PARIS – La réforme de la loi sur la laïcité, annoncée par le président Emmanuel Macron, continue de constituer un point de discorde entre les représentants du culte musulman et le gouvernement français, malgré les assurances de ce dernier.
Mercredi, à l’occasion d’une cérémonie de vœux pour la nouvelle année, organisée par le Conseil français du culte musulman (CFCM) à la Grande Mosquée de Paris, les invités ont eu droit à une expression de craintes de la part des représentants du culte musulman qui voient dans cette réforme une velléité de vouloir contrôler et museler l’islam en France et à une assurance donnée par le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner.
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a indiqué dans ce contexte que l’islam, devenu deuxième religion de France, « doit vivre en s’organisant de manière digne et responsable », soulignant qu’au même titre que les autres cultes, « nous désirons veiller à la consolidation de nos institutions, former nos cadres et nos aumôniers de la meilleure manière et continuer, comme par le passé, à assurer notre financement de façon claire et transparente, comme nous l’avons toujours fait ».
« Nous œuvrons avec détermination pour un Islam de modernité, en accord avec les temps présents, éloigné de tout particularisme et de toute idée de retour aux archaïsmes, comme de tout amalgame de l’islam avec les radicalismes politiques, qui sont de vrais dangers pour nos sociétés », a-t-il expliqué, souhaitant le soutien de l’Etat français pour que le vivre-ensemble « soit un vivre-heureux ».
Pour sa part, le président du Conseil français du culte musulman, Ahmet Ogras, a été plus tranchant sur le projet de réforme de la loi de 1905 en soulignant que le culte musulman « n’est pas demandeur » de cette réforme.
« Si l’Etat juge nécessaire une réadaptation de cette loi au contexte actuel, il doit nécessairement rassurer, consulter et prendre en compte l’avis des premiers concernés à savoir les représentants de tous les cultes », a-t-il lancé en direction du ministre de l’Intérieur qui est également en charge des cultes.
Pour lui, ce projet « ne doit nullement concerner qu’une seule religion comme il ne doit nullement entrepris contre une religion », indiquant que pendant tout le processus de consultation comme celui de négociation, les musulmans de France seront « tout particulièrement vigilants sur ce point ».
De son côté, Christophe Castaner est revenu sur l’objectif du gouvernement dans la réforme de cette loi, soulignant que l’islam, comme chaque culte organisé, « a toute sa place en France ».
« Il n’y a pas d’incompatibilité entre prier Allah et aimer la République. L’islam est ancré dans notre société, qu’il est mûr pour exister par lui-même sans allégeance extérieure, sans passer par l’entremise d’acteurs étrangers », a-t-il dit, soulignant que « l’Etat n’a pas à se mêler de théologie ou de foi. Mais il doit veiller à ce que chacun puisse exercer son culte librement, il doit veiller au respect des lois de la laïcité ».
Il a expliqué que dans « une République où les mentalités et les aspirations ont évolué, il est nécessaire d’examiner le principe de laïcité », soutenant qu’il « faut répondre aux changements de la société et se questionner sur cet impensé d’une loi de 1905 confrontée aux réalités de ce nouveau siècle et des débats que traverse l’islam, dans le monde, comme dans ses divers courants ».
« Notre objectif est de renforcer la laïcité, réaffirmer la neutralité de l’Etat, garantir la liberté de conscience et le libre exercice du culte. Notre projet ne se mêle pas de l’organisation interne des cultes », a-t-il ajouté.
La cérémonie s’est déroulée en présence du secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez, le préfet de Paris, Michel Delpuech, des représentants du corps diplomatiques des pays musulmans, dont l’Algérie, des membres du CFCM et des représentants des autres cultes.