiment d’imprévisibilité de faire des affaires – en particulier l’investissement – en Algérie. D’où le fait que l’industrie n’arrive pas à dépasser le plafond de 5 % de contribution au PIB.
N. B.