A chaque fois qu’elle fait un pas dans son projet de mise en place d’une école intelligente, Nouria Benghebrit fait face à une salve de critiques de la part des conservateurs.
Depuis qu’elle est à la tête de l’Education nationale, Nouria Benghebrit n’arrête pas de provoquer des vagues dans les milieux conservateurs. Par-ci les islamistes, par-là les baâthistes, elle est prise dans un véritable étau qui se resserre chaque jour un peu plus. En effet, après les islamistes qui ont mobilisé leurs ouailles, y compris dans les mosquées pour dénoncer l’idée de l’introduction des langues maternelles, notamment l’arabe dialectal, dans le système éducatif, c’est le tour des syndicats, habituellement corporatistes à souhait, de crier au scandale.
En effet, le secrétaire général de l Union nationale des personnels de l’ éducation et de la formation (Unpef) s’est fendu d’un discours incendiaire à l’endroit de la ministre de l’Education nationale qu’il accuse de nourrir des conflits idéologiques à même de mettre l’Ecole algérienne en danger. Selon Sadek Dziri, «l’Unpef refuse catégoriquement que l’école soit sujette à des conflits idéologiques».
«Nous refusons de retourner aux années 1970 où des conflits ont été fabriqués de toutes pièces et qui sont dépassés par le temps», a-t-il dit avant d’ajouter que, ce faisant, «la ministre de l’Education nationale a piétiné la Constitution au vu et au su de tout le monde».
Ne se contentant pas d’évoquer «l’anticonstitutionnalité» supposée de la recommandation faite lors des assises sur la réforme du système éducatif, Sadek Dziri a accusé tous les partisans de l’introduction des langues maternelles dans le préparatoire, la première et la deuxième année primaires, d’être des serviteurs inconscients de la France post-coloniale.
«Il est hors de question que ce que la France n’a pas pu faire se fasse après plus d’un demi-siècle d’indépendance, à savoir la mise à mort de l’ «arabe,» a-t-il indiqué dans ce sens en assurant que son organisation irait loin dans son rejet de cette recommandation, quitte à perturber la rentrée scolaire. De plus, se mettant dans la peau d’un donneur de leçons, il a violemment remis en cause la «scientificité» des recommandations émises par les experts engagés par la ministre de l’Education nationale..
«Il aurait été plus judicieux que les experts émettent des recommandations pour le développement de tamazight qui est un des vecteurs de l’identité nationale, et adoptent l’anglais comme première langue étrangère. Mais les considérations idéologiques l’ont emporté sur l’esprit scientifique objectif, ce que nous considérons comme étant un précédent très dangereux et dont les résultats sont imprévisibles,» a-t-il déclaré.
Cette déclaration de guerre faite par l’«Unpef à la ministre de l’Education nationale et aux experts qui l’entourent s’inscrit-elle dans cette cabale orchestrée par les milieux islamistes et conservateurs qui veulent la tête de Nouria Benghebrit? Pourquoi l’Unpef qui s’est rarement prononcée sur les questions pédagogiques s’est immiscée cette fois-ci dans un débat qui ne la dépasse que de loin pour se déchaîner dans des accusations qui frisent l’insolence à l’endroit des experts ayant recommandé l’introduction des langues maternelles dans le système éducatif national, chose qui est au demeurant un fait depuis des années? De quel crédit dispose un syndicat professionnel pour remettre en cause la scientificité des recommandations faites par des experts connus et reconnus pour leur compétence à l’échelle internationale, à l’image de Abderrezak Dourari, de Khaoula Taleb Ibrahimi, etc.? Abdou Elimam, auteur de Le Maghribi alias Edarridja, langue consensuelle du Maghreb, l’un des linguistes maghrébins les plus connus au monde, a-t-il eu tort de proposer, depuis le début des années 1990, l’introduction des langues maternelles dans le système éducatif?
Autant de questions auxquelles il est difficile, voire impossible, de répondre sans glisser sur le chemin du populisme le plus primaire. En effet, dans tous les pays du monde, l’enseignement dans le préparatoire et le primaire se fait dans les langues maternelles des apprenants, y compris dans certains pays d’Asie, comme l’Indonésie, le Vietnam, la Corée du Sud, la Thaïlande, etc., et d’Afrique, à l’image du Sénégal, du Congo-Brazaville, de l’Afrique du Sud qui compte 11 langues officielles. Néanmoins, la campagne de déstabilisation de Nouria Benghebrit dans son entreprise d’algérienisation de l’école, d’instauration d’une école intelligente, aussi virulente soit-elle, ne risque pas d’atteindre ses objectifs. Car, en plus de la justesse du combat de la ministre de l’Education nationale, un soutien actif de nombre d’universitaires, de militants politiques et de syndicats, notamment le Satef, s’enregistre quotidiennement dans la société.