Les hommes de droit sont sceptiques quant aux résultats de la réforme politique engagée en Algérie depuis quelques mois. Les quelques détails des avants-projets de loi paru sur la presse ne donnent pas à l’optimisme. Bien au contraire, les réformes semblent aller à contre-courant des aspirations de toutes les franges de la société qui ne cessent de réclamer un changement de fond.
Plusieurs juristes se sont exprimées hier sur la réforme politique en Algérie en marge de la tenue de l’université d’été du parti des travailleurs. Boudjemâa Ghechir, de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH) a dressé un tableau noir sur la situation de l’Algérie marquée par un fort taux de chômage, beaucoup de problèmes socio économiques, et une corruption généralisée même à la pratique politique où ça devient plus rentable que le commerce ou l’entreprenariat.
«L’Algérie n’est pas isolée. Une petite dérive va entraîner l’intervention internationale notamment en cette conjoncture dangereuse et sauvage. Nous devons être prudents et prendre les mesures adéquates avant qu’elles nous soient imposées comme nous ont été imposés par le passé», a-t-il indiqué lors de son intervention.
Pour lui, l’assemblée constituante est une nécessité «mais elle doit exclure toutes les personnes ayant exercé le pouvoir par le passé». Il estime que la citoyenneté doit s’exercer à travers les partis politiques, les associations et les syndicats c’est pour cela que «le projet de loi les concernant ne doit pas contenir des blocages et des contraintes».

Il a souligné aussi que la loi sur les associations était un bon texte qui avait besoin de quelques améliorations et non de refonte radicale. Le texte ne doit pas limiter le nombre des fondateurs et des représentants. L’empreinte de l’administration a été renforcée alors qu’elle doit être allégée.
A propos du code sur l’information, le même juriste a expliqué que la sanction pénale n’a pas été totalement abrogée mais c’est juste l’emprisonnement des journalistes qui a été levé. «L’amende a été maintenue et alourdie, en cas de non- payement, le procureur peut mettre l’inculpé en prison» a-t-il expliqué. M. Miloud Brahimi a évoqué la dépénalisation de l’acte de gestion considérée comme «une véritable machine de guerre contre les cadres de la nation».
«J’ai examiné le projet remis au parlement et il est désolant de voir qu’aucun texte n’a été abrogé, bien au contraire, on en a rajouté» a-t-il regretté. Pour ce qui est de la suppression de la peine de prison aux journalistes, il précise que la dépénalisation «concerne les écrits qui concernent le chef de l’Etat uniquement, ce qui fait qu’on a rien dépénalisé encore».
M.Brahimi dira que ces réformes sont l’œuvre de la bureaucratie. «Les réformes doivent répondre aux aspirations de la population sinon on se dirige droit vers le mur» a-t-il souligné. La révision de la constitution doit » officialiser la langue amazighe et consacrer la liberté religieuse».
Selon lui, il faut «constitutionnaliser le rôle de l’armée de façon à la faire disparaitre de la vie publique, et l’éloigner de la vie politique.
Son seul rôle se limite à la surveillance et la sécurité du pays. Miloud Brahim estime qu’il est temps de réfléchir sérieusement sur l’abolition de la peine de mort «avant qu’elle nous soit imposée de l’extérieur». «L’Algérie plaide pour un mémorandum international pour l’abolition de la peine de mort mais au niveau interne, il n’y a aucune avancée en la matière», dira-t-il.
Nouria Bourihane