Abdelaziz Bouteflika explicite son plan annoncé dans son discours du 15 avril dernier : «Le président du Sénat, Abdelkader Bensalah» est désigné pour mener «des consultations avec les partis politiques et les personnalités nationales» autour des réformes annoncées. Mais son rôle s’arrête à ce niveau seulement.
Ladite personnalité parlera, au nom du pouvoir, avec les partis et les personnalités nationales. Hier, en Conseil des ministres, Bouteflika a officiellement délimité le champ d’action de Bensalah : juste recueillir les propositions des uns et des autres. Car, et le communiqué du Conseil des ministres le précise, «il (Bouteflika, ndlr) désignera ensuite une commission compétente qui recevra les propositions et suggestions des partis et personnalités pour préparer le projet de révision de la Constitution».
Laquelle commission, «une fois son travail achevé, présentera au chef de l’Etat le projet de réforme de la Constitution dont la mouture finale sera soumise à l’Assemblée populaire nationale». Avant d’ajouter cette précision de taille : «Le projet de révision sera soumis au Parlement après les prochaines élections législatives.»
Ce qui nous renvoie, en termes pratiques, à l’automne 2012. «C’est une manière aussi de conférer un intérêt réel pour ces élections législatives de mai 2012. Tous les partis voudront y prendre part, ce qui en fera une sorte de constituante à l’envers», selon une source proche de la présidence. Et si l’on prévoit aussi la forte éventualité de soumettre cette Constitution à référendum, l’on comprendra aisément que Bouteflika cherche, surtout, à gagner du temps et espérer que la conjoncture internationale évolue à son profit. Entre-temps, il aura lancé les autres réformes politiques contenues dans les projets annoncés des révisions des lois sur les partis politiques, sur l’information, sur les associations, sur le régime électoral, sur la place de la femme dans les assemblées élues ainsi que sur le code de wilaya. Comme pour la révision constitutionnelle, c’est le même Bensalah, l’un des plus proches de Bouteflika et membre de la direction du RND, qui aura la mission de mener les consultations avec les partis et les personnalités.
A la seule différence que, cette fois, ce sera le gouvernement qui prendra directement le relais. «Le gouvernement est tenu, ordonnait hier Bouteflika, de diligenter la préparation des projets de lois découlant de ces réformes pour pouvoir les présenter au Parlement au fur et à mesure de leur finalisation. Mais en tout état de cause, la totalité de ces réformes devra être sur le bureau de l’Assemblée populaire nationale (…) afin qu’ils soient débattus et votés par l’actuelle législature au début de sa prochaine session d’automne.»
Une demi-dépénalisation des délits de presse
S’agissant du deuxième grand dossier examiné, hier, par le Conseil des ministres, et comme attendu, il a été procédé à la suppression des peines d’emprisonnement pour les journalistes, pour délit de presse, contenues dans les deux articles tant décriés et dénoncés depuis leur introduction en avril 2001, à savoir le 144 bis et le 146. Pour autant, les amendes fortement élevées ont été maintenues dans les mêmes articles et pour les mêmes délits de presse. De même que Bouteflika charge, officiellement, le gouvernement «de diligenter l’élaboration du projet de loi organique relative à l’information», lit-on dans le communiqué du Conseil des ministres.
En parallèle, il annonce «une commission indépendante d’experts nationaux dans le domaine des médias audiovisuels, de la communication et de l’information ». Avec pour mandat de «proposer les voies et les moyens d’améliorer le paysage audiovisuel, de promouvoir la communication par le biais des nouvelles technologie de l’information et d’identifier les domaines à travers lesquels l’aide publique contribuera à l’épanouissement de la presse écrite ». Très vaste et vague programme que celui dont est chargé cette commission. C’est d’autant plus étrange comme structure que Bouteflika annonce, dans le même Conseil des ministres «qu’une autorité de régulation des médias sera instaurée une fois la nouvelle loi sur l’information promulguée».
Enfin, Bouteflika a chargé le gouvernement «de préparer les projets de lois relatives à la publicité et aux sondages». Avec, toujours, faut-il le souligner, cette insistance sur le mot de «déontologie », et cet «oubli» permanent du mot «ouverture du champ audiovisuel»…
K. A.