Ils sont des milliers à débuter comme enseignants pour terminer avec le même grade
Si la volonté existe pour remettre l’Ecole algérienne à niveau, il faut avoir le courage d’aller au fond des choses.
L’ensemble des établissements des cycles moyens et primaires ont transmis les rapports à la commission de daïra qui, de son côté, les transmettra à la commission de wilaya. Les regroupements initiés dans le cadre d’un débat national sur les résultats de la réforme scolaire mise en place en 2003 ont été organisés à travers la totalité des établissements de la wilaya. Si dans certaines structures les discussions ont été menées sérieusement dans bon nombre d’autres établissements, les directeurs se sont «amusés à bâcler» l’opération en ne se donnant même pas la peine de rassembler les enseignants et en se limitant à établir des comptes rendus en réponse aux points inscrits dans la circulaire ministérielle. Au CEM Mohamed-Khider la direction a saisi l’occasion pour passer en revue les points inscrits à l’ordre du jour pendant deux bonnes demi-journées.
Rien n’a été laissé au hasard et unanimement, les participants et participantes se sont félicités de l’importance accordée à ces rencontres qui se sont faites rares pendant toute une décennie. Concernant le contenu et de l’avis de tous, la proposition du ministre de marquer un arrêt pour évaluer le travail accompli est plus qu’utile à condition qu’elle soit menée convenablement. «L’école ne s’évalue pas au nombre de reçus et au pourcentage d’admission au Bac, BEM ou à l’examen de passage en première année moyenne.
L’école se juge sur sa capacité à influer sur le cours de la société, son impact sur les générations et son rôle dans la formation des générations.» Vue sous cet angle, l’école algérienne a failli. La société a influé sur l’école et non l’inverse. Les raisons sont multiples. L’inexistence d’un projet de société dénominateur commun entre toutes les couches de la société, la guerre tendancieuse pour la mainmise sur l’école, le choc entre les courants laïcs, islamistes, nationalistes… ont traîné l’école dans un champ conflictuel.
l’ex-ministre Benmohamed en sait quelque chose. En tentant de détrôner le syndicat unique de l’époque et en appelant à une école apolitique où le fondamentalisme n’a pas de place, il s’est retrouvé avec une affaire dite «fuite au Bac» qui lui avait couté sa place, alors que sous l’ère de Benbouzid plusieurs scandales ont entaché cet examen national sans que des enquêtes sérieuses ne soient ouvertes.
La réforme de 2003 n’a pas dérangé les parties en opposition et plus précisément les extrêmes de chaque camp. Les baathistes et les fondamentalistes ont réussi à «imposer» leur diktat à travers des programmes faits sur mesure. L’«algérianité» de l’école a été reléguée au second plan. L’enseignement des matières comme l’arabe, l’histoire, l’éducation islamique, civique… sert de support à un activisme politique. Il participe à un endoctrinement de l’enfant et sa privation des moyens de résonnement. L’enfant ne doit pas réfléchir, il doit subir. Dans la forme, il est question d’une école ouverte sur le monde. L’enseignement des langues étrangères est réduit au point de devenir un handicap pour l’apprenant qui, avec l’influence de l’extérieur, finira pas détester ces «langues de l’ennemi». Même la seconde langue nationale, tamazight, subit les coups d’une aile qui veut que l’école reste un lieu partisan et non un espace de liberté, d’apprentissage et de savoir. Son enseignement est facultatif quand des matières sans aucune utilité à l’enfant sont obligatoires, l’éducation civique par exemple.
Si la volonté existe pour remettre l’école algérienne à niveau, il faut avoir le courage d’aller vers le fond des choses. Rien ne doit être laissé. Il n’y a pas de tabous. L’enfant, salue quotidiennement deux fois l’emblème national pour apprendre à aimer son pays. Le protocole a fini par devenir une corvée et la manière de se tenir pour la grande majorité des élèves quand retentit l’hymne est plus que révélatrice et confirme que l’opération doit être revue. Pourquoi ne pas lever les couleurs en début de semaine, et les baisser en fin de semaine, s’interrogent beaucoup d’enseignants. Au lieu d’exiger le tablier et de mener des opérations médiatisées d’aide aux démunis, pourquoi ne pas aller vers une uniformisation de la tenue à l’instar des pays développés comme l’Angleterre? Les signes ostentatoires de richesse sont quelques fois à l’origine d’une ségrégation entre élèves, ils participent à l’émergence de la violence entre riches et pauvres, ils influencent sur l’évaluation des apprenants. L’enseignant a tendance à regarder d’un oeil plus tendre le fils ou la fille du «baron» du coin. S’agissant de la promotion des personnels, le secteur de l’éducation a ses spécificités. Il ne doit pas rester dépendant de la Fonction publique, cette administration qui ressemble à un Etat dans un Etat. Tout le monde ne peut pas terminer sa carrière comme directeur, censeur, surveillant général ou inspecteur. Ils sont des milliers à débuter comme enseignant pour terminer avec le même grade et quelques échelons en plus. Le ministère doit instaurer une grille d’évolution professionnelle qui permettra, par exemple, après un certain nombre d’années d’exercice, de passer à un palier supérieur. Les promotions conjoncturelles dites promotions diplomantes qui viennent de scinder le corps moyen en deux catégories distinctes, ceux classés à la 12 et ceux qui restent à la 11, sont un acte qui portera un préjudice jamais égalé à l’école algérienne. Comment un enseignant qui a suivi une formation locale avec des examens où les candidats avaient la possibilité de recopier les réponses, où les copies ne sont quelques fois pas corrigées… se retrouve du jour au lendemain mieux classé qu’un autre qui cumule plus de 20 ans d’exercice et qui a fait une formation spécifique à l’éducation (ITE, ENS). Beaucoup d’autres points ont été discutés. Nous essayerons de les traiter après l’élaboration du rapport de wilaya.